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Nos Lecteurs ont la Parole - par Raymond NAMMOUR

2 000 ans d’histoire... Et nous ?

Les chrétiens d'Orient sont à l'affiche à l'Institut du monde arabe à Paris sous le titre élogieux « 2 000 ans d'histoire... ».
Le thème, d'une actualité brûlante, a été magistralement traité. Et pourtant, en sortant de l'exposition, un sentiment mitigé vous accable et les yeux rougissent sous une double pression : l'amertume et la colère.
L'amertume de voir le sort des 2 000 ans d'histoire ! D'une présence scintillante à une présence timide et apeurée; d'une vie enracinée à une émigration forcenée ; d'une participation active à des rôles de figurants ; d'une attitude fière et crainte à un troupeau effaré. Mais c'est surtout la colère qui vous prend à la gorge.
2 000 ans d'histoire devaient être suffisants pour créer les conditions d'un avenir serein et apaisé. Malheureusement il n'en est rien. La présence politique des chrétiens d'Orient est menacée plus que jamais. Il suffit pour s'en convaincre de voir l'évolution du Liban créé à l'origine par et pour les chrétiens et vers lequel se tournaient toutes les minorités opprimées de la région.
Et c'est là que la colère gronde ! Pas tellement contre l'environnement musulman qui après tout n'a fait que ce que toute autre majorité aurait fait. Et encore !
La colère est surtout à l'encontre des « fromagistes » locaux qui, par leur cupidité, ont gaspillé un capital de 2 000 ans d'histoire en un laps de temps record ! Moins d'un siècle, 1945-2017, leur a suffi pour « déconstruire » le Liban ; seul État à « visage chrétien », membre fondateur de la Ligue arabe.
À la première phase de « suprématie », 1945-1969, a succédé une seconde phase de « contestation » 1970-1990 suivie de la « domination » de 1990-2016 prélude à la marginalisation en cours ! Aujourd'hui, nous avons désormais des « chrétiens chiites » et des « chrétiens sunnites » qui s'entredéchirent au diapason de la discorde musulmane. Voilà pourquoi la colère vous envahit.
Nous avons souffert des années espérant sortir le pays du sous-développement. Hélas, nous n'avons eu droit qu'à une République bananière.
On peut certes se déculpabiliser en évoquant l'hégémonisme israélo-syrien ou l'ingratitude palestinienne ou l'extrémisme jihadiste ou encore l'impérialisme iranien. L'amère réalité est tout autre.
Nous avons failli car nous étions trop occupés à consommer et aucunement à investir pour l'avenir.
À ce niveau, l'exposition parisienne serait-elle prémonitoire ? Annoncera-t-elle la fin d'un pluralisme vieux de 2 000 ans ? Ou bien provoquera-t-elle un « réveil salutaire » quant au sort de la chrétienté orientale ?
Nous sommes certes très loin de 1860, quand l'Europe tout entière trouvait intérêt à intervenir au profit des minorités de l'Empire ottoman. Nous assistons toutefois à la transformation de la Méditerranée en un immense « entrepôt » de pétrole, de gaz, et surtout de jihadistes et de futurs réfugiés. Et tout cela à quelques encablures des rivages européens !
Raisons suffisantes pour que l'Europe s'implique complètement dans l'avenir du Moyen-Orient.
Reste que l'effort principal ne pourra venir que des intéressés eux-mêmes.
Les législatives libanaises de mai 2018 fourniront une occasion unique pour remettre le Liban sur les rails de sa destination d'origine, havre de paix et de prospérité donnant en même temps un signal d'espoir à tous les apeurés de la région car quand le Liban va bien toute la chrétienté orientale s'apaise.
Le « fromagisme » de tout temps n'a conduit qu'à de piètres politiques. La majorité « fromagiste » actuelle a tellement failli qu'elle a érigé le népotisme et la corruption en style de gouvernance ! Elle tente même de bâillonner les libertés publiques par la terreur judiciaire !
Les déficits publics ont atteint des profondeurs abyssales d'où les mêmes « fromagistes » en fin de mandat espèrent sortir pour le dilapider le gaz et le pétrole avec un « triumvirat » fraîchement immaculé, Total, Eni et Novatek sous la protection des baïonnettes hezbollahies !
Agissant de la sorte, le pouvoir en place ne fait que nourrir l'incertitude qui plane sur l'avenir politique et économique du Liban.
Seul le « dégagisme », pratiqué brillamment sous d'autres cieux, pourra redonner de l'espoir et mai 2018 sonnera alors comme un lointain écho d'un autre mai avec le même 8 !
Autrement, on reviendra régulièrement pleurer les vestiges de 2 000 ans d'histoire... et le souvenir d'une géographie perdue à jamais.

 

Les chrétiens d'Orient sont à l'affiche à l'Institut du monde arabe à Paris sous le titre élogieux « 2 000 ans d'histoire... ».Le thème, d'une actualité brûlante, a été magistralement traité. Et pourtant, en sortant de l'exposition, un sentiment mitigé vous accable et les yeux rougissent sous une double pression : l'amertume et la colère.L'amertume de voir le sort des 2 000...

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