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Liban - La psychanalyse, ni ange ni démon

Le désir de l’analyste est le moteur de la cure, le contre-transfert est une résistance

Nous poursuivons notre commentaire sur la différence entre Freud et Breuer quant à l'écoute du patient, différence qui est à l'origine même de la « naissance » de la psychanalyse. Magistralement mis en scène par John Huston dans son film Freud, passions secrètes, c'est le transfert de Cécilie, la patiente hystérique de Breuer, paralysée et aveugle, qui va déterminer cette naissance.

Guérie de ses symptômes par Freud au réveil d'une séance d'hypnose célébrissime où, après avoir inconsciemment maquillé ses souvenirs, elle finit par reconnaître que son père était mort dans un bordel et non dans un hôpital comme elle se butait à le répéter à Breuer. En guise de reconnaissance, la patiente chasse Freud de chez elle. Fondamental pour la suite de son traitement, ce moment inaugure ce que, depuis, seront toutes les cures psychanalytiques. Tout en demandant une « guérison », le sujet préfère garder ses symptômes plutôt que de reconnaître la vérité qui en est la cause. C'est là ce qu'on appelle la résistance à la psychanalyse, tant sur le plan individuel que malheureusement sur le plan collectif aujourd'hui. Mais le désir de savoir de Freud est enfin récompensé, la patiente finit après tout par reconnaître la vérité et son mouvement d'humeur ne le décourage guère. Au contraire, cela le confirme dans son désir de savoir et, surtout, que ce désir de savoir est bien le moteur de la cure.

En effet, il va réaliser que ce qui faisait barrage à la guérison de Cécilie avec Breuer était bien le transfert, autant celui de la patiente que celui de Breuer lui-même. Comme nous l'avons vu dans les rubriques précédentes et particulièrement la dernière fois, une fois confrontée à la vérité refoulée de la mort de son père dans un bordel et non plus dans un hôpital comme Breuer voulait bien le croire, elle peut exprimer son amour (de transfert) pour Breuer. Elle lui signifie qu'elle est jalouse du voyage qu'il va faire avec sa femme à Venise et, pour le retenir à Vienne et l'empêcher de voyager, elle tombe hystériquement enceinte et « accouche de l'enfant qu'elle attend du Dr Breuer ». Face à ce transfert massif, Breuer prend peur et demande à Freud de continuer à soigner lui-même Cécilie. La légende dit qu'à Venise, Breuer engrosse sa femme. Réelle ou pas, l'histoire n'en dévoile pas moins que Breuer était également amoureux de Cécilie. L'amour de transfert partagé fut le frein qui bloqua chez Breuer le « désir de savoir ».

 

« Kelmet l'7a2 saba2it »

Ayant retrouvé la vue mais toujours paralysée, la patiente refuse de se laisser hypnotiser par Freud. Que pourrait penser le Dr Breuer de cela ? Parle-t-il d'elle à Freud ? Continue-t-il de penser à elle ?
Dans les entretiens qui vont suivre, deux évènements cliniques majeurs vont mettre Freud sur la piste du déplacement transférentiel et de la résistance qu'il suscite. Cécilie va faire deux lapsus. Voulant dire à Freud qu'elle a reçu une éducation protestante, elle dit qu'elle a reçu une « éducation prostitute » et réalise son lapsus en souriant. Ce qui dévoile la piste du désir incestueux pour le père à l'origine du refoulement de sa mort dans un bordel. Puis voulant parler de nouveau du Dr Breuer, elle l'appelle le Dr Freuer. Au moment même où elle énonce le lapsus, Cécilie réalise la condensation des deux noms en un seul : Freud et Breuer deviennent « Freuer ». Le refoulement était à moitié levé. Ce qui faisait dire à Lacan que la « vérité est un mi-dire », et comme notre bon vieux proverbe le dit si bien : « Kelmet el-7a2 saba2it » (Le mot de la vérité prend de vitesse l'autre mot).

« Le désir de l'analyste », concept lacanien majeur, soit le désir de savoir chez Freud, leva en partie le refoulement de la patiente. Elle n'a plus besoin de ses symptômes, paraplégie et cécité. De même, elle n'a plus besoin « de souvenir-écran » qui maquille la mort du père dans un bordel en une mort à l'hôpital. Là où Breuer répondit à l'amour de transfert par un autre amour de transfert, le désir de savoir de Freud fut le moteur de la guérison de Cécilie.

 

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