Alors que la question de l'agrandissement des deux décharges côtières de Bourj Hammoud et de Costa Brava avait été présentée comme urgente, du fait de leur sursaturation précoce et du danger d'un retour des ordures dans les rues, celle-ci n'a pas été tranchée par le Conseil des ministres hier... mais plutôt renvoyée à la commission ministérielle chargée de ce dossier. Une commission à laquelle se sont joints de nouveaux ministres, et dont l'action devrait être « réactivée », selon certaines informations. La commission devrait se réunir dès la semaine prochaine en vue de débattre de la possibilité d'adapter le plan d'agrandissement au plan global de gestion des déchets, présenté auparavant par le ministre de l'Environnement Tarek el-Khatib.
Rappelons que les deux décharges côtières, l'une au nord et l'autre au sud de Beyrouth, avaient été décidées dans le cadre du plan de sortie de crise adopté par le gouvernement en mars 2016. Vu le volume de déchets qui leur est envoyé chaque jour des différentes régions de Beyrouth et du Mont-Liban (400 tonnes de plus que prévu), et l'absence de réelles capacités de réduire ce volume par du compostage et du recyclage, ces décharges ont été saturées plus tôt que prévu, et le spectre des rues noyées d'ordures de 2015 revient hanter le pays. Un plan pour l'élargissement des deux sites avait été demandé par le gouvernement au Conseil du développement et de la reconstruction (CDR), et cet organisme l'a présenté hier.
Urgence ou soulagement ?
Ces décharges côtières sont controversées et font l'objet de plaintes judiciaires depuis leur création. L'ajournement de la décision de leur agrandissement a donc été accueilli avec soulagement par les détracteurs de cette option, comme le député Ibrahim Kanaan (bloc du Changement et de la Réforme) qui faisait des déclarations en ce sens depuis deux jours. « Merci au gouvernement d'avoir gelé l'agrandissement des décharges de Costa Brava et de Bourj Hammoud, et d'avoir envoyé ce dossier pour étude par une commission ministérielle », a-t-il tweeté hier.
Le ministre d'État à la Planification, Michel Pharaon, qui fait partie de la commission ministérielle, s'est dit « satisfait que le Conseil des ministres ait gelé la décision d'agrandir et de prolonger la vie des décharges, et qu'il ait décidé de réexaminer le plan du ministère de l'Environnement avant de suivre cette voie ».
À L'Orient-Le Jour, M. Pharaon a relevé une contradiction dans certaines données entre le rapport du CDR et le document du ministère de l'Environnement, qui situe la saturation de la décharge de Costa Brava en mars 2019 et non 2018, soit un an plus tard. Il estime donc qu'il est important de bien déterminer ce délai prévu afin d'enrichir le débat, et d'orienter la recherche vers une solution définitive.
Pour sa part, le ministre de l'Éducation Marwan Hamadé, également interrogé par L'OLJ, affirme qu'il n'y a pas eu de long débat sur le sujet en Conseil des ministres, mais qu'il s'agissait de donner du temps au ministre de l'Environnement afin qu'il présente son plan global et qu'il soit possible d'articuler le plan intermédiaire du CDR sur ce document-là. Le ministre insiste sur la nécessité de discuter de la solution permanente dès à présent afin que l'élargissement des décharges ne passe pas du provisoire au durable ! Il a par ailleurs été impossible de joindre le ministre de l'Environnement, hier.
« La solution la plus lucrative »
Encore une fois, le gouvernement place le pays dans une situation d'urgence, entre deux solutions peu enviables : l'agrandissement de décharges en mer, avec le risque accru de pollution, et le retour à la crise si la collecte devient impossible. À noter que la solution durable envisagée par le gouvernement est elle aussi controversée : il s'agit de la construction d'incinérateurs avec récupération d'énergie, un processus long, coûteux et compliqué.
L'ancien ministre Alain Hakim, du groupe parlementaire Kataëb, lequel se trouve dans l'opposition et qui avait naguère contesté la construction de ces décharges, déplore que cette question cruciale « passe de commission en commission, sans solution satisfaisante et définitive, c'est une honte » ! « Ce dossier est épineux et marqué par la corruption, il est inacceptable que plusieurs gouvernements successifs aient été impuissants face à une telle mafia », poursuit-il, rappelant que les ministres de son parti ont démissionné du précédent cabinet pour des raisons liées à ce dossier.
Que comptent faire les opposants dans ce cas ? « Nous avions proposé des solutions, et la société civile l'a fait également, répond M. Hakim. Mais cela ne sert à rien en l'absence d'une volonté d'agir de la part des autorités, qui préfèrent garder le peuple sous la menace afin d'imposer la solution la plus lucrative. »
Affaire à suivre, donc, en début d'année prochaine.
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commentaires (5)
Et voilà une question beaucoup plus urgente et beaucoup plus importante que la bagatelle de "l'affaire Marcel Ghanem"! Si seulement le gouvernement s'en occupait plutôt que de nous casser les oreilles avec des sornettes inutiles...
Georges MELKI
14 h 49, le 21 décembre 2017