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Moyen Orient et Monde - Analyse

Iran : la prudence reste de mise chez les Européens

Dans la soirée d’hier, le président français a réaffirmé qu’il « est très important de maintenir un dialogue exigeant avec l’Iran, car la rupture des relations et la volonté de détruire l’accord sur le nucléaire risquent d’entraîner une guerre ». Reuters/Ludovic Marin/Pool

« Préoccupation », appels au « dialogue » : les pays européens ont réagi avec prudence face aux manifestations secouant l'Iran, un ton mesuré qui contraste avec le soutien aux protestataires du président américain Donald Trump, contre-productif selon des experts. L'Iran est le théâtre depuis une semaine de violentes protestations contre les difficultés économiques et le régime. Au total, 21 personnes ont été tuées dans des violences liées à ces rassemblements. Des centaines d'autres ont été arrêtées.
Depuis le début des troubles, le locataire de la Maison-Blanche, qui considère Téhéran comme son ennemi numéro un au Moyen-Orient, multiplie les attaques contre un régime qualifié de « brutal et corrompu » et a promis hier le soutien américain au peuple iranien « le moment venu ».
Engagée dans une normalisation de ses rapports avec Téhéran depuis la conclusion en 2015 de l'accord sur le nucléaire iranien, l'Union européenne se montre, elle, bien moins vindicative, en choisissant d'insister sur le respect des droits de l'homme.
La chef de la diplomatie européenne, Federica Mogherini, a déploré mardi « la perte inacceptable de vie humaines » et appelé « toutes les parties concernées » à s'abstenir « de toute violence ». Le même jour, le président français Emmanuel Macron confiait à son homologue iranien Hassan Rohani sa « préoccupation » face « au nombre de victimes, en l'exhortant à la retenue et à l'apaisement ». La visite prévue dans les prochains jours à Téhéran du chef de la diplomatie française, Jean-Yves Le Drian, a été reportée. « Le Royaume-Uni observe attentivement les événements en Iran », a pudiquement commenté le ministre des Affaires étrangères britannique Boris Johnson, tandis que Berlin a appelé Téhéran à « respecter la liberté de rassemblement et d'expression » en encourageant le régime à répondre « par le dialogue ». Pour François Nicoullaud, ancien ambassadeur de France en Iran, « la position européenne est certes peut-être moins avantageuse devant nos opinions publiques, mais relève de la sagesse » au vu selon lui des faibles espoirs de voir aboutir cette révolte populaire.

« Huile sur le feu »
« Ce qui se passe en Iran est l'expression d'une souffrance profonde mais telle qu'elle s'exprime, sans cadre, sans programme, ses chances de succès sont très modérées. Dans un affrontement dur avec le régime elle sera forcément écrasée », juge ce spécialiste des relations internationales.
« Avant les sanctions économiques contre l'Iran, l'UE était le premier partenaire commercial de ce pays. Et sur le plan diplomatique, l'Iran est un acteur central dans de multiples crises régionales. Tout cela concourt à l'idée, en Europe, qu'il faut entretenir des relations normalisées avec Téhéran. Les réactions européennes doivent être replacées dans ce contexte », analyse de son côté Thierry Coville, spécialiste de l'iran au sein du groupe de réflexion français IRIS. « L'UE se montre sage, estime-t-il. Ce qui compte, c'est la société civile iranienne, or la meilleure façon de la soutenir c'est de viser l'amélioration économique, pas de jeter de l'huile sur le feu. Car dans cette crise, les modérés iraniens ont beaucoup à perdre et les radicaux beaucoup à gagner. »
« L'Occident et surtout le président Donald Trump seraient mal avisés de soutenir les contestataires, car cette posture risquerait de faire le jeu des faucons », renchérissait lundi le journal britannique The Times. « Le mieux à faire est de temporiser et de laisser ce régime vicié révéler sa propre nature. »
Washington risque malgré tout de camper sur ses positions, à l'heure où « Trump doit décider de dénoncer ou non l'accord sur le nucléaire iranien autour du 15 janvier », rappelle Denis Bauchard, chercheur à l'Institut français des relations internationales (IFRI). Face à la remise en cause par M. Trump de cet accord, les Européens, au premier rang desquels la France, défendent l'application de ce texte présenté par ses partisans comme le meilleur moyen d'éviter que l'Iran ne se dote de l'arme atomique. Dans la soirée d'hier, le président français a réaffirmé qu'il « est très important de maintenir un dialogue exigeant avec l'Iran car la rupture des relations et la volonté de détruire l'accord sur le nucléaire risquent d'entraîner une guerre ». « On voit bien le discours officiel qui est porté par les États-Unis, Israël, l'Arabie saoudite, qui sont nos alliés à de nombreux égards, c'est quasiment un discours qui va nous conduire à la guerre en Iran », a-t-il ajouté à des journalistes, en marge de ses vœux à la presse., en soulignant sans davantage de précisions qu'il s'agissait d'une « stratégie délibérée de certains ». Interrogé sur la date de sa propre visite en Iran, il a répondu: « Le préalable à ça, c'est un retour au calme respectueux des libertés. » « Tant que le contexte est celui-ci, il est évident que rien n'est envisageable », a-t-il ajouté, alors que les manifestations antigouvernementales qui ont fait au moins 21 morts en six jours se poursuivent.

Daphné Benoît/AFP

« Préoccupation », appels au « dialogue » : les pays européens ont réagi avec prudence face aux manifestations secouant l'Iran, un ton mesuré qui contraste avec le soutien aux protestataires du président américain Donald Trump, contre-productif selon des experts. L'Iran est le théâtre depuis une semaine de violentes protestations contre les difficultés économiques et le...

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