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Idées - Liban

Grille des salaires : tout le monde a perdu !

Fouad ZMOKHOL.

L'échelle des salaires fait couler beaucoup d'encre depuis plus de cinq ans. Ce projet a été largement à la une des news et de tous les talk-shows télévisés. Il a également été le principal déclencheur de nombreux mouvements de protestation et de grèves syndicales. Et nous voilà au terme de ce périple épineux, mais l'on ne peut s'empêcher de s'interroger si c'est bien la fin de ce long feuilleton ou le début d'un nouvel épisode encore plus compliqué, plus embrouillé, laissant présager de sombres conséquences à l'horizon.
On se demande si l'on peut parler de victoire et de défaite, de vainqueur et de vaincu, ou si plutôt tout le monde a perdu ou risque de perdre à moyen terme...

Notre position a toujours été très claire sur ce dossier délicat, et nous avons toujours clamé haut et fort que cette échelle des salaires est un droit pour de nombreux fonctionnaires de l'État et instituteurs des secteurs public et privé. Mais bien avant de penser à l'appliquer, il aurait été crucial de procéder à une restructuration complète des ressources humaines de l'État, à un audit méticuleux de tous les fonctionnaires publics, pour s'assurer que cette augmentation soit proportionnelle au mérite, à l'expérience, à l'efficacité, à la productivité, et non pas octroyée à ceux qui ignorent même le lieu de leur travail et sont rémunérés avec des rentes et des salaires réguliers non mérités.

Il n'y a aucun doute que nous avons d'excellents fonctionnaires d'État qui se donnent corps et âme à leurs responsabilités et devoirs, et nous devons les protéger, les maintenir, les motiver et les pousser en avant, mais nous souffrons en même temps de nombreux emplois fictifs, politiques, religieux, sectaires ou « miliciens » qui alourdissent le fardeau de l'État et nous empêchent d'avancer, puisqu'ils affectent et vident graduellement les caisses rachitiques de notre État.

D'autre part, augmenter les impôts pour espérer assurer en contrepartie un financement public supplémentaire est certes la solution la plus facile, mais souvent le pire remède à appliquer, surtout en période de crise et de stagnation économique. Il est important de noter qu'aucun pays ayant eu recours à une augmentation des impôts en période de crise n'a pu réussir ultérieurement à rebâtir une croissance saine ou à améliorer le niveau de vie de ses habitants.

Il serait malheureusement utopique de penser que l'application de l'échelle des salaires va encourager la consommation. Il est vrai que certains bénéficieront de quelques rentrées supplémentaires à très court terme, mais ils en paieront eux-mêmes le prix, suite aux taxes directes et indirectes, et en raison de l'inflation qui va être engendrée...

De plus, augmenter les taxes ne veut nullement dire que cette stratégie va stimuler les rentrées de l'État, car d'un côté il y a le risque d'encourager la contrebande et l'économie parallèle, et d'un autre côté la hausse fiscale va réduire les bénéfices et le retour sur investissement, et par conséquent les taxes sur les bénéfices et sur la consommation. Vues à partir d'un autre angle, peut-être que si ces taxes avaient servi à financer des projets vitaux à notre pays, comme la reconstruction de nos infrastructures mal développées, ou des investissements qui créeraient des emplois et de la croissance, nous nous serions tous sans doute serré la ceinture encore plus pour ce sacrifice productif ; mais augmenter les taxes pour financer le secteur le moins efficient de notre pays est une erreur impardonnable, inacceptable et impensable.

Il est vrai que ce projet a été débattu durant cinq longues années, mais malheureusement ces discussions ont été essentiellement politiques et superficielles. Ce projet a même été qualifié de « boule de feu », que nos protagonistes politiques s'amusaient à s'envoyer de part et d'autre, pour attaquer, contre-attaquer, ou même se venger mutuellement.

Il est triste de voir qu'aucune étude « Impact Study » n'a jamais été menée sur chacune des taxes suggérées, pour mieux évaluer ses effets économiques à court, moyen et long terme.
Nous étions devant une énigme assez difficile et compliquée à résoudre, car appliquer ces deux lois (échelle des salaires/ nouvelles taxes) pourrait entraîner des effets économiques désastreux ; et en même temps, les rejeter complètement pourrait aggraver la crise et la grogne sociale et faire « bouger » la rue dramatiquement à nouveau.

 

(Lire aussi : En attendant le recours Kataëb en invalidation, la grogne sociale s'amplifie...)

 

 

Quatre points
Compte tenu de ces données, nous avions proposé les solutions suivantes, pour essayer de limiter les dégâts autant que possible. Suite au vote de ces lois à une grande majorité au Parlement, l'État se trouvait sans doute devant un fait accompli et n'avait d'autre choix que de signer et d'appliquer la nouvelle échelle des salaires. On aurait dû, par contre, repousser la signature de la loi sur les nouvelles taxes d'un an environ. Durant cette période de grâce, le gouvernement aurait dû se fixer comme objectif majeur de financer cette « grille » par une meilleure gestion et gouvernance, et surtout en se focalisant sur les quatre points et objectifs proposés et détaillés ci-dessous :
– améliorer la collecte des impôts de 50 % à 60-65 % environ ;
– améliorer le contrôle sur nos frontières terrestres, maritimes et aériennes ;
– réduire les transferts à Électricité du Liban ;
– restructurer et effectuer un audit de toutes les fonctions de l'État.

Nous sommes convaincus que les quatre points indiqués auraient pu facilement financer ce nouveau coût, à condition qu'il y ait une réelle volonté d'agir pour sauver notre économie et notre pays. La meilleure stratégie est toujours d'essayer, de lancer des projets pilotes, de persévérer, et par la suite nous aurions pu nous remettre ensemble autour d'une nouvelle table de dialogue économique et sociale, pour étudier les résultats de ce plan d'urgence. Et à ce moment-là, discuter d'un financement supplémentaire si besoin, ce qui serait improbable.

Il est crucial que notre gouvernement d'union nationale se fixe des objectifs clairs, dessine des stratégies de secours et des « remèdes » réels et efficaces. Il ne faut pas se lancer dans les chantiers les plus faciles, mais aussi les plus risqués et néfastes pour notre économie et notre pays.
Il n'est pas trop tard pour agir et rectifier le tir...

Fouad ZMOKHOL , Président du Rassemblement des dirigeants et chefs d'entreprise libanais dans le monde (RDCL World).

 

 

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L'échelle des salaires fait couler beaucoup d'encre depuis plus de cinq ans. Ce projet a été largement à la une des news et de tous les talk-shows télévisés. Il a également été le principal déclencheur de nombreux mouvements de protestation et de grèves syndicales. Et nous voilà au terme de ce périple épineux, mais l'on ne peut s'empêcher de s'interroger si c'est bien la fin de ce...

commentaires (1)

ah Mr Zmokhol. vous analysez vrai. vous demandez par contre l'impossible. avez vous jamais entendu dire qu'une mafia / association de criminels se soit jamais sabordee ?

Gaby SIOUFI

11 h 07, le 28 août 2017

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Commentaires (1)

  • ah Mr Zmokhol. vous analysez vrai. vous demandez par contre l'impossible. avez vous jamais entendu dire qu'une mafia / association de criminels se soit jamais sabordee ?

    Gaby SIOUFI

    11 h 07, le 28 août 2017

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