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Culture - Film événement

Quand la caméra de Robin Campillo s’emballe

Projeté au Cinéma Montaigne durant trois jours, « 120 battements par minute » était le moment fort du Festival du film international de Beyrouth.

Nahuel Perez Biscayart et Arnaud Valois, les héros maudits du film de Robin Campillo.

Qu'est-ce que 120 battements par minute ? On sait tous à présent que c'est le film de l'année, couronné du Grand Prix du jury à Cannes. On sait aussi que c'est le coup de poing, la claque que les laboratoires pharmaceutiques, les centres de recherche et surtout le gouvernement français ont reçue rétroactivement pour s'être tus à cette époque, pour avoir ralenti la quête du vaccin et enterré le scandale du sang contaminé. Est-ce que ces 120 battements par minute sont les battements de cœur du réalisateur Robin Campillo à l'heure où lui, gay survivant des années folles et des folles de 80, décide ce retour en arrière, ce « rewind » des actions de l'Act Up ? Est-ce cette rédemption qu'il fait et qu'il prête à un de ses héros, Arnaud Valois (son alter ego), pour s'être lui-même astreint de tout rapport sexuel durant cinq ans parce qu'il avait peur du grand monstre sans visage et sans nom encore ? Ou est-ce encore cette énergie positive ou négative (?) qu'il insuffle à ses personnages merveilleusement interprétés par Nahuel Perez Biscayart et Adèle Haenel, et qui leur fait faire un doigt d'honneur à la maladie même s'ils se savent à l'article de la mort ?
Ce film est tout cela, mais aussi et surtout un hommage à tous ceux qui sont partis. Un retour sur les années folles de l'organisme militant et transgressif, prêt à toutes les frasques pour secouer un pouvoir politique passif face à l'apparition de l'épidémie de sida. C'est un film où le cœur des spectateurs s'emballe tout comme le cœur des acteurs, où tout va crescendo : la révolte, l'amour, la douleur et la mort. Où tout s'enlace dans une grande étreinte et où l'amour est égal à la mort.
L'histoire commence en 1981, année fatidique où apparaissent les premiers cas identifiés de sida aux États-Unis. Arrivée plus tardivement en France, la maladie y fait 30 000 victimes de 1983 à 1995. De ces années noires reste la piteuse image du porteur du virus condamné et, pis encore, désireux de partager son sort lors de relations sexuelles ou à l'aide d'une seringue usagée. En 1989 naît Act Up-Paris. Pour la communauté LGBT hexagonale, il s'agit d'une véritable révolution. Les gays et les lesbiennes ne se montraient pas à la télévision ni en public et ne paradaient pas. Dans 120 battements par minute, Robin Campillo démasque cette honte à travers les séquences oratoires d'Act Up (les plus belles du film) où tous les membres discutent, se disputent et hurlent parfois leur révolte, et où la vie reprend le dessus sur la mort et la fait reculer. Ces moments réalisés à huis clos sans décor, Robin Campillo les a déjà essayés avec Laurent Cantet dans Entre les murs (Palme d'or en 2008). Un dialogue solide qui rythme le film long de deux heures 20 minutes. Scénariste et monteur, ce n'est pas la première fois que Campillo parle du sida dans ses films, notamment avec Les Revenants, mais c'est la première fois qu'il déballe tout et qu'il glisse du macro au micro tout en mélangeant documentaire, fiction, biographie et autobiographie. Les séquences de danse se mêlent aux prises de vue scientifiques et aux témoignages authentiques. Tout comme un corps fou et malade qui s'emballe et qui fait cent battements d'aile avant de s'en aller dans une rage contenue contre l'humanité.

Qu'est-ce que 120 battements par minute ? On sait tous à présent que c'est le film de l'année, couronné du Grand Prix du jury à Cannes. On sait aussi que c'est le coup de poing, la claque que les laboratoires pharmaceutiques, les centres de recherche et surtout le gouvernement français ont reçue rétroactivement pour s'être tus à cette époque, pour avoir ralenti la quête du vaccin et...

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