De ce qui peut s'observer en ce moment des prises de position des uns et des autres, il est clair que la classe politique est unanime ou presque dans sa volonté de préserver la cohésion interne et l'entente au sein du gouvernement, d'en empêcher l'éclatement et de confiner le jeu politique à l'intérieur de « lignes rouges » à ne pas franchir.
C'est ainsi qu'à l'invitation adressée par l'Arabie saoudite à Samir Geagea et à Samy Gemayel, où certains ont flairé un bourgeonnement suspect, répondent les assurances que le président de la République a adressées, directement et indirectement, au Premier ministre Saad Hariri, à qui on a réservé hier le beau rôle dans l'annonce de la fin de la crise sociale.
Même l'épilogue de cette crise qui, après le verdict du Conseil constitutionnel, a pris l'allure d'un conflit de prérogatives, semble obéir à un mot d'ordre d'apaisement entre le chef de l'État et le président de la Chambre.
Il y a quelques jours, le Hezbollah lui-même annonçait que la volonté de normaliser les rapports avec le régime syrien « ne doit pas prévaloir sur les impératifs de la stabilité interne ».
De son côté, le Premier ministre n'a pas laissé le désaveu de la rencontre entre Gebran Bassil et son homologue syrien à New York troubler ses rapports avec le chef de l'État. Certes, il a manifesté ce désaveu en autorisant le ministre de l'Intérieur, Nouhad Machnouk, à boycotter la visite d'État du président en France, mais les choses en sont restées là. Lui-même n'a pas ouvert la bouche avant que Gebran Bassil ne le fasse, se contentant hier de réaffirmer qu'une normalisation avec le régime syrien est « une ligne rouge » à ne pas franchir.
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Qu'est-ce qui justifie ces rééquilibrages constants ? Est-ce la conviction qu'il n'y a pas d'alternative à ce gouvernement de compromis, avant que des législatives n'imposent de nouveaux équilibres internes ? Est-ce le sentiment que la guerre est sur le point de s'achever en Syrie et que l'heure des grands rendez-vous régionaux et des redistributions des cartes approchent ? Est-ce au contraire un réflexe insulaire de la part d'un Liban qui s'en tire finalement à bon compte, au moins sur le plan de la sécurité, du maelstrom régional ? Serait-ce le sentiment que, malgré les apparences, les choses ne sont pas finies, et qu'après la délimitation des zones d'influence, les combats vont reprendre ? Est-ce le référendum sur l'indépendance du Kurdistan qui sonnerait l'heure de la partition de toute la région ? Est-ce l'émergence d'une nouvelle politique saoudienne face à l'Iran qui devrait permettre au Liban de jouer la carte du non-alignement ? C'est probablement tout cela en même temps.
Car il est clair que la classe politique ne veut pas d'une réapparition de la polarisation 8 et 14 Mars et du pourrissement interne qui l'accompagne, en dépit du sentiment général que le Liban gravite désormais dans l'orbite iranienne. Tout se passe comme si, faute de l'en arracher, ce que les forces hostiles aux armes du Hezbollah veulent réussir, c'est empêcher un alignement définitif.
Tous les courants hostiles à l'hégémonie du Hezbollah tentent de le faire, mais l'exaspération se manifeste surtout au sein de la communauté sunnite. C'est ainsi qu'un homme aussi modéré que le mufti de Tripoli, Malek el-Chaar, a réagi hier au verdict prononcé à l'encontre de cheikh Ahmad el-Assir, et a ouvertement reproché au Tribunal militaire d'être sous la coupe du Hezbollah, sans pour autant prendre la défense d'Assir.
Pour sa part, Achraf Rifi a dénoncé hier le défilé paramilitaire du Parti national social syrien, rue Hamra, qui commémore chaque année à cette date « la victoire du Wimpy », obtenue par sa milice contre l'armée israélienne, durant son occupation de cette partie de la capitale (1982). M. Rifi a sévèrement condamné « le silence officiel » observé à cette occasion et « les îlots d'insécurité » que se permettent certains partis couverts par le Hezbollah.
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Même sur le plan parlementaire interne, les choses sont loin d'être finies. On apprend à ce sujet que le parti Kataëb ne se taira pas, au moment du vote (à main levée) de la nouvelle loi sur les taxes, comme sur la mainmise d'une certaine oligarchie sur les ressources du pays, et compte à nouveau tout faire pour faire prévaloir « la logique de l'État » sur celle du « laisser-faire » en vigueur. Au demeurant, le PSP aussi a formulé des réserves, par la voix de Marwan Hamadé, aux « amendes » si modestes imposées aux biens-fonds maritimes spoliés par le grand capital. Réussira-t-on « à transformer la volonté d'opposition en une initiative d'opposition », comme le dit si bien Farès Souhaid ? L'avenir le dira.
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commentaires (4)
Des Lignes Rouges ???? Mon oeil !!! Ce sont des ficelles rouges qui ont ligoté les mains des autres.
Aref El Yafi
09 h 10, le 30 septembre 2017