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Liban - La psychanalyse, ni ange ni démon

Le psychanalyste, le symptôme et la guérison (suite)

Le précédent article semble avoir intéressé beaucoup de lecteurs. L'une de mes anciennes élèves m'a interrogé sur le passage suivant : « Si le thérapeute utilise son écoute, sans être analyste, il l'entendra peut-être cette parole mais il ne saura pas quoi en faire. » (L'OLJ, 19/10/17).
Tout le long de sa formation personnelle, surtout son analyse personnelle et plus tard ses supervisions, le futur analyste produit lui-même plusieurs symptômes. En position de patient, d'analysant, le futur analyste va découvrir l'origine sexuelle de ses propres symptômes et pas seulement leur origine traumatique.
Dans le film de John Huston, Freud, Passions secrètes, la différence entre Joseph Breuer et Sigmund Freud est un exemple typique de la différence entre le thérapeute et l'analyste, quoique Freud ne fût pas encore analyste et qu'ils pratiquent encore, tous les deux, l'hypnose.

Cécilie, la patiente de Breuer, est aveugle et paralysée des jambes, et, à chaque fois que Breuer l'hypnotise, elle retrouve le souvenir traumatique à l'origine de ses symptômes. Mais, au réveil de chaque séance d'hypnose, elle ne guérit pas. Sous hypnose, elle fait le récit suivant : « Elle est à Naples, elle est réveillée en pleine nuit par deux médecins qui viennent l'emmener à l'hôpital pour identifier le corps de son père. À l'hôpital, les infirmières sont gentilles mais outrageusement maquillées. Une musique résonne. Arrivée dans la chambre où est mort le père, il est couvert d'un drap. À côté de lui, une infirmière également très maquillée. Au moment où le médecin lui demande de s'approcher pour identifier le corps, elle tombe par terre. « Paralysée, elle ne peut plus se relever, et aveugle elle ne peut plus voir. » Bien évidemment, il s'agit d'hystérie, sans aucune lésion organique.

Au réveil de la séance d'hypnose, elle est toujours paralysée et aveugle. Breuer est atterré et ne comprend pas. Il a été avec la patiente jusqu'au traumatisme initial et pourtant rien n'a changé, les symptômes sont toujours là. Freud avait fait un pas de plus dans sa théorie : retrouver le trauma ne suffisait pas, « il faut retrouver un trauma d'origine sexuel ». Il demanda à Breuer l'autorisation de l'hypnotiser à son tour. Breuer commence par refuser, arguant de la grande fatigue de Cécilie, puis il accepte. Freud agit comme Sherlock Holmes : rien n'est évident.

 

Le désir de savoir de l'analyste est le moteur de la cure
Comment, en pleine nuit, la patiente a-t-elle pu ouvrir sa porte à deux inconnus qui se présentaient comme médecins ?
Cela ne va pas de soi. La patiente se débat pour maintenir sa version mais Freud insiste. Cécilie craque et reconnaît que c'étaient deux policiers. Ce n'était pas un mensonge, « la patiente se l'était caché à elle- même ». De même, comment les infirmières peuvent être maquillées, dans un hôpital, et à Naples en plus ?
Et de la musique dans un hôpital ? Cécilie cherche une justification mais n'y arrive plus. Elle craque complètement : « Son père est mort dans un bordel et l'infirmière qui est dans sa chambre est en fait une prostituée. »

Au réveil de la séance d'hypnose, Cécilie est guérie : elle marche et elle voit.
Mais, quand elle voit Freud qui l'a guérie, elle entre dans une colère noire et le chasse de chez elle. Il l'a forcée à voir la vérité présente dans ses symptômes. Elle aurait préféré rester malade plutôt que de reconnaître que son père est mort dans un bordel. Cette résistance du patient influence le thérapeute, pas l'analyste.

Face à la même réalité des faits racontés, Breuer, psychothérapeute, accepte la version de Cécilie. Freud, futur psychanalyste, refuse cette version illogique. Son désir de savoir est plus fort que l'angoisse suscitée par ce qu'il peut découvrir. Ce que Lacan appelle le « désir de l'analyste », moteur de la cure. Là où Breuer bute, Freud passe. Là où, malgré les soins donnés au patient, le psychothérapeute trouve impasse, répétition et absence de changement, le désir de l'analyste constitue le moteur de la cure et provoque le changement.
Nous poursuivrons la prochaine fois.

 

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