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Liban - Déchets ménagers

La fermeture de Costa Brava interdite jusqu’au verdict de la justice

Le tragique épisode des mouettes, en janvier, sur la plage de Costa Brava, attirées par les déchets et chassées à coups de fusil. Des dispositifs ont été placés sur place depuis, mais le fait de placer des ordures sur la plage et près de l’aéroport est critiqué depuis la conception de ce plan. Photo d’archives Anwar Amro/AFP

Dans une décision de quelques lignes, écrite à la main, la cour d'appel du Mont-Liban, présidée par la juge Ilham Abdallah, a tranché la question de la fermeture de la décharge de Costa Brava, au sud de Beyrouth : cette décision de fermeture ne sera pas appliquée jusqu'à ce qu'un jugement définitif soit pris dans la plainte déposée contre la gestion de cette décharge par des militants. Le travail sur ce site en bord de mer, accolé à l'aéroport de Beyrouth, entrepris par la compagnie JCC (Jihad el-Arab) peut donc se poursuivre en toute quiétude, malgré la plainte déposée par trois avocats de la société civile.

Les nombreuses lacunes et entorses à la loi et aux règles environnementales (notamment le fait que les déchets sont jetés sans tri dans les cellules, ce qui est contraire au plan initial) observées sur ce site ont poussé trois avocats, Hassan Bazzi, Hani Ahmadieh et Abbas Srour, à porter plainte rapidement après le début des travaux durant l'été 2016. La décharge de Costa Brava est l'une des deux décharges « contrôlées », décidées dans le cadre du plan gouvernemental de gestion des déchets de mars 2016, l'autre étant à Bourj Hammoud-Jdeidé. Les deux décharges soulèvent depuis des mois des polémiques très vastes portant sur l'attirance de grandes quantités de mouettes vers l'aéroport en raison des déchets en plein air à Costa Brava et le traitement de l'ancien dépotoir avec déversement des déchets dans la mer sans brise-lames protecteur (en raison de pipelines sur place) à Bourj Hammoud... Sans compter les nombreux désagréments, comme les odeurs et la pollution ressenties par les riverains des deux régions.

La cour d'appel a donc ajourné la fermeture de la décharge jusqu'au jugement définitif de la cour dans cette affaire. Les juges, qui étaient réunis au complet, statuaient dans l'affaire du recours présenté par les municipalités de la banlieue sud de Beyrouth (desservies par la décharge) contre la décision prise le 31 janvier dernier par le juge des référés de Baabda, Hassan Hamdane, en faveur de la fermeture de la décharge dans un délai de quatre mois (de loin dépassé actuellement), en attendant le jugement final dans cette affaire.
Contacté par L'OLJ, Hassan Bazzi dénonce « une décision plus politique que juridique ». « Selon les délais juridiques, la décharge aurait dû être fermée aujourd'hui (hier) à 13 heures, explique-t-il. Or la pression est telle pour contrer cette décision du juge des référés que les juges de la cour d'appel du Mont-Liban se sont réunis au complet un lundi, contrairement à leur horaire habituel qui consiste à se réunir les mardis, afin de s'assurer que cette décision ne passera pas. » Les plaignants comptent présenter prochainement un recours contre cette nouvelle décision.

Toutefois, entre plaintes et recours, la décharge de Costa Brava sera bientôt sursaturée et fermée de facto, de l'aveu même de l'architecte du plan de mars 2016, l'ancien ministre de l'Agriculture Akram Chehayeb ... « Absolument, nous en sommes conscients, répond Hassan Bazzi. Nous pensons d'ailleurs qu'à ce rythme, la décharge ne durera pas plus tard qu'avril prochain. En effet, d'après nos observations et nos photos, les cellules A et B sont déjà saturées, et la cellule C est entamée. Un simple calcul nous fait dire que la décharge n'en a plus que pour huit mois, avec ou sans une décision judiciaire favorable à notre plainte. »

 

(Pour mémoire : Les voisins de la décharge de Costa Brava menacent d’escalade)

 

 

« En perspective de la saturation, l'inaction totale ! »
Dans ce cas, et en l'absence d'alternative, ne faut-il pas s'inquiéter de la fermeture de ces sites, certes dysfonctionnels ? « Tout à fait, mais nous rappelons que l'État sera dans le pétrin avec ou sans notre concours, affirme l'avocat. Et c'est pour cela que c'est si grave. S'il y avait une cour pour juger les hauts responsables, comme cela devrait être le cas (elle n'a jamais été formée), on aurait dû traîner tous ces responsables devant la justice, parce qu'ils sont au courant de tous nos arguments contre le dysfonctionnement dans ces décharges. Ils savent quels sont les délais et les risques, ils ont reçu un plan de gestion alternatif que nous leur avons envoyé, or ils ne font rien ! »

Le ministre de l'Environnement Tarek el-Khatib, en réponse à une question de L'OLJ sur la décision de justice, déclare « respecter les décisions judiciaires quelles qu'elles soient, que ce soit la première (du juge des référés) ou celle qui a été prise hier ».

Interrogé sur la décharge de Costa Brava, il assure que « les observateurs du ministère avaient relevé des lacunes et les avaient, comme c'est le cas d'habitude, communiquées au Conseil du développement et de la reconstruction (CDR) ». « Or nous avons remarqué des progrès notables au niveau du travail sur cette décharge », a-t-il ajouté. Qu'en est-il de sa sursaturation précoce et des craintes qui entourent cette potentielle future crise ? « C'est un cri d'alarme responsable qu'a lancé le député Akram Chehayeb, répond-il. Mais nous prenons toutes les précautions qui s'imposent, et nous pensons que ces scénarios catastrophes décrits dans les médias ne sont pas réalistes. »

Le ministre a rappelé que son administration a présenté un plan au Conseil des ministres, refusant pour autant d'en parler davantage avant que le texte ne soit débattu et adopté en Conseil des ministres. Un plan qui, d'après les informations que nous avons pu recueillir, propose, entre autres, de revenir à des solutions passées controversées, telles la réouverture de certains sites ou la création de décharges dans des endroits qui ont soulevé la colère de la population.

Les propos rassurants du ministre sont en contradiction avec les nombreuses mises en garde contre une sérieuse perspective de crise des déchets, lancées par des responsables et par des militants de la société civile. Le plan de mars 2016, conçu pour durer quatre ans, ne sera pas viable bien au-delà de deux ans et demi, et la sombre réalité, c'est qu'aucune perspective durable n'est sérieusement envisagée.

 

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