Rechercher
Rechercher

Liban - Environnement

Les abus de la chasse, inégalement réprimés sur le territoire libanais

Depuis l'ouverture de la saison le 15 septembre dernier, les rapports sur des actions illégales sont souvent relayés par des ONG, même si certains notent un léger progrès dans les poursuites.

De belles photos prises par des chasseurs à l’initiative du Centre pour une chasse durable, au printemps, exposées récemment dans le Koura.

L'incident récent d'un homme ayant posé avec plus de deux cents oiseaux morts sur le capot de sa voiture vient d'être supplanté par une vidéo choquante, publiée sur la page Facebook de l'association « Beit el-Sayad » (des chasseurs militant pour une chasse durable), d'hommes tirant sur des hirondelles avec... des armes de guerre automatiques ! L'association de chasseurs s'en offusque, estimant que « ce ne sont pas des pratiques ayant quoi que ce soit à voir avec la chasse ».

L'affaire du premier chasseur a fait l'objet de poursuites engagées à la demande du ministre de l'Environnement Tarek el-Khatib, mais le second incident, apparemment filmé le 29 septembre dernier, serait jusque-là resté impuni. Sachant que la chasse illégale n'avait jamais cessé d'être pratiquée au Liban, qu'en est-il de la répression des abus depuis que la saison est ouverte ?

Assaad Serhal, président de la Société de protection de la nature au Liban (SPNL), fait un bilan mitigé de ces premières semaines. « Au Sud, la chasse est très limitée pour des raisons de sécurité évidentes, dit-il. À Beyrouth et dans les environs, nous avons constaté une nette baisse en comparaison avec les années passées. L'application de la loi et les procès-verbaux dressés par les forces de l'ordre dissuadent probablement les gens de poursuivre ces actions illégales. Mais il n'en est rien dans les régions plus éloignées, au Akkar, dans le Nord, dans la Békaa-Nord, à Bisri... Là, l'application de la loi devient plus difficile pour les Forces de sécurité intérieure (FSI). »

 

(Lire aussi : Comme une balle que l’on se tire dans le pied...)

 

Le militant estime cependant que des progrès ont été réalisés, notamment au niveau de la protection des oiseaux migrateurs, ce qui vaut déjà au Liban des mentions positives de la part de plusieurs organisations internationales, selon lui. Autre indice positif, poursuit-il, le nombre de demandes de permis de chasse qui parviennent tous les jours au ministère de l'Environnement, de l'ordre de 170 à 200. « On estime à 10 000 le nombre de permis déjà octroyés, ce qui prouve que les Libanais veulent se conformer à la loi », dit-il.
Malgré une demande formulée, nous n'avons pas encore pu sonder le ministère de l'Environnement sur l'octroi des permis et l'application de la loi durant ces premières semaines.

Au bilan mitigé mais optimiste de la SPNL, qui a travaillé à l'organisation de la chasse durant des années avec le ministère, s'oppose un autre son de cloche. Chadi Andary est coordinateur de la Coalition pour la préservation des oiseaux, un rassemblement civil. « Il y a toujours énormément d'abus sur le terrain, nous dit-il depuis sa Koura natale. À côté de ma maison, les tirs s'entendent parmi les maisons. Les machines d'imitation de sons d'oiseau sont toujours utilisées à grande échelle, alors qu'elles sont strictement interdites par la loi. Nous sommes satisfaits de voir qu'il y a eu des arrestations de la part des FSI, mais l'action reste timide, sous prétexte de manque d'effectifs ou de méconnaissance des prérogatives. Il aurait fallu plus de patrouilles aux endroits où il est notoire que la chasse illégale se pratique. »

Chadi Andary trouve positif que des milliers de personnes veuillent présenter des demandes pour des permis de chasse, mais met en garde contre les retombées à long terme d'une application assez laxiste de la loi. « Si l'on sent que l'application de la loi manque de sérieux, ces personnes ne présenteront même pas de demande l'année suivante », se désole-t-il.

 

(Lire aussi : Les buses, victimes inutiles d’une barbarie injustifiée)

 

Et les municipalités ?
Ce dont se plaignent les écologistes fait l'objet de mécontentement également au sein de la communauté des chasseurs, qui tiennent beaucoup à être distingués des « tireurs » ou encore des « braconniers », qui tuent n'importe quelle espèce et à n'importe quelle période de l'année. Adonis el-Khatib est directeur du Centre du Moyen-Orient pour la chasse responsable, qui collabore avec la SPNL. Il estime qu'il y a un certain progrès dans les limites imposées à la chasse débridée, mais que le domaine est complexe et difficile à cerner.

« Parmi ces tireurs, il faut savoir qu'il y a ceux qui ne connaissent vraiment pas les règles, et ceux qui les enfreignent en connaissance de cause, dit-il. En tant que chasseurs soucieux de la chasse durable, nous multiplions les campagnes de sensibilisation auprès de la première catégorie, et avons déjà connu de multiples succès. Avec la seconde catégorie, seule la répression fonctionnera. »

Le chasseur fait remarquer que les estimations parlent de 600 000 chasseurs au Liban, un nombre substantiel qui rend essentielle la sensibilisation. « Les FSI sont très sollicitées et ne pourront jamais être là tout le temps », souligne-t-il. Autant Adonis el-Khatib que Chadi Andary soulèvent la question d'autres acteurs concernés, comme les municipalités, qui n'exercent pas leurs prérogatives actuellement.

