Le secrétaire d'Etat américain Rex Tillerson a souligné vendredi à l'ONU sa volonté de garder les lignes de communication "ouvertes" pour régler pacifiquement la crise avec la Corée du Nord, sans reprendre sa récente offre d'un dialogue sans condition préalable.
"Une cessation durable du comportement menaçant de la Corée du Nord doit intervenir avant que des discussions puissent commencer", a-t-il déclaré lors d'une réunion du Conseil de sécurité consacrée à la crise avec Pyongyang. En attendant, "nos canaux de communication vont rester ouverts", a réaffirmé Rex Tillerson, qui avait été publiquement rabroué cet automne par Donald Trump pour avoir simplement évoqué l'existence de ces lignes de communication.
Les spéculations sur les divergences de vue entre le président américain, qui brandit régulièrement l'option militaire contre le régime de Kim Jong-Un, et son secrétaire d'Etat, qui plaide pour l'ouverture d'un dialogue, ont ressurgi de plus belle cette semaine. Le chef de la diplomatie américaine n'a en effet pas repris vendredi son offre de dialogue "sans condition préalable", faite mardi et qui a ensuite fait l'objet d'un certain recadrage de l'administration américaine. Or, cette formulation figurait dans le discours préparé à l'avance pour cette réunion de l'ONU et distribué aux journalistes. Mais il ne l'a pas prononcée.
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Interrogé à l'issue de la réunion, Rex Tillerson, qui avait déjeuné jeudi avec Donald Trump, a éludé, en assurant que les Américains n'accepteraient pas de conditions préalables de la part des Nord-Coréens tout en réitérant son appel au dialogue. "Ils savent où est notre porte, ils savent où aller s'ils veulent discuter", a-t-il lancé.
Fait rare, l'ambassadeur nord-coréen à l'ONU, Ja Song Nam, a assisté à la réunion du Conseil, organisée par son président en exercice, le Japon. Il a écouté une partie du discours de M. Tillerson avec les yeux fermés. Lors de son intervention, le diplomate nord-coréen s'en est vivement pris au Japon et aux Etats-Unis. Cette réunion "est une mesure désespérée des Etats-Unis, terrifiés par notre puissance", a-t-il lancé, les yeux rivés sur son texte. L'acquisition de l'arme nucléaire a un but de "dissuasion". "La Corée du Nord est une puissance nucléaire responsable" qui "respectera ses obligations de non-prolifération", a assuré Ja Song Nam. "Nous n'accepterons jamais une Corée du Nord dotée de l'arme nucléaire", a réagi Rex Tillerson, reprenant la parole dans une ébauche d'échange rarissime.
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"La Russie n'aide pas"
Le président russe Vladimir Poutine avait accueilli favorablement les déclarations du secrétaire d'Etat, se félicitant d'un "très bon signal". Donald Trump, lui, n'a pas clairement soutenu l'offre de dialogue inédite de son secrétaire d'Etat: "On va voir ce qui se passe avec la Corée du Nord", a-t-il seulement répondu vendredi, de manière elliptique, aux journalistes à Washington. Les présidents russe et américain ont évoqué jeudi le dossier nord-coréen au téléphone. Si "la Chine aide, la Russie n'aide pas" les Etats-Unis, a déploré Donald Trump. Rex Tillerson a aussi appelé Moscou et Pékin à faire davantage pour isoler Pyongyang.
Concernant les sanctions, "nous sommes attachés à les mettre en oeuvre", a rétorqué au Conseil l'ambassadeur russe à l'ONU, Vassily Nebenzia. "Mais la diplomatie, ce ne sont pas que des sanctions", s'est-il insurgé.
Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a affirmé être "très préoccupé par le risque de confrontation militaire" dans la péninsule coréenne. De multiples essais de missiles ont été effectués cette année "sans notification de sécurité maritime et aérienne préalable", a-t-il dénoncé. "Il est temps de rétablir des canaux de communication renforcés, y compris entre Coréens et entre militaires", a souligné le patron des Nations unies, alors que l'un de ses adjoints, chargé des Affaires politiques, vient de faire une rare visite de cinq jours à Pyongyang. M. Guterres a rappelé sa disponibilité à servir de médiateur. Des "pourparlers à Six" avec la Corée du Nord, menés par les Etats-Unis, la Russie, la Chine, le Japon et la Corée du Sud, sont interrompus depuis 2008.
Parmi les interventions, la Chine a réclamé "un règlement par le biais du dialogue". Pékin "paye un plus lourd tribut que les autres", a estimé son ambassadeur adjoint à l'ONU, Wu Haiteo, en évoquant implicitement l'impact des sanctions internationales sur son pays, principal partenaire économique de la Corée du Nord.
La France a estimé que "la clé" d'une solution résidait "dans la combinaison des pressions et du dialogue".
En 2017, le Conseil de sécurité a imposé deux trains de sanctions économiques sévères --en août après des tirs de missiles intercontinentaux et en septembre après un essai nucléaire-- à l'encontre de la Corée du Nord.
Ce pays est désormais privé de revenus de ses exportations de charbon, fer, pêche, textile, ses importations de pétrole ont été limitées et les entreprises conjointes avec des Nord-Coréens interdites.
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