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Culture - Musique

Le saxophone Loyato de Mister Martin

Installé au Liban depuis quelques années, où il enseigne les « performing arts », le grand voyageur et trompettiste argentin sort finalement son second album, empreint de sonorités introspectives et méditatives auxquelles participent ses rencontres musicales.

Martin Loyato et ses loyaux services envers la musique.

L’Argentine n’est pas un grand pays musical, même si on considère Florent Pagny et ses ponchos comme faisant partie du patrimoine, depuis son exil fiscal. Les footballeurs et la viande rouge prennent tout l’espace, et la culture est squattée par le tango. Danse ultrasexualisée et sensuelle, le tango transporte aussi cette tristesse propre aux pays où la religion est très présente et répressive. Et même si dans le tango, beaucoup d’instruments sont joués, la flûte n’y figure pas. Pas de chance, c’est de cet instrument que Martin Loyato est devenu un expert.

Né à Buenos Aires le 16 février 1971 dans une famille de paysagistes, il joue très tôt de la flûte et de la trompette, deux instruments inconnus en Argentine, et étudie en parallèle le paysagisme et la musique. Et mène de front les deux activités : la journée dans la pépinière familiale, le soir dans les bars où il joue. Et même si on ne le laissera jamais dire que 20 ans est le plus bel âge de la vie, son rythme est insoutenable, son activité diurne souffrant de la nocturne. Mais ses nuits étant plus belles que ses jour(née)s, et au grand dam de ses parents, Martin Loyato décide d’arrêter le paysagisme, de se consacrer à la musique et de ne pas s’épanouir dans un pays qui ne connaît ni la trompette ni la flûte.

Géographiquement, un Argentin a peu de choix quand il s’agit de quitter son pays. L’orgueil national excluant un exil en Amérique du Sud, et les lois US étant ce qu’elles étaient avant d’être ce qu’elles sont, Loyato prend le vol le moins coûteux et débarque à 25 ans à Toronto. Son voyage vers le nord lui a donné de la latitude, mais peu de plaisir ; il s’envole donc pour Miami, son soleil et sa population hispanophone et musicale. Il y assiste à une audition pour Arturo Sandoval, légende cubaine de la trompette, qui officie à la Florida International University. Martin Loyato est doué : il y obtient une bourse, et un visa d’un an. Quand on a la bougeotte comme lui, on a toujours besoin d’une raison, aussi futile soit-elle, pour voyager. Et Miami est super, mais l’espagnol y est trop courant et notre musicien reste une flûte « en anglais », et veut bien progresser. Il quitte donc Miami et ses deux flics pour le Colorado et Denver, où il étudie la trompette et la composition et joue régulièrement avec un groupe colombien. La salsa a remplacé le tango, et la sensualité a changé de rythme. Ville moyenne à l’échelle des USA, Denver n’est pas non plus l’environnement rêvé pour y jouer du jazz et rencontrer les meilleurs musiciens, ce à quoi Martin Loyato aspire. En 2005, il quitte donc la capitale du Colorado pour se frotter à New York, son Blue Note et sa scène vibrante. Il y poursuit son cursus universitaire et y obtient même un Phd en composition à la Stony Brook University. C’est pendant son cursus dans la Big Apple que l’artiste découvre la musique orientale, au détour d’un voyage en Égypte et en Jordanie en 2007. Voyage décisif on s’en doute puisque après l’obtention de son diplôme, et alors qu’il veut devenir professeur, c’est vers Beyrouth et la LAU qu’il se tourne, pour y démarrer l’aventure d’un nouveau diplôme de Performing Arts en 2013.

Inattendu
Études aux confins de la musique, de la danse et du théâtre, c’est tout un programme qu’il faut construire et dans lequel Martin Loyato met toute son expérience de musicien et de voyageur. Accompagné par Lina Abyad pour le théâtre et Nadra Assaf pour la danse, deux pontes dans leurs spécialités et deux personnalités très fortes, leur programme attire les élèves et voit ses premiers diplômés sortir en 2016. C’est à la LAU que Martin Loyato rencontre Mohammad Zahzah, qui va l’aider à enregistrer un EP qui deviendra l’album Involution. Cet album n’est que le second du musicien qui préfère très nettement jouer plutôt qu’enregistrer. Et ses albums sont toujours inattendus. Le premier, Syncretism, était inspiré par la musique indonésienne et moyen-orientale. Le second, Involution, enregistré à Beyrouth, est une œuvre méditative, très éloignée des standards jazz habituels, et qui rassemble plus de 30 musiciens du monde entier, tous amis de Loyato, fruits des dizaines de milliers de kilomètres qu’il a parcourus pour la musique, la poésie ou les œuvres caritatives auxquelles il participe activement.

Involution est une œuvre « ambient », profonde, sans rythmes soutenus, qui se vit à tête reposée, s’écoute chez soi, une expérience sensorielle et intellectuelle. Loin des rythmes latinos ou des sonorités arabes, la quiétude qui se dégage des morceaux est un contrepoint bienvenu aux sonorités agressives auxquelles nos oreilles sont soumises. Pas de refrains, pas de boum boum, pas de structure claire, influence du jazz oblige, l’album s’écoute d’un trait, on ne peut pas ressortir de single ou de tube, ça n’est pas l’objectif. L’influence de la musique arabe n’est pas forcément notable, mais ce qui l’est, c’est qu’une des villes les plus bruyantes du monde inspire autant de calme à un artiste ayant par ailleurs autant voyagé.

www.martinloyato.com

L’Argentine n’est pas un grand pays musical, même si on considère Florent Pagny et ses ponchos comme faisant partie du patrimoine, depuis son exil fiscal. Les footballeurs et la viande rouge prennent tout l’espace, et la culture est squattée par le tango. Danse ultrasexualisée et sensuelle, le tango transporte aussi cette tristesse propre aux pays où la religion est très présente et...

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