 

(Lire aussi : Chasse au Liban : Pour une loi « réellement » appliquée par tous les acteurs)

 

La criminalité à but commercial
La sensibilisation peut ramener les « tireurs » sur le chemin de la chasse durable. Mais qu'est-ce qui peut arrêter la chasse à but commercial ? « Quels que soient les progrès effectués dans la lutte contre les abus de la chasse par les tirs, il reste un phénomène effrayant : celui des filets qui servent à attraper en plein vol un grand nombre d'oiseaux, principalement dans un but commercial, affirme Assaad Serhal. Ce phénomène n'existe pas seulement au Liban, mais dans d'autres pays de la région. Or il reste largement méconnu et impuni, d'autant plus que de nombreux bénéfices sont liés à cette activité. Une pratique très dangereuse car elle vide la nature de différentes espèces d'oiseaux et rend les nuisibles omniprésents. Les oiseaux se retrouvent sur le commerce, au vu et au su de tout le monde. Pourquoi ne pas les saisir à ce moment-là ? »

Nous n'avons pas encore pu obtenir une réponse du ministère de l'Économie, et devrions suivre cette affaire dans les semaines qui viennent.

 

Chasser... avec son objectif

Pour convaincre les chasseurs de ne pas sortir leurs fusils au printemps, une pratique particulièrement meurtrière puisqu'elle surprend les oiseaux en pleine période de reproduction, le Centre du Moyen-Orient pour une chasse durable a organisé récemment une exposition de photos au village de Ras Maska dans la Koura (Nord), dans l'écovillage Badr Hassoun.

Les photos d'oiseaux avaient été prises par des chasseurs au printemps, transformés pour l'occasion en « chasseurs d'images », afin de répondre à un concours lancé par le centre. Trois photographes ont été récompensés, mais les belles photos de tous les autres ont enrichi cette exposition inédite, au Liban comme dans la région.

Cet événement était placé sous le patronage du ministère de l'Environnement, et réalisé en partenariat avec la SPNL, en collaboration avec des partenaires locaux et internationaux, Sayd Magazine, Bioland, Birdfair et Birdlife International.

L'incident récent d'un homme ayant posé avec plus de deux cents oiseaux morts sur le capot de sa voiture vient d'être supplanté par une vidéo choquante, publiée sur la page Facebook de l'association « Beit el-Sayad » (des chasseurs militant pour une chasse durable), d'hommes tirant sur des hirondelles avec... des armes de guerre automatiques ! L'association de chasseurs s'en offusque,...

commentaires (5)

Combien sont-ils à avoir un permis de chasse parmi les "tireurs" sur ces pauvres oiseaux ?

Sarkis Serge Tateossian

00 h 07, le 12 octobre 2017

Tous les commentaires

Commentaires (5)

  • Combien sont-ils à avoir un permis de chasse parmi les "tireurs" sur ces pauvres oiseaux ?

    Sarkis Serge Tateossian

    00 h 07, le 12 octobre 2017

  • ON CHASSE QUAND ON EST CHASSEUR... ON MASSACRE QUAND ON EST BOUCHER...

    LA LIBRE EXPRESSION

    20 h 05, le 11 octobre 2017

  • La chasse n'a jamais existé au Liban, c'est l'hécatombe d'oiseaux. J'ai vu moi-même des "chasseurs" assis sur des tabourets entourés d'appeaux pour les alouettes migratrices, à côté de la Colonne d'Iaat (Békaa-Nord); J'ai vu des "chasseurs" saisir des centaines de chardonnerets avec de la glu installée sur des chardons près du Lac Qaraoun; j'ai vu des "chasseurs" installer un canard-appeau sur des bassins afin d'attirer les canards à Chlifa (Békaa-Nord); j'ai vu des "chasseurs" tirer sur des cigognes à la kalachnikof en octobre, elles volaient dans le sens nord-sud, à Faraya... Où est la chasse, dans tout cela ?

    Un Libanais

    10 h 23, le 11 octobre 2017

  • ABUS DE CHASSE RÉPRIMÉS ? RIONS UN PEU ! ET LES APPELANTS QUI TRAVAILLENT TOUTE LA NUIT DEVANT LES MAISONS DE CHAQUE VILLAGE POUR ATTIRER LES OISEAUX SUR LES ARBRES DE LEURS JARDINS ET LES TIRER A L,AIR COMPRIMÉ... DES MILLIERS D,OISEAUX... QUI PEUT L,ARRETER ET COMMENT ? ET CA C,EST UNE DES PETITES INFRACTIONS AUX LOIS DE LA CHASSE ! CE QUI MANQUE DANS CE PAYS C,EST L,EDUCATION ET LE RESPECT DE LA NATURE... ET LE RESPECT DE TOUT EN GENERAL !

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 09, le 11 octobre 2017

  • Il faut se réjouir de ce que la loi commencerait à être appliquée dans la région de Beyrouth. Cependant, dans la Qadicha, elle reste lettre morte. Aucune difficulté telle que le manque d'effectifs ne peut être invoquée quand les tirs se font à quelques centaines de mètres des gendarmes et gardes.

    Yves Prevost

    06 h 46, le 11 octobre 2017

Retour en haut