Si les relations entre les États-Unis et la Russie ont tendance à s'envenimer, ce n'est pas le cas en Syrie où les militaires des deux pays continuent à se parler sans sourciller bien que soutenant des camps opposés.
Pourtant, il y a quatre mois, début avril, Donald Trump faisait bombarder au missile de croisière une base aérienne en Syrie après une attaque à l'arme chimique attribuée au régime de Bachar el-Assad contre le village de Khan Cheikhoune, dans le nord-ouest de la Syrie.
Puis, en juin, l'armée américaine abattait un chasseur syrien et deux drones de fabrication iranienne qui menaçaient les forces de la coalition internationale qu'elle dirige contre l'État islamique. Mais pendant tout ce temps, gradés russes et américains ont continué à communiquer sur une base régulière, déclare-t-on de source autorisée côté américain.
Une partie de ces contacts permettent de matérialiser une ligne ("deconfliction line") sur les cartes qui sépare les forces soutenues par les États-Unis et celles soutenues par les Russes.
Il y a aussi un téléphone rouge qui relie les centres d'opérations aériennes des anciens ennemis de la Guerre froide. Dix à douze appels sont passés quotidiennement pour s'assurer que les avions de guerre russes et américains ne volent dans les mêmes secteurs et réduire ainsi les risques de confrontation.
Ce n'est pas une mince affaire compte tenu de la complexité de la guerre civile en Syrie.
Moscou soutient le gouvernement du président Bachar el-Assad, également aidé par des éléments chiites du Hezbollah et des milices envoyées par l'Iran. Washington soutient notamment les Forces démocratiques syriennes (FDS) - une alliance de combattants arabes et kurdes - et concentre sa puissance de feu contre l'État islamique, que la Russie dit également vouloir combattre.
Reuters a pu accéder la semaine dernière au lieu d'où l'US Air Force gère les communications avec la Russie, qui se trouve à l'intérieur de la "Combined Air Operations Area" d'Al-Oudeid, au Qatar, et s'entretenir avec deux linguistes de langue maternelle russe qui servent d'interface pour les discussions avec les commandants russes. La communication n'est certes pas aisée, mais les contacts perdurent de part et d'autre, dit-on du côté américain.
(Lire aussi : Retour à la surenchère entre Moscou et Washington après les sanctions)
Cordiaux et disciplinés
"En réalité, nous avons affronté quelques problèmes très difficiles et, en général, nous avons trouvé un moyen de maintenir la 'deconfliction line' et trouvé un moyen de continuer notre mission", déclare le général Jeffrey Harrigian, qui commande l'US Air Force dans la région.
Alors que chaque camp tente de s'emparer avant l'autre de ce qui reste du califat mis en place par l'État islamique, le risque de contact accidentel s'accroît.
"Nous devons négocier, et parfois, les appels téléphoniques sont tendus. Parce qu'il s'agit de nous protéger nous, nos partenaires de la coalition et de détruire l'ennemi", commente le général Harrigian.
Le risque d'erreur est clairement apparu en juin, quand les États-Unis ont abattu un Soukhoï SU-22 syrien qui se préparait à bombarder des forces soutenues par Washington sur le terrain.
L'avion américain et le SU-22 n'étaient pas les seuls sur zone, dit-on de source autorisée. Deux chasseurs russes ont observé la scène d'en haut tandis qu'un chasseur américain furtif F-22 observait le tout d'une altitude encore plus élevée.
Après cet incident, la Russie a fait savoir haut et fort qu'elle considérerait tout appareil volant à l'ouest de l'Euphrate comme une cible. Cela n'a pas empêché l'armée américaine de continuer à voler dans le secteur. Et de continuer à discuter avec la Russie.
"Les Russes sont très professionnels, cordiaux et disciplinés", commente le général Stephen Townsend, qui commande la coalition internationale contre l'EI à partir de l'Irak.
Au sol, des discussions sont en cours pour prolonger la ligne de démarcation qui sépare les combattants qui sont soutenus par les États-Unis de ceux qui sont dans le camp de la Russie alors que les combats vont se déplacer vers le dernier grand bastion de l'EI en Syrie, la région de Deir ez-Zor, maintenant que la bataille de Raqqa est bien entamée.
Cette ligne trace un arc irrégulier à partir d'un point au sud-ouest de Tabka à l'est jusqu'à un point de l'Euphrate puis le long du fleuve en direction de Deir ez-Zor, explique-t-on.
Le secrétaire américain à la Défense James Mattis, en visite en Jordanie cette semaine, a déclaré que la ligne était d'autant plus importante que les forces soutenues par les deux camps se rapprochaient sur le terrain.
"Nous ne faisons pas cela (communiquer) avec le régime (syrien)", a déclaré James Mattis. "C'est avec les Russes que nous traitons."
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Serait-ce un camouflet a certains descendants de droit divin ?
16 h 11, le 25 août 2017