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Liban - Social

L’école privée face à une crise existentielle

Si les écoles privées ne sont pas aidées, la nouvelle grille des salaires sonnera le glas de quelque 150 écoles gratuites, centrales et périphériques, avertit le secrétaire général adjoint des écoles catholiques.

Léon Kilzi, secrétaire général adjoint des écoles catholiques : « L’école privée fait face à une crise existentielle. »

La population scolaire du Liban s'élève à 1 060 000 apprenants (chiffres de l'année scolaire 2016-2017). L'école privée en scolarise près de 66 % (560 000 élèves dans le privé payant, soit 52,5 % du total, et 142 000 dans le privé gratuit, soit 13,4 %). L'Unrwa en scolarise 35 000 (3,4 %) et le reste, 315 000 (30,3 %), est assuré par l'école publique.

Ce déséquilibre entre le privé et le public n'existe dans aucun autre pays au monde. Les pays qui se rapprochent le plus du modèle libanais sont la Belgique (56,6 %) et le Royaume-Uni (46 %). Mais la ressemblance s'arrête là, car l'État assume la plus grande partie de la charge financière des écoles privées dans ces pays-là. En France, l'école privée assume 18 % de la population scolaire, mais le privé non subventionné, des écoles de très haut standing, ne représente que 3 % de ce chiffre. En tout état de cause, la moyenne mondiale des scolarités assurée par le privé ne dépasse pas, elle, 19,7 %.

Conscient de ce déséquilibre, dont les conséquences financières ont été accentuées de manière dramatique par l'adoption de la nouvelle grille des salaires dans le secteur public, sur lequel s'aligne les enseignants du privé, le patriarche maronite Béchara Raï n'a plus qu'un seul argument en bouche, depuis quelques semaines : l'école privée assure aujourd'hui un service public ; la nouvelle grille des salaires l'a fragilisée au point de la mettre en danger ; c'est à l'État d'en assumer les conséquences et de la subventionner. Pour le patriarche, l'école privée a joué un rôle historique dans l'édification du Liban, et ses qualités de discipline et de compétence ont fait leurs preuves. C'est ce capital qui risque de disparaître progressivement, si les choses sont laissées à elles-mêmes.

 

(Lire aussi : Les enseignants contractuels de l'UL et de l'école publique revendiquent ; Hamadé temporise)

 

400 millions de dollars
Le secrétariat des écoles catholiques estime à 400 millions de dollars le montant de la subvention que l'État doit assumer pour l'année 2017-2018 en cours. Ce chiffre est calculé sur la base d'une augmentation moyenne des frais scolaires de 1 090 000 de livres par élève.

Pour Léon Kilzi, secrétaire général adjoint des écoles catholiques, « l'école privée en général fait face à une crise existentielle ». L'ex-directeur de Champville, la grande école des Frères maristes du Metn, est particulièrement inquiet pour les écoles gratuites de moins de 400 élèves, réparties un peu partout au Liban, en milieu rural comme en milieu urbain. Pour lui, « plus l'établissement sera petit, plus l'impact de la grille sera grand », et il est clair que ces écoles, devenues financièrement perdantes, « sont condamnées à fermer dans les deux ans », d'autant que cela fait quatre ans que l'État, pour des raisons purement bureaucratiques, ne leur a plus payé les cotisations auxquelles il est tenu au titre de l'enseignement obligatoire.

Quelle relève pourrait-elle être prise, sur ce plan, par l'école publique ? Toute projection à ce sujet est hasardeuse. Présentes dans l'ensemble des régions libanaises, la fermeture de ces écoles, au nombre de 150, assurant la scolarisation d'environ 37 000 élèves, aura des conséquences catastrophiques non seulement sur le plan scolaire, mais aussi sur les plans économique, social et démographique. À raison d'une quarantaine d'emplois par école (dont 25 enseignants et une quinzaine de membres du personnel administratif et logistique), la fermeture de ces écoles va accentuer l'exode rural et grossir les grandes banlieues. « Ce sera notamment un coup mortel pour le tissu social mixte du pays, et surtout pour la mission de l'Église », relève Léon Kilzi. On en mesure l'enjeu pour les Églises et la présence chrétienne dans les régions périphériques ou franchement frontalières. À terme, c'est tout un basculement démographique qu'il faut craindre.

