Donald Trump aura finalement cédé au matraquage de son entourage, en s'abstenant de « déchirer » l'accord nucléaire avec l'Iran, une option qu'il avait proutant évoquée par le passé. Le président américain a ainsi rendu hier sa décision finale concernant ce dossier, sujet à controverses, qui embarrasse jusqu'à sa garde rapprochée, après avoir pourtant crié haut et fort pendant neuf mois que l'accord signé entre l'Iran et les 5+1 en juillet 2015 est « le pire » que les États-Unis aient jamais signé.
Une heure auparavant, son secrétaire d'État Rex Tillerson avait sciemment dévoilé le discours de son président. « Notre intention est de rester dans la JCPOA (acronyme de l'accord sur le nucléaire) mais le président va décertifier », avait-il déclaré, ajoutant qu'il ne demanderait pas au « Congrès de réimposer des sanctions car cela reviendrait de facto à quitter l'accord ». « Les poids lourds de l'administration semblent avoir eu peur qu'au dernier moment, il leur fasse un pied de nez et décide de se retirer de l'accord », analyse Corentin Sellin, professeur agrégé d'histoire et spécialiste de la politique américaine.
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En choisissant hier de décertifier l'accord, autrement dit de refuser de « certifier » le fait que Téhéran respecte ses engagements, en dépit des assurances en ce sens de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), le locataire de la Maison-Blanche a pourtant clairement remis en cause l'avancée emblématique de son prédécesseur Barack Obama. En choisissant de ne pas se retirer de l'accord, il a choisi « une solution intermédiaire, qui permet aux États-Unis de ne pas être montrés du doigt par la communauté internationale comme celui qui a n'a pas respecté l'accord », explique Ali Vaez, spécialiste de l'Iran à l'International Crisis Group. L'hôte de la Maison-Blanche a promis de tout faire pour que l'Iran ne puisse jamais acquérir la maîtrise du feu nucléaire. « Nous n'allons pas poursuivre sur une voie dont l'issue prévisible est plus de violence, plus de terrorisme et le risque très réel d'un Iran nucléarisé », a-t-il promis, laissant entendre que les ingénieurs iraniens coopéraient avec la Corée du Nord, ce qui n'a pas été démontré. « Nous espérons que les nouvelles mesures prises à l'encontre de la dictature iranienne vont contraindre le gouvernement à réévaluer la poursuite de ses activités terroristes aux dépens de son peuple », a-t-il lâché, dans un discours ultravirulent d'une vingtaine de minutes. Il a en outre annoncé des sanctions contre certains membres des gardiens de la révolution, l'armée d'élite iranienne, accusés d'avoir « détourné de vastes parts de l'économie iranienne, et saisi les dotations religieuses pour financer la guerre et le terrorisme à l'étranger », a-t-il déclaré, sans toutefois aller jusqu'à les désigner comme un « groupe terroriste ».
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Israël jubile
La réponse iranienne ne s'est pas fait attendre. L'Iran continuera à respecter l'accord international sur son programme nucléaire tant qu'il répondra à ses intérêts, mais va redoubler d'efforts dans ses recherches balistiques, en dépit des pressions américaines, a promis le président Hassan Rohani.
La décision de M. Trump a également provoqué une vague de réactions parmi les principaux concernés. Positives d'abord, de la part de ses alliés dans la région, l'Arabie saoudite acclamant d'une part la « ferme stratégie » américaine, et Israël félicitant de l'autre le président américain pour sa « décision courageuse ». Mais plus particulièrement, la France, l'Allemagne et le Royaume-Uni, tous trois signataires de l'accord, se sont dit « préoccupés par les implications » de la décision de Donald Trump de ne pas le recertifier. Moscou a, quant à lui, dénoncé la stratégie annoncée par le président américain à l'égard de l'Iran, la qualifiant de « rhétorique agressive et menaçante », et soulignant que l'accord avec Téhéran sur le nucléaire restait intact. Après de longs mois de gestation, reflétant l'absence de stratégie claire de la part de l'administration américaine, la décision finale de Donald Trump était vivement attendue, notamment depuis son discours menaçant contre l'Iran, à l'ONU, le mois dernier.
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Depuis que l'accord sur le nucléaire est entré en vigueur, le 16 janvier 2016, l'administration américaine doit, tous les 90 jours, le « certifier » auprès du Congrès, c'est-à-dire attester que Téhéran en respecte les termes. Le président américain l'a, par deux fois, certifié, son entourage, Pentagone, département d'État et services de renseignements, ne cessant de lui assurer que l'Iran respecte bel et bien l'accord de Vienne. En choisissant, hier, de décertifier cet accord, M. Trump a surtout fait le choix de ne pas le quitter, malgré sa rhétorique acerbe, trouvant ainsi un compromis. Son entourage est en effet parvenu à lui faire prendre conscience des conséquences irrémédiables d'un retrait des États-Unis, qui reviendrait à se mettre à dos les autres signataires de l'accord et permettrait à l'Iran de se doter en matériel d'armement nucléaire. La « non-certification » ne veut pas dire que le deal est sauvé pour autant. Menaçant d'annuler la participation des États-Unis « à tout moment », M. Trump a appelé les parlementaires américains mais aussi les autres pays signataires – Russie, Chine, France, Allemagne, Royaume-Uni – à faire preuve de plus de fermeté vis-à-vis de Téhéran. « Si nous n'arrivons pas à trouver une solution (...) il sera mis fin à l'accord », a-t-il martelé.
