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Liban - Grille des salaires

Grille des salaires : le bras de fer se confirme et fait redouter une crise de pouvoir

Berry monte au créneau et stigmatise une atteinte « téméraire » à la présidence de la Chambre et à Taëf.

Les fonctionnaires du secteur public et les enseignants ont manifesté, hier, dans le centre-ville de Beyrouth. Photo Hassan Assal

Si le moindre doute persistait quant au fait que la décision du Conseil constitutionnel (CC) d'invalider la loi relative au financement de la nouvelle échelle des salaires dans le secteur public a fait ressurgir les vieilles discordes politiques, le président de la Chambre, Nabih Berry, l'a balayé hier en attaquant de front le CC et en s'en prenant dans le même temps à ceux qui « osent porter atteinte à la présidence de la Chambre et contester ses décisions », mais sans plus de précisions.

Nabih Berry a beau affirmer que ses relations avec Baabda sont au beau fixe, les débats en Conseil des ministres où l'on essaie, toujours sans succès, de trouver une issue honorable et, surtout, constitutionnelle au financement de l'échelle des salaires témoignent d'un retour de l'épreuve de force entre le CPL fondé par le président Michel Aoun et le mouvement Amal du président de la Chambre, qui a haussé hier le ton, laissant craindre, comme on l'a relevé dans des milieux politiques du 14 Mars, une crise de pouvoir. Les divergences de vues entre les ministres des deux parties sur les moyens de sortir de l'impasse dans laquelle la décision du Conseil constitutionnel a plongé l'exécutif et le législatif ont empêché le Conseil des ministres de dégager ne serait-ce qu'une ébauche de solution à la problématique du financement de la grille des salaires qui devrait normalement entrer en vigueur dans quelques jours.

L'épreuve de force transcende cette fois la gestion des affaires publiques et les considérations politiciennes d'usage pour porter sur la délicate question de l'autorité, Nabih Berry ayant vu dans l'annulation de la loi 45 et dans l'exposé des motifs de la décision du Conseil constitutionnel une atteinte directe à sa personne et au poste qu'il occupe. La veille déjà, il avait laissé entendre devant ses visiteurs que Baabda serait l'instigatrice de la décision du Conseil constitutionnel, lorsqu'il avait affirmé que la décision du CC « n'est pas venue des anges ».

 

(Lire aussi : Grille des salaires : le gouvernement peine à trouver une porte de sortie)

 

 

« Taëf assassiné »
Hier, ses propos selon lesquels « ce qui se passe est une atteinte téméraire au Parlement, une agression contre les prérogatives de son président et contre Taëf qu'on commence à assassiner » s'adressaient aussi bien au CC qu'au groupe dont est issu le président de la République. « Celui qui ne prend pas conscience de cette vérité a un gros problème et expose le Liban à un problème encore plus grand. L'interprétation de la Constitution appartient uniquement au Parlement », a-t-il asséné devant les journalistes accrédités à Msayleh.
Tout en insistant sur le droit acquis que représente la nouvelle échelle des salaires et sur le fait qu'elle « ne peut qu'être appliquée », il a souligné qu'il était normal qu'une loi soit votée pour assurer son financement et a défendu le droit de la Chambre à approuver des taxes en dehors du budget, un droit que son ministre des Finances, Ali Hassan Khalil, a âprement défendu lui aussi en Conseil des ministres, face à son collègue de la Justice, Salim Jreissati, qui insistait pour que le financement des nouveaux salaires dans le public soit intégré au budget, s'alignant ainsi sur les remarques du CC.

Il serait utile de rappeler dans ce contexte qu'au moment de l'examen de la grille des salaires en Conseil des ministres, le président Michel Aoun et le CPL avaient essayé de convaincre les parties représentées au gouvernement d'intégrer les recettes devant couvrir la nouvelle masse salariale au projet de budget 2017. Le président de la commission parlementaire des Finances, Ibrahim Kanaan, s'était en outre engagé à l'époque à accélérer l'examen du texte, en assurant qu'il était possible de le voter avant la fin de l'année. Mais c'était compter sans l'insistance des blocs parlementaires d'Amal et du Hezbollah et la pression de la rue qui ont fini par avoir raison de la résistance des autres blocs parlementaires.

