Le journaliste libanais Marcel Ghanem (au centre) avec son avocat, le député Boutros Harb (d) et le député Nadim Gemayel (g), le 4 janvier 2018 devant le Palais de justice de Baabda. Photo Marwan Assaf.
Le journaliste-vedette de la LBCI Marcel Ghanem a comparu jeudi devant le premier juge d'instruction du Mont-Liban, Nicolas Mansour, au palais de justice à Baabda, devant lequel de nombreuses personnalités politiques et médiatiques se sont rassemblées pour soutenir la liberté d'expression. La justice libanaise a finalement accepté le recours pour vice de forme déposé par l'avocat de M. Ghanem, le député Boutros Harb. Une nouvelle séance est prévue le 2 février prochain. La justice avait dit qu'elle accepterait le recours si M. Ghanem se présentait au tribunal.
Cette démarche s'inscrit dans le cadre de la procédure lancée par le ministre de la Justice, Salim Jreissati, à l'encontre de M. Ghanem. Quelques jours après la démission du Premier ministre, Saad Hariri, le 4 novembre dernier, M. Ghanem avait interviewé deux journalistes saoudiens qui avaient vivement critiqué le régime et de hauts responsables libanais. Le journaliste est aujourd'hui accusé d'avoir "porté atteinte à la dignité du président de la République, Michel Aoun".
"Nous ne renoncerons pas"
"Notre bataille en faveur de la liberté d'expression continue. Personne ne pourra nous intimider. Nous ne renoncerons pas dans cette bataille pour les libertés au Liban et nous ne transigerons pas pour le sang des martyrs tombés pour la liberté", a déclaré M. Ghanem à l'issue de sa comparution. "Je tiens à remercier tous ceux, venus de tout le Liban, qui se sont déplacés pour afficher leur soutien, et nous nous engageons à être toujours du côté de la liberté d'expression. Nous ne trahirons pas votre confiance", a-t-il ajouté.
De son côté, M. Harb a dénoncé une tentative de musellement. "Nous avions peur que ce qui s'est passé soit une tentative de museler les voix. Par l'intermédiaire de Marcel Ghamen et de la LBCI, nous avons acté que nous refusions cela", a-t-il affirmé.
"Cette affaire aurait dû se régler dans le cadre du tribunal pour les imprimés", a déclaré de son côté Pierre Daher, PDG de la LBCI. "Le Liban est une oasis de libertés et cette affaire n'aurait pas dû aller jusque là", a-t-il ajouté. "Nous ne menons pas la bataille au nom de Marcel Ghanem ou de la LBCI, mais au nom du peuple libanais", a déclaré M. Daher.
Le ministre de l'Information, Melhem Riachi, a, lui, estimé que le dossier Marcel Ghanem a été "réglé" à la faveur de la mobilisation de ses soutiens. Avant la comparution du journaliste libanais, M. Riachi avait déclaré qu'il n'accepterait pas que l'affaire Ghanem "soit le prélude à une attaque contre les médias".
Large soutien
Le rassemblement en faveur de la liberté d'expression avait été organisé à l'appel de M. Daher. "Nous sommes là pour tirer la sonnette d'alarme sur la liberté d'expression", avait déclaré le PDG de la LBCI avant la séance, ajoutant que "la majorité de la classe politique est consciente des atteintes à la liberté d'expression". Dans les colonnes de L'Orient-Le Jour, M. Daher accuse "la classe politique dans son ensemble" de "porter atteinte à la LBCI, et par le fait même aux libertés publiques au Liban".
Plusieurs personnalités politiques ainsi que des militants Kataëb étaient également présents à ce rassemblement. Le chef des Kataëb, Samy Gemayel, a dénoncé une "intimidation" contre tous les journalistes, appelant la classe médiatique à s'élever contre une telle attitude.
"Il est de notre devoir de faire face à toutes les tentatives visant à réduire les voix au silence", a déclaré de son côté l'ancien ministre de la Culture, Rony Arayji, affirmant que M. Ghanem "n'est pas un criminel". Nabil de Freige, député de Beyrouth, a déclaré qu'"il ne peut y avoir de Liban sans liberté". L'ancien ministre druze Wi'am Wahhab a également exprimé sa solidarité avec M. Ghanem et la chaîne LBCI.
Plusieurs anciens journalistes reconvertis dans la politique comme Ghazi Aridi ou Marwan Hamadé, ainsi que la journaliste May Chidiac, étaient présents.
"Politiser la question des libertés"
Le ministre de la Justice, Salim Jreissati, a réagi en fin de matinée sur son compte Twitter. "La loi, appliquée par une justice neutre et indépendante, l'a emporté. La presse libre, soumise à la loi et la justice l'a également emporté", a-t-il écrit, ajoutant que "l'instrumentalisation politique ne fonctionne pas lorsqu'il s'agit des libertés publiques protégées par la loi et la justice".
En Conseil des ministres, le chef de l’État, Michel Aoun, a pour sa part déclaré qu'il n'y avait pas de problème de libertés publiques au Liban. "Je tiens autant à la liberté de la presse qu'à l'application de la loi et au respect de la justice", a-t-il affirmé.
"Le Liban se différencie grâce aux libertés publiques, notamment la liberté d'expression", a déclaré pour sa part le Premier ministre, Saad Hariri. "Quelque fois, certains tentent de politiser la question des libertés. Nous devons rester loin de ces tentatives de mettre fin à ces libertés", a-t-il ajouté. M. Hariri a exprimé son soutien au chef de l’État dans cette affaire : "Depuis l'élection du président Aoun et la formation du gouvernement, nous avons montré notre attachement aux libertés et nous continuerons à le faire", a-t-il déclaré, insistant sur l'importance du rôle des médias.
Le chef de la diplomatie, Gebran Bassil, également gendre du président Aoun, s'est, lui, félicité en écrivant, sur Twitter : "La liberté et la justice sont toutes deux gagnantes aujourd'hui. Voilà comment la justice et l'information sont, ensemble, au cœur de l'édification de l'Etat... et des humains responsables au sein de cet Etat". M. Bassil a signé son message par ses initiales, une manière de préciser qu'il l'a personnellement rédigé.
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commentaires (12)
Merci l'OLJ...tout le monde fait des erreurs, moi y compris!("Moi qui croyais", et non "qui croyait", abou-jreij!)
Georges MELKI
10 h 19, le 05 janvier 2018