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Un an après le démantèlement de la "Jungle" de Calais, une normalisation inachevée

42% des migrants ayant demandé l'asile l'ont obtenu, 7% ont été déboutés et 46% attendent toujours une décision définitive, selon l'Office français d'immigration et d'intégration.

Vue aérienne de l'ancien site de la "Jungle" à Calais, le 14 octobre 2017. AFP / FRANCOIS LO PRESTI

Un an après le démantèlement de la "Jungle" de Calais, l'Etat français salue une réussite mais des centaines d'exilés continuent à vivre dans la précarité, sur fond de fermeté des pouvoirs publics en matière migratoire.

"Prendre un ticket pour la douche à 09H15": l'écriteau en anglais est toujours fixé au portail de l'ancien centre d'accueil Jules Ferry à Calais, au nord de la France. Sur un mur, un tag "Jangil" évoque le bidonville, disparu voici un an. A une centaine de mètres, les pelleteuses s'activent pour la reconversion écologique du site, où nichent désormais des hirondelles protégées.

Il y a un an, tôt le matin du 24 octobre 2016, des centaines de Soudanais, d'Afghans et d'Erythréens attendaient devant les portes d'un hangar transformé en gare routière pour l'évacuation. Le début d'une incessante procession, trois jours durant. Non pas vers l'Angleterre, comme certains en rêvaient, mais vers des centres d'accueil et d'orientation (CAO) plus vivables que la boue qui faisait le quotidien de la "Jungle", formée un an et demi plus tôt.

"Pour les 7.400 personnes parties en CAO" (5.450 majeurs, plus 1.900 mineurs dirigés vers des centres spécialisés), l'évacuation "s'est très bien passée, ces gens étaient impatients d'être accueillis en France ailleurs qu'ici", se souvient Christian Salomé, président de l'association Auberge des migrants.

Un an après, 42% des migrants ayant demandé l'asile l'ont obtenu, 7% ont été déboutés et 46% attendent toujours une décision définitive, le reste étant dans des projets autres que l'asile, selon l'Ofii (Office français d'immigration et d'intégration). Chez les mineurs, seuls 515 ont pu gagner la Grande-Bretagne.

 

(Lire aussi : La France doit garantir l'eau potable aux migrants à Calais, selon l'ONU)

 

'Table rase'
L'Etat met aussi en avant le bilan sécuritaire. Le préfet Fabien Sudry souligne que "la pression migratoire a nettement diminué: il y a aujourd'hui environ 500 migrants (6 à 700 selon les associations, NDLR) alors qu'ils étaient 8.000 il y a un an". En outre, "il n'y a plus ni squat, ni camp, plus d'intrusion à Eurotunnel", les tentatives de monter dans des camions "ont été divisées par 3,5 sur la rocade", où seuls 27 barrages nocturnes ont été dressés en 2017.

"Je persiste à penser qu'il fallait démanteler la +Jungle+, et ça a été une réussite, un modèle de collaboration entre Etat et associations", abonde Stéphane Duval, qui dirigeait le centre Jules Ferry pour l'association La Vie active, partenaire de l'Etat. Pour autant, "il y a quelque chose d'inachevé, car le démantèlement a sonné le glas des hébergements d'urgence" dans la région, dit-il.

C'est bien ce que paient aujourd'hui les migrants, de l'avis d'une dizaine d'associations, dépeignant "une situation humanitaire particulièrement catastrophique". Depuis novembre 2016, elles ont pointé du doigt la pression de policiers déployés en grand nombre, empêchant ces étrangers de dormir, confisquant leurs affaires et les aspergeant de gaz lacrymogène.

"Le démantèlement a surtout consisté à faire table rase de tous les dispositifs existants et à mettre en place une politique du tout-sécuritaire", tacle Vincent De Coninck, du Secours catholique.

 

(Pour mémoire : Evacuation d'un camp sauvage de migrants dans le nord de la France)

 

Précarité sanitaire
Une situation qui s'inscrit dans un tour de vis plus large. La Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH) vient de dénoncer les "réticences" de l'Etat à appliquer la loi à Calais, le "harcèlement" des forces de l'ordre et les "violences" envers les migrants, obligés de bouger en permanence, "notamment à Paris, à Calais ou dans la vallée de la Roya". Au risque selon elle de contribuer à "nourrir un sentiment de xénophobie".

A la frontière franco-italienne, cinq ONG dont Amnesty, MSF et le Secours catholique viennent de dénoncer des atteintes "inadmissibles" aux droits des migrants qui se voient refoulés et donc ne peuvent solliciter l'asile.

C'est que l'Etat fait une nette distinction entre ces migrants "économiques" et les réfugiés ayant obtenu l'asile. Pour ces derniers, "je souhaite que nous accueillions de manière exigeante et conforme à nos valeurs", a affirmé mercredi le président français Emmanuel Macron, mais "que nous reconduisions de manière intraitable celles et ceux qui n'ont pas de titre".

Face à une opinion publique souvent vue comme frileuse, à une Europe prêchant la plus grande fermeté, "la position de l'Etat a quelque chose de cohérent sur un plan politique", estime Stéphane Duval. Mais "elle ne l'est pas sur le plan humain car il y a des gens à la rue qu'il faut aider".

 

 

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