« Au niveau des écoles privées payantes, relève ce responsable académique, l'entrée en vigueur de la nouvelle grille des salaires va certainement poser problème, et de hauts cris s'élèvent à ce sujet jusque dans les plus solides établissements ; éventuellement, si rien n'est fait pour y remédier, l'augmentation des frais de scolarité provoquera une baisse des inscriptions ; hélas, ce resserrement des effectifs se fera au détriment de la mission de ces établissements, qui est la diffusion non seulement du savoir, mais des valeurs. Et, en définitive, ils deviendront des écoles de riches. »

 

(Pour mémoire : Hamadé répond à Aoun : L'État n'a pas le sou)

 

 

F'aux combats
Pour faire face à une situation difficile, voire dramatique, « il est essentiel de ne pas mener de faux combats », affirme le responsable du secrétariat des écoles catholiques. Par « faux combat », M. Kilzi veut dire les affrontements entre comité de parents et direction d'école, ou entre direction d'école et enseignants, auxquels certains moralistes veulent réduire la crise scolaire.

Certes, donnant l'exemple, M. Kilzi commence par blâmer l'Assemblée nationale pour son imprévoyance. Il n'en défend pas moins « les droits des enseignants à leurs salaires et à leurs échelons », encore qu'il juge qu'ils devront probablement en accepter, dans certains cas, l'échelonnement. Il fait preuve aussi de sympathie pour des parents obligés de s'acquitter de nouveaux impôts, pour payer les enseignants, et de faire face, en même temps, à des augmentations de scolarités, dans une conjoncture économique frisant la catastrophe (entre 1 et 1,5 million de livres d'augmentation par enfant et par an, alors que le revenu moyen annuel per capita se situe entre 10 et 11 000 dollars, selon les estimations de la Banque mondiale).

Enfin, M. Kilzi, tout en louant les congrégations qui comblent des déficits budgétaires enregistrés par leurs écoles, admet volontiers qu'il est nécessaire d'entreprendre des « travaux à l'interne », au niveau de la direction de certaines écoles, pour réduire certaines dépenses somptuaires et introduire plus de simplicité évangélique et de transparence de gestion.

En échange, il pense que les écoles privées défendent mal leur cause et ne savent pas articuler à leur avantage le handicap dont elles souffrent du fait, par exemple, des scolarités impayées qu'elles épongent (10 %), ou de la gratuité assurée aux enfants des enseignants (5 %), ou des bourses de nécessité qu'elles accordent (7 %). Ces frais imprévus, assure-t-il, représentent déjà quelque 22 % du budget scolaire. Mais, raisonne-t-il, ces actions ponctuelles résoudront-elles le problème de fond ?

Léon Kilzi répond à cette question par la négative ; pour lui, pour réformer l'enseignement au Liban, il est fondamental d'entrer dans la logique défendue par le patriarche Raï et d'obtenir la reconnaissance par l'État de ce « service public ». Le responsable académique plaide pour une aide « maîtrisée » qui n'empiéterait pas sur la liberté de l'école privée. Mais ce droit de regard de l'État pourrait également être l'agent régulateur d'un secteur crucial pour l'unité nationale, et sonner la fin d'un temps où les petites classes devaient vendre des biens-fonds et se saigner pour accéder au savoir.

 

 

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Ce déséquilibre...
commentaires (3)

Très intéressant ce papier qui soulève un débat occulté et qui doit pourtant avoir lieu: quel rôle pour l'Etat dans le financement et donc le contrôle de l'école? Quelle place pour les écoles privées (il convient d'en parler au pluriel) dans la formation des nouvelles générations de Libanais, mission cruciale pour l'unité nationale comme l'écrit FN? Au risque de jeter un pavé dans la mare, pourquoi ne pas muscler l'école publique en laissant aux parents qui le souhaitent le soin d'inscrire leurs enfants au caté ou au cours islamique en dehors des heures scolaires? Ce serait là le début de l'iunité scolaire autour de valeurs nationales communes.

Marionet

10 h 57, le 30 décembre 2017

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Commentaires (3)

  • Très intéressant ce papier qui soulève un débat occulté et qui doit pourtant avoir lieu: quel rôle pour l'Etat dans le financement et donc le contrôle de l'école? Quelle place pour les écoles privées (il convient d'en parler au pluriel) dans la formation des nouvelles générations de Libanais, mission cruciale pour l'unité nationale comme l'écrit FN? Au risque de jeter un pavé dans la mare, pourquoi ne pas muscler l'école publique en laissant aux parents qui le souhaitent le soin d'inscrire leurs enfants au caté ou au cours islamique en dehors des heures scolaires? Ce serait là le début de l'iunité scolaire autour de valeurs nationales communes.

    Marionet

    10 h 57, le 30 décembre 2017

  • SAUVEZ LES ECOLES PRIVES CAR D,ELLES SEULES SOURDE LA CONNAISSANCE...

    LA LIBRE EXPRESSION-LA PATRIE EN DANGER

    10 h 55, le 30 décembre 2017

  • Bonne chance aux écoles en générale et aux écoles privées en particulier. Leur contribution à notre pays constitue une priorité et une richesse éducative incommensurable.

    Sarkis Serge Tateossian

    01 h 54, le 30 décembre 2017

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