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Liban - Scolarité

Enseignants : Pour ou contre l’échelle des salaires, deux avocats s’engagent

Paul Morcos estime que la loi 46 ne s'applique pas à l'école privée. Ziyad Baroud, lui, soutient que l'article 13 est explicite, et que la grille des salaires doit être appliquée immédiatement, et dans toutes ses dispositions, aux enseignants cadrés et contractuels. Seul point convergent, les deux avocats invitent l'État à assumer.

Renvoyés dos à dos par le législateur, les établissements privés, les enseignants et les parents d’élèves n’en finissent pas de palabrer sur l’applicabilité de la loi sur l’échelle des salaires au secteur privé. Photo Bigstock

Plus de trois mois après la publication de la loi 46 sur l'échelle des salaires dans le Journal officiel, l'école privée est plus que jamais dans l'impasse. Renvoyés dos à dos par le législateur, les établissements privés, les enseignants et les parents d'élèves n'en finissent pas de palabrer sur l'applicabilité de la loi au secteur privé, la médiation engagée par le ministre de l'Éducation, Marwan Hamadé n'ayant toujours pas abouti.

Les établissements scolaires menés par le secrétariat général des écoles catholiques assurent que sans une augmentation sensible des frais de scolarité, ils ne pourront assumer les améliorations de salaires des enseignants et tentent de trouver une parade à l'adoption des six échelons exceptionnels. De leur côté, les parents d'élèves se disent dans l'incapacité de supporter des hausses des frais des écolages en cette période de crise économique et multiplient les visites aux personnalités influentes. Des représentants de comités de parents ont d'ailleurs plaidé leur cause hier auprès du patriarche maronite, Béchara Raï, à Bkerké.

Quant aux enseignants, ils assurent ne plus pouvoir continuer à exercer correctement sans une amélioration de leurs salaires et brandissent la menace de l'escalade. Ils se basent sur le principe de l'unité de législation entre secteurs public et privé, rappelé en mars dernier à L'Orient-Le Jour par l'ancien président du syndicat des enseignants de l'école privée, Nehmé Mahfoud. Un principe selon lequel « toutes les lois adoptées depuis 1956 lient les enseignants de l'école privée aux échelons et aux salaires des enseignants du secteur public ». « C'est la seule façon pour nous d'obtenir nos droits », assurait-il. Les enseignants du public bénéficient, eux, des améliorations de leurs conditions salariales depuis le 21 août dernier.

 

(Pour mémoire : Hamadé s’insurge contre « une politique destructrice » visant l’Éducation)

 

Des modalités d'application pas claires
C'est dans le cadre de cette âpre bataille que le secrétariat général des écoles catholiques a invité le professeur en droit Paul Morcos à réaliser une « étude objective » sur l'ensemble de la loi 46. Contacté par L'OLJ, l'avocat, qui dit vouloir « rester en dehors de la polémique », estime que « l'échelle des salaires ne s'applique pas au secteur privé ». « Cette loi est codifiée en fonction du secteur public; elle comporte donc des éléments applicables uniquement au secteur public, comme les horaires de travail, les spécificités liées à la femme mariée », explique-t-il. Me Morcos ajoute que la « bonne application de la loi 46 nécessite des mécanismes ou décrets d'application par le biais desquels le législateur fait véhiculer au secteur privé d'une façon claire et simple le contenu de la loi ».

L'avocat soutient de plus que « dans l'article 13 de la loi, il n'y a aucune mention des articles qui sont applicables au secteur privé. Les modalités d'application à ce secteur ne sont donc pas claires ». Il observe aussi que « du point de vue législatif, appliquer au secteur privé les dispositions de la loi 46 vont à l'encontre du régime juridique législatif libanais qui sépare nettement les deux secteurs du corps enseignant ». « Le législateur a toujours joué un rôle protecteur au niveau financier pour la sauvegarde du secteur éducatif privé, assure-t-il aussi. Par conséquent, il serait juste et légitime que la loi n'impose pas à ce secteur davantage de charges sans assurer les fonds nécessaires à son application ». Paul Morcos suggère en conclusion, et « pour que les choses soient plus équitables », de « donner aux enseignants une majoration de salaire liée à la vie chère jusqu'à ce que les points conflictuels soient clarifiés ».

 

Pas besoin de décrets d'application
Contacté également par L'OLJ, l'avocat du syndicat des enseignants de l'école privée, Ziyad Baroud, soutient que la loi 46 ne nécessite pas de décret d'application, mais qu'elle doit être appliquée immédiatement. « Le texte de loi ne mentionne pas de décret d'application. L'échelle des salaires est donc en vigueur immédiatement, dès sa publication dans le Journal officiel », martèle-t-il, observant que « la loi a bien été appliquée au secteur public, sans décret d'application ».

Montrant du doigt les forces politiques et le Parlement qui ont dressé « les uns contre les autres » les trois acteurs du secteur éducatif privé, établissements, parents d'élèves et enseignants, Me Baroud invite l'État « à subventionner l'école privée cette année pour financer l'échelle des salaires, comme il l'a déjà fait en 1960, car les écoles n'ont pas les moyens de supporter ces hausses drastiques de salaires ». « Cette loi est la responsabilité de l'État. C'est lui qui est censé veiller à sa bonne application », insiste-t-il.

L'ancien ministre, qui a été consulté sur les modalités d'application de la loi 46, assure de plus que « l'article 13 est explicite ». « Les dispositions de la loi s'appliquent au corps professoral privé, cadré et contractuel, qu'il s'agisse des augmentations de salaires, de la vie chère ou des six échelons exceptionnels », indique-t-il. Me Baroud se base aussi, dans son argumentation, sur une décision du Conseil d'État français et sur une autre du Conseil d'État libanais qui « défendent le principe d'équité entre les personnes appartenant à un même corps de métier ». Mais il rappelle qu'aujourd'hui, « 600 enseignants en situation de départ à la retraite attendent en vain que la caisse des indemnités leur paie leur dû, sur base de la loi 46 ».
Rien n'indique une éclaircie proche, la paralysie étant totale. La justice serait-elle le seul recours possible pour faire valoir les droits des enseignants du privé ?

 

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commentaires (1)

Voici un article intéressant car je me demandais donc s'il s'agit au Liban d'un système d'école d'enseignement public et que les écoles privées (par exemple des écoles catholiques) recoivent partiellement des subsides de l'état.

Stes David

18 h 26, le 06 décembre 2017

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Commentaires (1)

  • Voici un article intéressant car je me demandais donc s'il s'agit au Liban d'un système d'école d'enseignement public et que les écoles privées (par exemple des écoles catholiques) recoivent partiellement des subsides de l'état.

    Stes David

    18 h 26, le 06 décembre 2017

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