Si les Libanais sont rarement d'accord entre eux, il y a au moins un sujet sur lequel ils sont actuellement quasi-unanimes : ils veulent le retour du Premier ministre Saad Hariri.
La démission choc M. Hariri, annoncée depuis l'Arabie saoudite le 4 novembre, a pris de court ses plus proches collaborateurs et son séjour qui s'éternise depuis dans le royaume a rapidement laissé place à des spéculations selon lesquelles Riyad l'a forcé à la présenter. Toutes sortes de rumeurs folles ont circulé, d'autant plus que la démission a coïncidé avec une vaste purge visant des personnalités saoudiennes, dont des ministres et des princes.
Dans la rue et la classe politique pourtant divisées entre partisans et détracteurs de M. Hariri, l'idée que le Premier ministre puisse être retenu contre son gré a été ressentie comme une humiliation.
Beaucoup, dont le président libanais, n'ont pas hésité pas à assimiler le Premier ministre à un "otage" dans le royaume saoudien.
"Libérez Saad"
Toutes les conversations tournent autour du sort du Premier ministre et son éventuel retour, avec des commentaires sur les réseaux sociaux allant du sérieux à l'ironique.
Peu après sa démission, les hashtags #WhereisSaad? (Où est Saad ?) et #freeSaad (Libérez Saad) se sont multipliés, et un site internet - freesaadhariri.com - a même été créé. Le site ne publie aucune information concernant le Premier ministre démissionnaire, mais affiche uniquement sur sa page d'accueil un compteur de la durée (en jours, heures et minutes) de la "détention", selon les termes utilisés, de M. Hariri "dans les prisons saoudiennes", appelant à le "sauver".
Le week-end dernier, les participants au marathon de Beyrouth, qui courent traditionnellement avec pour slogans la recherche médicale ou les droits de l'Homme, ont couru pour soutenir leur Premier ministre.
Et à travers la capitale, des posters en solidarité avec M. Hariri ont fleuri, certains montrant sa photo et le slogan "Nous sommes tous avec vous".
Mais dans un pays qui a vécu des dizaines d'années de crise politique et de violences, même après la fin de la guerre civile (1975-1990), des habitants blasés n'hésitent pas à plaisanter sur le sujet.
Sur un montage photo qui a largement circulé sur les réseaux sociaux et qui fait référence au film américain "Il faut sauver le soldat Ryan", on peut voir des hommes politiques libanais habillés en soldats avec comme titre : "Il faut sauver le soldat Hariri".
Saving Private #Saad ????#SaadAlHariri #Hariri #Lebanon #سعد_الحريري #الحريري #لبنان pic.twitter.com/LjB5yx3xJR
— أبو هارون (@XxMasterMindsxX) November 10, 2017
Mais tout le monde n'a pas le cœur à rire.
"Nous ne pouvons tolérer que l'Arabie saoudite fasse ça à un Libanais. Nous voulons que Hariri revienne immédiatement", lance Nawal, qui réside dans le quartier Ras al-Nabaa, à Beyrouth.
"Ce qui est triste c'est qu'en fait on se moque de nous", écrit le blogueur Najib Mitri, sur le site BlogBaladi. "C'est humiliant pour tous les Libanais."
Des détracteurs du Premier ministre, dont le Hezbollah chiite, proche de l'Iran, ont affirmé qu'il était à la merci de ses parrains saoudiens. La démission a été très rapidement perçue comme un nouveau bras de fer entre l'Arabie saoudite sunnite et l'Iran chiite. Mercredi, le président libanais Michel Aoun, un rival politique de M. Hariri malgré un accord qu'ils ont conclu pour former un gouvernement d'union, a directement accusé l'Arabie saoudite de détenir le Premier ministre. "Rien ne justifie que M. Hariri ne revienne pas après 12 jours. Nous le considérons donc comme en captivité et détenu, est-il écrit dans un tweet rapportant les propos du président Aoun.
Le Hezbollah, dont M. Aoun est un allié, a lui aussi accusé Riyad de détenir M. Hariri.
M. Hariri a de son côté tenté dimanche de mettre fin aux spéculations dans une interview à la chaîne de son parti Future TV. "Je suis libre ici, si je veux voyager demain, je voyage", a lancé M. Hariri, ajoutant qu'il pourrait atterrir à Beyrouth "très bientôt".
Des déclarations de la France et d'autres pays ont laissé penser qu'il n'aurait pas la liberté de mouvement qu'il prétend avoir. Dans des tweets mardi et mercredi, il a réitéré sa promesse de revenir dans son pays, mais peu de signes laissent croire à un retour imminent.
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commentaires (6)
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LA LIBRE EXPRESSION
12 h 05, le 16 novembre 2017