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Bête noire des républicains
La balle se trouve désormais dans le camp du Congrès américain. Ce sera aux parlementaires de décider ou non, dans un délai de 60 jours, de réimposer les sanctions levées depuis 2015. « M. Trump n'a pas demandé au Congrès de réimposer des sanctions, ce qui aurait marqué la fin de l'accord. Car le Sénat peut se saisir à tout moment du dossier. » Le Congrès a juste besoin d'un vote à la majorité simple pour réimposer les sanctions. Les démocrates ne pourraient pas s'y opposer, explique Corentin Sellin. Le Parti républicain ayant clairement la mainmise sur le Congrès, et « l'Iran étant la bête noire de tous les conservateurs républicains », comme le confirme l'expert, « l'accord se trouve en grand danger ». Pendant des années, la majorité républicaine a dénoncé le texte, martelant qu'il devait être abrogé car les États-Unis ne pouvaient pas faire confiance aux Iraniens. « Logiquement, on peut penser qu'il y a une bonne fenêtre pour que le Congrès vote le retour des sanctions contre l'Iran », estime M. Sellin. Pourtant, plusieurs fervents opposants à l'accord reconnaissent qu'une sortie des États-Unis pourrait avoir des conséquences graves. « Parce que la décertification pourrait remettre en cause les intérêts iraniens, elle pourrait pousser Téhéran à être le premier à s'écarter ou à renégocier cet accord », estime par ailleurs Ali Vaez.
En juillet dernier, suite à la seconde certification de l'accord par le président américain devant le Congrès, la Maison-Blanche avait déjà laissé entrevoir un revirement de M. Trump, qui cherchait à trouver une alternative dans sa démarche visant à contrer l'influence de l'Iran au Moyen-Orient.
Souhaitant se positionner en rupture avec son Barack Obama qui faisait clairement la distinction entre le dossier du nucléaire d'une part et la politique iranienne dans la région de l'autre, Donald Trump cherche à tout prix à contenir la politique « agressive » de la République islamique au Moyen-Orient. Le 45e président américain n'a cependant pas appelé à renégocier l'accord comme l'a laissé sous-entendre son secrétaire d'État avant le discours. Tout ce qui va dans le sens de « nouvelles conditions ajoutées à l'accord » sera considéré « comme une violation unilatérale de l'accord lui-même », avait précédemment mis en garde Wendy Sherman, principale négociatrice américaine du texte sous l'ère Obama.
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Effet inverse
S'il n'en vient pas à saborder l'accord de Vienne, le Congrès pourrait toutefois prendre des chemins de traverse. Une solution pourrait en effet passer par une proposition de loi préparée par les sénateurs républicains Bob Corker et Tom Cotton, qui a pris la tête des « faucons » anti-Iran, partisans d'une ligne dure, à la Chambre haute du Congrès. Ces derniers ont, en coordination étroite avec la Maison-Blanche et le département d'État, suggéré de voter une loi créant un nouveau seuil pour le redéclenchement des sanctions contre l'Iran à l'avenir. Une sorte de mise à jour, unilatérale, du « Plan d'action conjoint ». « Si le Sénat vote directement le rétablissement des sanctions, il n'a besoin que de 50 voix. Mais s'il choisit de voter une nouvelle loi de restrictions de l'accord, comme cet avant-projet Corker-Cotton, il a besoin de 60 voix, donc des démocrates », précise Corentin Sellin.L'annonce de Donald Trump hier a véritablement placé une épée de Damoclès au-dessus de l'accord, mais de manière indirecte. Le président américain a par ailleurs accusé Téhéran de violer « l'esprit » de l'accord en raison de son rôle « déstabilisateur » au Moyen-Orient. Mais il semblerait que ce soit ce climat de tensions entretenu par M. Trump qui viole tout autant « l'esprit » de l'accord, qui est de réhabiliter progressivement l'Iran dans le concert des nations, en regagnant mutuellement la confiance. Si bien qu'en déstabilisant l'accord sur le nucléaire de la sorte, « l'administration Trump pourrait déclencher ce qu'elle prétendrait empêcher : une plus grande affirmation de soi de l'Iran, davantage d'instabilité régionale et moins de chances de résoudre les conflits en Syrie, en Irak et au Yémen – des endroits où l'Iran fait partie du problème et donc, inévitablement, devrait faire partie de la solution », conclut Ali Vaez.
Repère
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Trump merite tous les adjectifs " negatifs " dont on l'abreuve . mais pensez y : il tient le monde entier en haleine vrai ou pas ? n'est ce pas une bonne maniere de forcer tt le monde a mieux reflechir, a hesiter avant tte decision , a "corriger" le tire qqs fois ? par -justement - crainte d'une fugue de Trump, d'une reaction irreflechie ? PENSEZ Y !
12 h 53, le 14 octobre 2017