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Liban - Pétrole et gaz

Consolider les fondations de la stratégie de protection des côtes

Diana Kaïssy, directrice exécutive de LOGI, insiste sur « la nécessité d’inclure toutes les données dans l’étude environnementale stratégique ».

Le dossier des réserves de pétrole et de gaz au large des côtes du Liban comporte beaucoup d'enjeux, notamment économiques et en termes de transparence. Un autre enjeu majeur accompagnant la question des futurs forages est d'ordre environnemental. Conformément aux règles en vigueur dans le monde, le gouvernement a fait exécuter une étude stratégique environnementale (SEA) dès 2012, un gros pavé de 800 pages abordant les différentes questions d'usage. Alors que le processus semble s'accélérer ces derniers mois, la question de la protection environnementale préoccupe l'association LOGI (Lebanese Oil and Gas Initiative), qui a chargé, en mai dernier, un expert internationalement reconnu de revoir et de réévaluer la SEA de l'État. Verdict : le texte présente de nombreuses lacunes, d'où la nécessité de « refaire » l'étude.

LOGI est une association indépendante d'experts sur le gaz et le pétrole, fondée en 2014, dont l'une des préoccupations majeures est « d'aider le Liban à maximiser les profits de l'exploitation de ce secteur tout en renforçant la transparence dans sa gestion », indique à L'OLJ sa directrice exécutive, Diana Kaïssy. Alors que le forage n'a pas commencé dans les eaux libanaises, l'ONG se concentre actuellement sur les domaines où son intervention pourrait être utile, en d'autres termes l'étude de la SEA et le cadre légal de l'opération de forage. La révision de la SEA du gouvernement a été réalisée grâce à l'appui de la Fondation Friedrich Ebert et l'organisation « Publish What You Pay », coalition mondiale d'associations œuvrant à mettre fin à la corruption dans les secteurs du pétrole, du gaz et de l'exploitation minière.
Le constat sans appel de l'expert slovène Klemen Strmšnik a été longuement exposé aux responsables libanais en mai dernier, lors de sa visite au Liban. « La SEA a été publiée en 2012, mais elle n'a pas suscité de réactions à ce moment-là, probablement parce que les données qu'elle contient sont nombreuses et compliquées, explique Diana Kaïssy. Or ce texte, qui commence déjà à dater, comporte d'importantes lacunes. »

 

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« Un rapport incomplet »
Quels sont les arguments qui rendent indispensable de refaire cette étude de première importance ? Voici ce qu'on lit dans le rapport de l'expert slovène, au chapitre des recommandations finales intitulé « La SEA au Liban doit être refaite ». « Nous recommandons que le processus de SEA soit relancé sur base de l'étude de 2012, avec un complément d'analyses et des informations additionnelles, ainsi que l'inclusion de l'analyse des différents acteurs concernés », souligne le texte.

Pour ce qui est des raisons invoquées par l'expert, elles se présentent comme suit : la SEA du Liban est « un rapport incomplet qui ne répond pas aux standards internationaux, puisqu'il lui manque plusieurs composantes essentielles ». Cette étude « a été réalisée avec une coordination très réduite de la part des différents ministères, et sans aucune participation de la société civile, sachant que toute SEA réussie doit tenir compte des différents acteurs impliqués ». De plus, « la SEA réalisée en 2012 ne répond même plus aux critères définis par de nouvelles législations environnementales libanaises ». Enfin, « les données qui y sont incluses sont dépassées et incomplètes, et la qualité de l'information pourrait y être améliorée de manière significative ».

 

(Lire aussi : Hydrocarbures offshore : comment améliorer la transparence ?)

 

Texte ou action ?
L'équipe de LOGI est évidemment entrée en contact avec les autorités concernées, notamment le ministère de l'Environnement et l'Autorité de l'énergie (Lebanese Petroleum Administration, LPA), mais aussi le ministère du Tourisme, puisque plusieurs localités touristiques côtières, telles que Batroun ou Tyr, se trouvent face à de futurs blocs d'exploitation pétrolière.

Les responsables sont-ils convaincus de la nécessité de recommencer cette étude ? Où en est-on de la vision de protection environnementale qui devrait accompagner tout futur projet de forage ?
S'il n'a pas été possible d'obtenir un rendez-vous au ministère de l'Environnement (aucune réponse ne nous est parvenue jusqu'à la rédaction de cet article), nous avons eu un entretien avec le responsable des questions de qualité, de santé et d'environnement au sein de la LPA, Assem Abou Ibrahim. Celui-ci commence par souligner qu'il est normal que des lacunes soient constatées au niveau de cette SEA effectuée très vite après l'adoption de la loi n° 132 sur le pétrole, en 2010, alors que les informations n'étaient pas encore toutes disponibles. Mais cela ne signifie aucunement, ajoute-t-il, qu'aucun progrès sur les questions de protection environnementale n'a été fait depuis.

