Alors que le président de la République s'apprête à se rendre samedi au Koweït pour une visite de deux jours, haute en symboles, l'Arabie saoudite continue de hausser le ton contre le Hezbollah et ceux « qui évoluent dans son orbite ». Le dernier tweet du ministre chargé des Affaires du Golfe Thamer al-Sabhane, qui semble ces derniers temps se consacrer à la situation libanaise, a franchi un nouveau seuil dans l'incitation à la discorde interne. Cette fois, en effet, il ne s'est pas contenté de qualifier le Hezbollah de « parti du diable », ni même de considérer que les sanctions américaines « sont une bonne chose, mais restent insuffisantes », appelant à la formation d'une coalition internationale. Il a donc pratiquement sommé le gouvernement de condamner le Hezbollah, exprimant son mécontentement face à son inertie dans ce dossier. Le ministre al-Sabhane veut ainsi clairement mobiliser le monde, mais aussi les parties internes libanaises, contre le Hezbollah, considéré comme l'un des instruments du terrorisme iranien.
Cette campagne incessante du ministre saoudien contre le parti chiite s'accompagne du durcissement de la position de l'administration américaine à son égard, à travers la nouvelle loi de sanctions. Même si, selon les sources proches de Aïn el-Tiné, les nouvelles sanctions n'apportent pas vraiment d'éléments nouveaux et s'inscrivent dans la continuation des précédentes, elles laissent une importante marge de décision au président américain pour les augmenter s'il (ou plutôt lorsqu'il) le juge bon. D'ailleurs, le président de la Chambre a publiquement déclaré que les nouvelles sanctions américaines contre le Hezbollah et ses partisans ne devraient pas avoir un grand impact sur la situation économique et financière du pays, ne comportant pas réellement de nouvelles mesures. Mais cela ne signifie pas qu'elles ne créent pas un malaise au sein de la communauté chiite, qui constitue l'environnement naturel du Hezbollah. D'autant qu'elles interviennent au moment où des troubles et un vent de mécontentement sont signalés dans la banlieue sud, après l'initiative de l'État de détruire toutes les installations illégales. Pour la première fois, les chaînes de télévision locales ont pu filmer un homme critiquant ouvertement le Hezbollah et son chef. Il est certes resté seul à lancer de telles critiques nominatives et il s'en est excusé le lendemain, mais quelque part, une sorte de tabou a été brisé. Aussitôt, les analyses se sont multipliées sur la perte de popularité du Hezbollah et sur l'efficacité annoncée de la campagne internationale et régionale visant à l'encercler et à l'isoler. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si le président américain Donald Trump l'a lui-même accusé d'être derrière l'attentat contre le QG des marines dans le cadre de la force multinationale en 1983 (il faut préciser à cet égard que le même attentat avait aussi visé le QG des militaires français intégrés à la même force, mais la France, qui a rendu hommage à ses soldats tombés dans le cadre de cette mission, n'a pas lancé les mêmes accusations que Trump), alors que le ministre saoudien des Affaires étrangères l'a accusé d'alimenter la guerre au Yémen, où il serait l'auteur de nombreux massacres...
Face à cette campagne générale menée contre lui, le Hezbollah reste calme et refuse d'alimenter les polémiques. D'ailleurs, dans le cadre d'une décision du commandement, c'est le secrétaire général, et lui seul, qui se réserve le droit de répondre et d'attaquer à son tour. Sa cible est aujourd'hui tripartite. Elle place l'administration américaine et son président Donald Trump, les autorités saoudiennes et les autorités israéliennes dans le même sac. Dans son dernier discours du 8 octobre, sayyed Hassan Nasrallah a commencé par répondre aux sanctions américaines, qu'il a balayées en une seule phrase, après avoir expliqué la nature à la fois religieuse et morale de l'engagement de ses partisans. Il a ainsi déclaré : « Ceux qui ne craignent pas de verser leur sang et au contraire ont fait vœu de suivre la voie tracée par l'imam Hussein ne peuvent pas redouter quelques sanctions financières et économiques. » Il a été ensuite d'une rare violence à l'égard des autorités saoudiennes, les accusant d'être dans le même camp que les Américains et les Israéliens, engagés ainsi dans le projet d'effritement de la région... qui devrait finir par se retourner contre eux. Minimisant la portée de la campagne qui le vise, Nasrallah a rappelé à ses partisans que le contexte d'aujourd'hui est différent de celui de 2006 ou même de 2000.
Désormais, le Hezbollah est devenu une force régionale, intégrée dans un axe qui regroupe la Russie, l'Iran et la Syrie, sans parler de l'Irak. Autrement dit, dans les attaques précédentes, le Hezbollah était bien moins fort et plus isolé et il a quand même remporté des victoires. C'est dire si les menaces d'aujourd'hui ne peuvent pas l'effrayer. De plus, hier, dans une véritable première, le département d'information de guerre relevant du Hezbollah a publié des photos prises à l'intérieur du territoire palestinien occupé par Israël avec une pancarte écrite en arabe, en anglais et en hébreu qui porte le slogan suivant : « Vous qui croyez nous suivre à la trace, n'oubliez pas de regarder derrière vous », dans une allusion au fait que le Hezbollah s'introduit bien plus loin que ne le croient les soldats israéliens. Sur le plan interne, le Hezbollah ne montre pas non plus des signes d'inquiétude, se déclarant attaché « au compromis présidentiel » qui a amené le général Michel Aoun à Baabda et convaincu que toute aventure de la part de certaines parties politiques ne peut que se retourner contre elles... Rendez-vous aux prochaines législatives.
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commentaires (8)
Entre les Etats, il n'y a pas d'amitié, il n'y a que des intérêts. (Général de Gaulle). Le Liban n'a aucun intérêt à se fâcher avec qui que ce soit sur la planète Terre. Plus ils nous ignorent, plus nous nous portons bien. Les déclarations par-ci et les menaces par-là, ne concernent que ceux qui les profèrent. Un petit pays multiconfessionnel comme le Liban, s'il lui arrive de faire la guerre, il faut que ce soit sa guerre et non celle des autres. Nous refusons une fois pour toutes de détruire notre pays pour le compte des autres et ce, de tous ceux qui se trouvent entre la mer de Chine jusqu'à l'Atlantique. Tout autre discours n'est que des balivernes.
Un Libanais
18 h 26, le 31 octobre 2017