Nabih Berry a rejeté une par une les argumentations développées par le CC, assurant qu'il a procédé à un vote nominal de la loi invalidée – au moment où, de sources parlementaires, on souligne que l'appel a porté sur les noms de trois députés seulement avant le fameux souddik – qui signifie « approuvé » –, et défendant le droit du Parlement à avaliser des taxes en dehors du cadre du budget.
« Nous avons bien voté la loi fiscale sur les hydrocarbures offshore. Non ? » s'est-il interrogé, en soulignant au sujet du bilan des comptes des exercices précédents qu'il ne relève pas de la compétence du Parlement mais de celle du gouvernement.

Le président de la Chambre a qualifié sa relation avec le chef de l'État d'« excellente », faisant état d'une « convergence de vues avec lui sur les questions stratégiques » et soulignant qu'il l'avait appelé après son retour de New York et l'avait félicité pour le discours qu'il avait prononcé à l'ONU, et qu'il compte l'appeler après son retour de Paris pour saluer ses positions par rapport à la Syrie et son opposition à une implantation des réfugiés syriens.

 

(Lire aussi : L’escalade sociale se poursuit en attendant la décision de l’exécutif)

 

 

En dépit de ces assurances, de sources politiques, on craint que sous la pression de la rue, qui continue de grogner, le cafouillage officiel ne s'accentue. De sources constitutionnelles, on met en relief le fait que le gouvernement et le Parlement n'ont d'autre choix que de se conformer aux observations du CC et on rejette en bloc les points développés par le président de la Chambre. Selon ces sources, il est évident que le Conseil constitutionnel, en donnant son verdict, doit interpréter les textes de la Constitution sur lesquels il se fonde pour invalider une loi. La Chambre est souveraine, il est vrai, mais dans la limite du respect de la Loi fondamentale, affirme-t-on de mêmes sources, en relevant qu'au niveau de la comptabilité publique, le Liban est depuis onze ans dans une situation de hors-la-loi, puisque les dépenses sont engagées depuis 2006, en dehors du cadre du budget. Le Parlement peut bien entendu approuver de nouvelles taxes, mais leur application doit « absolument se faire, conformément à la Constitution, dans le cadre du projet de budget », assure-t-on de mêmes sources, en insistant sur le fait que la marge de manœuvre actuelle du gouvernement et du Parlement, en dehors des limites posées par le Conseil constitutionnel, est pratiquement nulle, à moins qu'on ne décide de continuer à gérer le pays d'une façon « tribale », responsable du dysfonctionnement auquel on assiste à tous les niveaux.

Sinon, le gouvernement ne peut qu'intégrer la loi de financement de la grille des salaires dans le projet de budget ou du moins attendre que celui-ci soit adopté pour la voter, du moment que c'est dans le cadre de cette loi qu'il est possible d'établir correctement l'équilibre entre les recettes et les dépenses, et que la procédure définie par la Constitution ne peut pas être interprétée librement.

 

 

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commentaires (8)

"L'opulence exorbitante des uns et la pauvreté affreuse des autres". Fénelon (1651-1715). D'un côté on invalide la Grille des salaires et de l'autre, les dépenses exorbitantes et faramineuses, des chefs, des ministres, des députés et des haut-fonctionnaires et leurs familles à travers le monde, aux Amériques, en Europe, en Asie, en Océanie y compris en Nouvelle-Zélande (?) ... C'est à perdre la tête.

Un Libanais

18 h 28, le 27 septembre 2017

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Commentaires (8)

  • "L'opulence exorbitante des uns et la pauvreté affreuse des autres". Fénelon (1651-1715). D'un côté on invalide la Grille des salaires et de l'autre, les dépenses exorbitantes et faramineuses, des chefs, des ministres, des députés et des haut-fonctionnaires et leurs familles à travers le monde, aux Amériques, en Europe, en Asie, en Océanie y compris en Nouvelle-Zélande (?) ... C'est à perdre la tête.

