Les rassemblements d'habitants de la ville de Choueifate et de plusieurs localités entourant la décharge de Costa Brava se sont poursuivis tout le week-end, culminant par des fermetures de route et de l'accès à la décharge pour quelques heures. En cause : les odeurs qui ont atteint le seuil de l'« insupportable » durant quatre jours au moins la semaine dernière, comme nous le confirme Imad Kadi, militant de la société civile de Choueifate et habitant de la région.
« Les odeurs se dégagent régulièrement du site depuis son ouverture et sont plus ou moins perceptibles selon les conditions climatiques, affirme-t-il à L'Orient-Le Jour. Mais ces jours-ci, elles n'étaient plus supportables, même quand on fermait les fenêtres. »
Pourquoi les odeurs se sont-elles tellement intensifiées ? Le Conseil du développement et de la reconstruction (CDR) a publié durant le week-end un communiqué « précisant les raisons derrière l'affaire soulevée autour du Costa Brava ». « Au cours de la période qui a séparé la fermeture de la décharge de Naamé et la construction de la première cellule de la décharge sanitaire de Costa Brava, un certain volume de déchets a été stocké de manière temporaire sur le site en attendant leur enfouissement dès que la superficie suffisante serait assurée dans les cellules, souligne le communiqué. Depuis deux jours, l'entrepreneur a procédé au transport de ces anciens déchets à la cellule d'enfouissement définitive, ce qui a causé la propagation des odeurs dans les environs du projet, surtout que cette opération de transport a coïncidé avec une hausse des températures. »
Et d'ajouter : « Le CDR comprend les doléances des habitants dans les environs du projet. Toutefois, cette opération ne durera que les quelques jours nécessaires pour traiter les conséquences de la crise passée. »
Pour sa part, la société en charge des travaux à Costa Brava, al-Jihad for Commerce and Contracting, a elle aussi publié un communiqué dans lequel elle « s'excuse auprès des Libanais, notamment les habitants de la région de Khaldé et de ses environs, pour la gêne occasionnée par les travaux en cours, prévus dans le cadre de son accord avec les autorités concernées ». Ces travaux « consistent à nettoyer le site de stockage créé au cours de la période précédant la construction de la décharge de Costa Brava, et ils se font en vertu d'une lettre officielle envoyée par le CDR », selon le texte. La compagnie explique que ces travaux de transport des déchets d'un endroit à un autre n'auraient pu être envisagés en hiver pour des raisons climatiques. Elle « rassure » les habitants sur le fait que « ces travaux ne doivent pas durer plus de sept jours, dont deux sont déjà passés », souhaitant leur « coopération pour terminer cette opération au plus vite ».
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Une escalade en perspective
Ces arguments, comme on peut l'imaginer, n'ont pas convaincu la société civile de la région. La campagne pour la fermeture de la décharge de Ghadir, Costa Brava, dont Imad Kadi est le porte-parole, a répondu aux deux communiqués, les qualifiant de fallacieux et de « justification absurde pour minimiser l'impact de la mort lente qu'on fait subir aux habitants de la région ». La campagne « précise que quel que soit le désagrément causé par ces odeurs, le vrai danger émane de ces gaz qui se dégagent de la décharge tels que le sulfure d'hydrogène (H2S), un gaz extrêmement toxique, et avec lui d'autres sulfures et hydrogènes, ainsi que des hydrocarbures aromatiques en haute teneur en carbone, d'autant plus dangereux qu'ils sont inodores ».
La campagne ajoute : « On peut se demander si ceux qui tentent de manipuler la population sont conscients que les émanations de gaz toxiques ne s'arrêteront pas dans les prochaines années, et que leurs taux dans l'air augmenteront avec le temps. Et on se demande aussi si les contrôleurs et fonctionnaires, qui jouent le rôle de faux témoins, ont remarqué que des déchets de régions non incluses dans la décision initiale sont en train d'être jetés discrètement dans la décharge. »
Interrogé par L'OLJ sur sa perception de ces odeurs qui s'intensifient récemment au voisinage de la décharge, l'expert écologique Wilson Rizk, qui a inspecté précédemment le site, affirme que « cette décharge, supposée être contrôlée, ressemble plus à une décharge sauvage, où l'on ne respecte pas les mesures de traitement des odeurs ». L'expert se dit « résolument hostile à l'établissement d'une décharge dans cette zone déjà sinistrée par la pollution du fleuve Ghadir », préconisant « le transport des déchets ailleurs ».
Même exigence du côté de Imad Kadi, qui refuse tout simplement la poursuite de l'activité sur le site. Il rappelle que le juge des référés de Baabda Hassan Hamdane a ordonné, fin janvier, la fermeture de la décharge avec quatre mois de sursis en vue de la recherche d'une alternative. Ce délai expire le 12 juin. Les municipalités de la banlieue sud ont fait appel de la décision, mais aucun jugement n'a encore été émis. « Nous planifions une escalade d'ici au 12 juin, affirme Imad Kadi à L'OLJ. Nous n'accepterons en aucune façon que la fermeture ne soit pas appliquée. »
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Tiens, on en parle de nouveau de cette monstruosité écologique: au début, juste l'emplacement en bord de mer, puis la proximité de l'aéroport et le risque pour l'aviation, puis la pollution du fleuve Ghadir et la mer, et maintenant les odeurs pestilentielles dans une région surpeuplée... Et ce n'est que le début, d'autant que ces décharges (celle de Bourj Hammond incluse) seraient temporaires ad 2019.... En attendant: que font les responsables? Dans quelques jours, on n'en parlera plus, jusqu'à la prochaine catastrophe!
15 h 06, le 24 avril 2017