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Économie - Corruption

Arabie saoudite : 100 milliards de dollars de fraude sur plusieurs décennies

L'opération anticorruption lancée par le prince Mohammad ben Salmane dépasse les frontières du royaume.

Les autorités saoudiennes ont gelé les comptes bancaires des suspects et prévenu que tout actif qui serait lié à des affaires de corruption serait saisi au profit de l’État. Faisal al-Nasser/Reuters

Plus de 200 personnes ont été arrêtées en Arabie saoudite dans le cadre d'une purge anticorruption sans précédent lancée samedi dernier dans le royaume, qui a notamment visé des princes, ministres et hommes d'affaires, ont indiqué hier les autorités saoudiennes, selon l'AFP. Cette annonce intervient sur fond de réformes choc dans le royaume ultraconservateur sous l'impulsion du prince héritier Mohammad ben Salmane, 32 ans, mais aussi de tensions grandissantes avec l'Iran chiite, la puissance rivale dans la région.
« Un total de 208 personnes ont été convoquées pour interrogatoire jusqu'à présent (...). Sept ont été relâchées sans être inculpées. L'ampleur potentielle des actes de corruption révélés est très grande », a indiqué le procureur général du royaume dans un communiqué. Les sommes concernées par ces malversations atteignent 100 milliards de dollars « sur quelques dizaines d'années », selon la même source, qui parle d'une enquête sur trois ans.

 

Banque centrale émiratie
Des princes, dont le célèbre milliardaire al-Walid ben Talal (d'origine libanaise), des ministres ainsi que des hommes d'affaires ont été appréhendés samedi soir lors d'une opération coup de poing qui fait suite à la mise en place d'une nouvelle commission anticorruption présidée par le prince héritier, dont l'emprise sur le pouvoir est croissante. Les autorités ont gelé les comptes bancaires des suspects et prévenu que tout actif qui serait lié à des affaires de corruption serait saisi au profit de l'État, l'opération dépasse même les frontières du royaume. Selon Reuters, qui cite le responsable d'une banque commerciale ayant souhaité garder l'anonymat, la Banque centrale émiratie a demandé à des banques commerciales et des compagnies financières aux Émirats arabes unis de lui fournir des détails au sujet de 19 comptes appartenant à des Saoudiens arrêtés dans le cadre de l'opération. Une mesure qui pourrait être un préalable possible à un gel de leurs actifs.

 

(Repère : Qui sont les hommes visés par la purge en Arabie ?)

 

Les ressortissants saoudiens détenus dans le cadre de cette opération – dans un lieu non précisé par les autorités – doivent être jugés devant un tribunal, selon le procureur général du royaume. C'est dans ce contexte que le roi Salmane a désigné ou promu, via un décret royal hier, 56 magistrats, selon l'agence de presse saoudienne SPA. L'ONG Human Rights Watch (HRW) s'inquiète toutefois que ces personnes soient détenues sans que les autorités n'avancent les raisons de leur emprisonnement et suggère que cette vague d'arrestations pourrait aussi faire partie d'une lutte pour le pouvoir.

De fait, cette opération intervient au moment où Mohammad ben Salmane consolide son pouvoir et tente d'introduire des réformes économiques et sociales inédites. Contrôlant les principaux leviers du gouvernement, de la défense à l'économie, le jeune prince héritier semble chercher à étouffer les contestations internes avant tout transfert formel du pouvoir par son père, le roi Salmane, âgé de 81 ans. Signe que c'est l'homme fort du pays, c'est lui qui devait recevoir, hier soir à Riyad, le président français Emmanuel Macron, qui a annoncé cette visite-surprise hier depuis Abou Dhabi.

Le prince héritier a en outre initié un vaste plan de réformes appelé « Vision 2030 », destiné notamment à diversifier l'économie saoudienne, trop dépendante du pétrole. Depuis la chute des prix du brut à la mi-2014, Riyad a dû fortement réduire ses dépenses publiques. Toutes ces actions s'inscrivent en outre dans un climat politique et diplomatique très tendu, avec des échanges de plus en plus vifs entre l'Arabie sunnite et son rival iranien.

 

 

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