    Un Libanais

    18 h 28, le 27 septembre 2017

  • AU JAPAN SI LE GOUVERNEMENT AURAIT DECIDE DES AUGMENTATIONS DE SALAIRES ET LE PAYS ETAIT AU BORD DU PRECIPICE... METEL 3ENNA... LES TRAVAILLEURS LES AURAIENT REFUSEES !

    LA LIBRE EXPRESSION

    11 h 37, le 27 septembre 2017

  • Naturellement, un budget n'est pas immuable. A l'heure de son établissement et de son vote dans des délais prévus par la loi, avant le commencement de l'exercice concerné, ce n'est qu'un document prévisionnel. Tout au long de son application, des événements de toute nature peuvent conduire à des réajustements. Ce qu'on appelle techniquement des correctifs budgétaires introduits par vote parlementaire soit simultanément aux besoins surgis soit en cloture de l'exercice budgétaire en question. Dans tous les cas de figure, les libertés parlementaires en matière financière sont exercées dans le cadre du budget national constitutionnellement établi, c'est-à-dire à l'issue de l'arrêté des comptes de (ou des.....) exercices antérieurs. Cette observation académique étant, voyons voir de quel bois se chaufferont ses "détracteurs" démocrates.

    Khlat Zaki

    10 h 29, le 27 septembre 2017

  • comme tjrs on a mis la charrette avant le boeuf . S gemayel a bien remporte une bataille, contre qui excatement ? contre Aoun ? Berri? Hariri?hezb?geagea? Bien. Mais il se devait adresser AVANT tte chose LES PROBLEMES de l'administration - SURNOMBRE, CONTRACTUELS , EMBAUCHE PARTISANE . CAR la constitution n'est pas tout. s'attaquer a la racine du mal est PRIMORDIAL. parmi nos "experts" financiers se trouve surement qq'un qui reussirait les calculs suivant: COMBIEN 'economiserait a la longue le gouv en mettant a la porte ces exces de fonctionnaires MEME en leur payant des INDEMNITES mirobolantes .. donc en etant HUMANISTES..... l'echelle de salaires, donne justement aux mal nommes ci-haut LEGITIMITE ... le CC trouverait il " Constitutionnel " plus tard , de foutre a la porte 1 TRES grand nombre parmi eux?

    Gaby SIOUFI

    09 h 55, le 27 septembre 2017

  • Honte Honte à ceux qui veulent s'en mettre pleins les poches De l'argent il y en a pour financer la grille des salaires et il y en a Mais comment feront alors ceux qui bavent pour avoir un sou de plus Vous savez bien vous battre pour vous enrichir Mais vous plantez des épées quand certains pourraient avoir une augmentation de salaire bien méritée Honte à vous à votre égoïsme et à votre cupidité

    RIGA Pavla

    09 h 28, le 27 septembre 2017

  • Honte Honte à ceux qui veulent s'en mettre pleins les poches De l'argent il y en a pour financer la grille des salaires et il y en a Mais comment feront alors ceux qui bavent pour avoir un sou de plus Vous savez bien vous battre pour vous enrichir Mais vous plantez des épées quand certains pourraient avoir une augmentation de salaire bien méritée Honte à vous à votre égoïsme et à votre cupidité

    RIGA Pavla

    09 h 12, le 27 septembre 2017

  • Monsieur Nabih Berry, c'est le Liban que vous tous, au gouvernement et au Parlement, assassinez avec votre incapacité totale à gérer et résoudre les problèmes de ce pauvre pays que vous martyrisez depuis des années pour satisfaire vos propres intérêts de parti, communauté et personnels, en plus de ceux de vos commanditaires extérieurs au Liban ! Irène Saïd

    Irene Said

    08 h 52, le 27 septembre 2017

  • Quelle arrogance et combien d'amateurisme de la part de l'indéboulonnable qui prend un peu les gens pour des imbéciles... On n'a pas besoin du CC pour insister qu'une mesure fiscale aussi grave de conséquences économiques et sociales dans un pays exsangue devrait être prise après le vote d'un budget National, pour au moins évaluer le coût global, la faisabilité et la viabilité de ce projet à long terme... En faire une question d'attaque personnelle contre son Auguste autorité suprême! Il ne faut pas charrier...

    Saliba Nouhad

    02 h 13, le 27 septembre 2017

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