Le 20 août, une vidéo montrant une jeune femme souffrant de troubles mentaux se faisant agresser sexuellement par un groupe de jeunes dans un bus à Casablanca, au Maroc, faisait le tour du web. Une agression qui n'a fait réagir ni les passagers, ni le chauffeur. Diffusées sur les réseaux sociaux, les images ont suscité une salve de réactions indignées sur la toile mais aussi dans de nombreux médias à travers le monde.
Laila Hzaineh est l'une de ces nombreuses personnes qui ont été choquées par l'incident. Et elle a décidé de réagir, à sa façon. Cette jeune blogueuse jordanienne d'origine palestinienne a ainsi publié, le 27 août, une vidéo de deux minutes sur son compte Facebook dans laquelle elle accuse les agresseurs et les passagers « d'être complices du crime », avant de s'en prendre violemment aux mentalités dans le monde arabe. La vidéo avait été visionnée plus de 15.000 fois en moins de 24 heures.
« Ce sont des mentalités que nous avons créées nous-mêmes, s'insurge Laila dans la vidéo. Sur quoi nous basons-nous quand nous disons à un garçon, dès sa naissance, qu'il est meilleur que la femme et que son devoir est de l'"éduquer", même dans la rue ? Pourquoi critiquons-nous le comportement des hommes alors que nous leur avons appris toutes ces mœurs patriarcales ? ». Elle poursuit en condamnant ceux qui demandent aux filles de ne pas porter de vêtements moulants et de ne pas sortir la nuit. Ces derniers ne font, selon elle, que camoufler le problème, sans s'attaquer à son essence : « Nous agissons comme une personne qui asperge les ordures de parfums... l'odeur nauséabonde disparaît un temps, mais elle finit par revenir, car les ordures sont toujours là... »
Mais qui est Laila Hzaineh qui ose crier ce que beaucoup de femmes dans le monde arabe n'osent pas toujours dire tout haut ? Cette jeune femme de 20 ans s'est fait remarquer sur le web par ses vidéos défendant les droits des femmes dans le monde arabe. Elle y aborde des sujets que beaucoup préfèrent éviter, mais qui attirent l'attention des internautes : discrimination, islam, virginité, patriarcat... Son compte Facebook compte plus de 22.000 followers et ses vidéos cumulent souvent autour de 60.000 vues.
Son aventure sur le web débute lorsqu'un jeune Jordanien publie une vidéo sur Youtube dans laquelle il explique que c'est en raison de leurs choix vestimentaires que certaines femmes sont la cible de harcèlement. « Bien que son opinion ne soit pas nouvelle en soi, j'ai été furieuse d'entendre encore des propos aussi arriérés» , raconte Laila à L'Orient-Le Jour. «Je n'ai pas pu m'empêcher de lui répondre. Ce fut la première vidéo que j'ai postée sur les réseaux sociaux. J'y faisais part de ma conviction que si un homme harcèle une femme parce qu'elle porte une jupe, c'est lui qui a un problème et non pas elle ».
Élevée en Jordanie dans une famille de la classe moyenne, Laila Hzaineh croit fermement que ses parents ont eu un impact positif sur sa personnalité. Ils lui ont appris à prendre ses propres décisions et lui ont toujours accordé beaucoup de confiance, dit-elle. « Mes voisins critiquaient parfois la liberté que nous laissait ma mère, que ce soit le fait de ne pas couvrir nos cheveux, d'aller dans une école mixte ou d'avoir des garçons parmi nos amis. », raconte la jeune étudiante. Laila prépare actuellement aux Etats-Unis une licence en études sur la paix et les conflits. Elle fera par la suite une maîtrise en droit international et envisage de dédier sa carrière au développement de la femme au Moyen-Orient.
« Nos sociétés ont un problème fondamental avec la liberté, estime Laila. On a du mal à saisir ce concept de liberté de choix. Notre féminisme est loin du féminisme en Occident : nous nous battons pour des droits déjà acquis il y a longtemps en Occident. Nous en sommes encore à des questions de virginité, de signes religieux et de mariage forcé ».
Dans d'autres vidéos, Laila a abordé la question du port du voile qui, selon elle, doit relever d'un choix personnel. Même chose pour la virginité : elle affirme que personne ne devrait s'en mêler et déplore que certains lient encore le saignement de l'hymen à l'honneur de la femme.
Des propos qui lui valent souvent des insultes sur Facebook ou Youtube, certains internautes la qualifiant d'infidèle ou dénonçant sa « mauvaise influence ». Des messages auxquelles la jeune femme a choisi de ne pas répondre. « Parfois, le dialogue avec certaines personnes est inutile, leurs propos n'ont rien de constructif. Je refuse de me laisser influencer ».
Lire aussi
Des supposées "opérations bikini" en Algérie, buzz de l'été
Pour mémoire
Tunisie: la loi contre les violences envers les femmes, "une étape décisive" (HRW)
Femmes en robe arrêtées au Maroc: des hommes interpellés pour harcèlement
Maroc: lancement d'une campagne contre les violences faites aux femmes
Bien Mais qui l'écoute? Il faudra une révolution "religieuse-culturelle" Pour essayer de déraciner des "convictions" aussi absurdes
12 h 15, le 01 septembre 2017