« Lorsque cette SEA a été publiée, la LPA n'existait pas encore, fait remarquer M. Abou Ibrahim. À sa création, la LPA a pris part à un projet dirigé par le PNUD visant à combler les lacunes constatées par les rédacteurs de la SEA eux-mêmes, notamment au niveau des données et de la sensibilisation. »
Ainsi, selon lui, la LPA a travaillé sur la réglementation de qualité, de santé et d'environnement, propre au secteur pétrolier et gazier, identifiant, dans le processus, les lois libanaises qui doivent être amendées. « C'est un grand projet qui se poursuit jusqu'à présent », précise M. Abou Ibrahim. La LPA, toujours selon lui, a également élaboré un plan d'urgence en cas de pollution pétrolière, en 2015-2016, en collaboration avec les ministères concernés. Il souligne par ailleurs que son organisation travaille sur des réglementations concernant le traitement des déchets et l'utilisation de produits chimiques dans le secteur.

L'expert rappelle également que les compagnies retenues dans le cadre du processus d'adjudication des différents blocs « sont choisies, entre autres, pour leur capacité à assumer des responsabilités en cas de problèmes ». Il explique ainsi que « ces compagnies devront effectuer des études d'impact environnemental pour leurs projets particuliers et sont responsables d'apporter une première réponse en cas d'incident, ce qui ne dispense pas l'État de son rôle de surveillance, de direction des opérations et d'intervention en cas de perte de contrôle de la part de l'opérateur ».

À la question de savoir pourquoi tous ces changements ne se retrouveraient pas dans la SEA, M. Abou Ibrahim fait remarquer que la mise à jour du texte doit être effectuée à terme, mais que les modalités d'action et d'application des réglementations environnementales sont plus importantes que le texte en soi. « La SEA est un outil parmi d'autres, dit-il. Nous avons discuté, avec le ministère de l'Environnement, de son éventuelle mise à jour, mais il faut décider dans quel objectif et avec quelle ampleur. » Il souligne que les progrès dans les réglementations sont un processus permanent qui se développe à mesure que le travail dans ce secteur se développe.

Ce n'est pas le point de vue de Diana Kaïssy, qui insiste sur la nécessité d'inclure toutes ces nouvelles données dans cet outil de planification par excellence qu'est l'étude stratégique. Elle souligne que « recommencer la SEA ne retarderait en rien le processus lancé par l'État pour lancer les opérations de forage, puisqu'elle ne nécessiterait pas plus de trois à six mois ». « Sans une SEA complète et solide, c'est comme si on élaborait des plans environnementaux sur des fondations fragiles », assure-t-elle. Elle ajoute que « le timing est parfait pour que le gouvernement libanais songe à remettre cette étude à jour, parallèlement au processus d'octroi des licences (pour le forage) ».

En vue de contribuer à la coordination entre les différents acteurs, LOGI a créé un nouveau groupe de travail environnemental, une sorte de plate-forme réunissant des représentants de la société civile, des ministères de l'Environnement et du Tourisme, et de la LPA, dont la principale mission sera de superviser l'élaboration (ou la mise à jour) du nouveau texte.

 

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commentaires (3)

comment expliquer- si C vraiment le cas- que les europeens riverains de la mediterranee - n'en soient pas inquiets ? apres tout leurs cotes sont quasiment aussi proches de cet espace de forage que le Liban l'est

Gaby SIOUFI

09 h 48, le 08 septembre 2017

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Commentaires (3)

  • comment expliquer- si C vraiment le cas- que les europeens riverains de la mediterranee - n'en soient pas inquiets ? apres tout leurs cotes sont quasiment aussi proches de cet espace de forage que le Liban l'est

    Gaby SIOUFI

    09 h 48, le 08 septembre 2017

  • LA SEULE STRATEGIE CONNUE EST CELLE DE L,ABANDON ET DU M,ENFOUTISME !

    LA LIBRE EXPRESSION, CENSUREE PARTI PRIS/ INTERET

    09 h 02, le 08 septembre 2017

  • Tant en mer que sur terre,la protection de l'environnement semble être le cadet des soucis des princes qui nous gouvernent.

    Yves Prevost

    07 h 01, le 08 septembre 2017

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