Avec près d'une semaine de retard, les combattants des Brigades Ahl al-Cham quitteront le jurd de Ersal (notamment la région de Wadi Hmayed) ce matin vers la Syrie. Selon le directeur de la Sûreté générale Abbas Ibrahim, qui a conclu l'accord, les combattants seraient près de 350, mais ils devraient être accompagnés de leurs familles qui vivent dans les camps de déplacés installés autour de Ersal, et des civils qui souhaitent rentrer en Syrie.
Les combattants des Brigades Ahl al-Cham qui se partageaient le contrôle du jurd de Ersal avec les combattants de l'ex-Front al-Nosra avaient rapidement décidé de cesser de se battre, proposant de conclure avec le général Ibrahim un accord séparé. Le principe de l'accord avait été rapidement accepté. Les combattants des Brigades Ahl al-Cham avaient donc quitté le champ de bataille pour s'installer dans les camps auprès de leurs familles, tout en faisant barrage aux combattants de l'ex-Front al-Nosra.
Toutefois, l'accord pour leur évacuation a été retardé pour des raisons en rapport avec les autorités syriennes. En effet, une moitié des combattants souhaitaient s'installer dans les villages du Qalamoun-Ouest dont ils sont originaires, sous contrôle de l'armée syrienne, dans le cadre des réconciliations entre l'opposition et le régime, alors que l'autre moitié préférait se rendre à Rhaybé dans la Ghouta orientale, sous le contrôle de l'Armée syrienne libre. Ce qui exigeait une négociation particulière, les autorités syriennes étant réticentes à accepter le retour des déplacés et des combattants dans une zone couverte par le processus de désescalade adopté par les Russes et les Américains.
(Lire aussi : La foire aux inepties, l'éditorial de Issa GORAIEB)
Si tout se déroule comme prévu, l'opération d'évacuation devrait être achevée ce soir ou au plus tard dimanche. Ce qui devrait permettre de se concentrer sur la bataille contre les hommes de Mouaffak Abou el-Souss, responsable de Daech dans le jurd de Qaa et de Ras Baalbeck. À ce sujet, les préparatifs de l'armée libanaise sont pratiquement achevés. Deux brigades et trois unités de commandos sont déjà mobilisés pour mener la bataille, qui n'attend plus qu'un signal pour commencer. Mais le camp adverse se prépare aussi, surtout qu'il aurait reçu un surplus d'armes lourdes apportées par le (petit) groupe de combattants de l'ex-Front al-Nosra qui se sont ralliés à Daech. Mais les combattants n'en restent pas moins encerclés, du côté libanais par l'armée, et du côté syrien par l'armée syrienne et le Hezbollah.
Quoi qu'en disent les responsables politiques, la coordination des deux côtés de la frontière est inévitable, dans l'intérêt du déroulement de la bataille. Les experts militaires sont unanimes pour affirmer que deux forces qui combattent un même ennemi dans un espace géographique délimité sont obligées de coordonner entre elles. Par exemple, lorsque l'armée libanaise déclenchera son offensive, si l'armée syrienne et le Hezbollah ouvrent un second front, dans la portion syrienne du jurd, cela ne peut qu'affaiblir les combattants de Daech en les empêchant de concentrer toutes leurs forces d'un seul côté.
De même pour les combattants de Daech installés au milieu du jurd sur une superficie qui couvre la frontière entre le Liban et la Syrie. Si l'armée libanaise les refoule vers le côté syrien et si l'armée syrienne ne bouge pas à son tour, les combattants pourront attaquer à nouveau le Liban à travers la frontière et lancer leurs kamikazes contre les positions de l'armée libanaise, sachant que Daech ne respecte pas les frontières. Il s'agit donc d'une question purement technique qui n'a rien à voir avec les considérations politiques et les surenchères si prisées par les politiques libanais.
(Lire aussi : Pourquoi un dialogue avec la Syrie est utile pour le Liban, selon le Hezbollah, le décryptage de Scarlett HADDAD)
Selon des sources informées, au cours de la réunion du Conseil supérieur de défense à Baabda, ce point a été soulevé et les présents ont tous souhaité garder les décisions secrètes pour éviter justement qu'elles ne fassent l'objet de polémiques politiques. Le président de la République a déclaré à ses interlocuteurs que l'armée ne prend ses ordres ni du Hezbollah ni d'une autre partie quelle qu'elle soit, locale ou étrangère. Elle sait exactement ce qu'elle doit faire et comment elle doit mener la bataille dans l'intérêt du Liban et dans celui des soldats. Il aurait même conseillé aux différents services de ne pas trop tenir compte du débat politique pour se concentrer sur les détails de la bataille à venir, qui semble de plus en plus imminente.
En dépit des efforts déployés par le général Abbas Ibrahim, rien n'indique en effet pour l'instant que Daech serait prêt à négocier pour éviter la bataille du jurd de Qaa et de Ersal. Un médiateur s'est présenté récemment, mais il n'avait pas le sérieux requis pour entamer de véritables négociations, d'autant que Mouaffak Abou el-Souss a coupé court aux discussions, refusant même d'évoquer le cas des neuf militaires libanais enlevés le 2 août 2014, qui sont encore aux mains de son groupe. Selon certaines informations, il aurait reçu des instructions en ce sens venant de Raqqa et serait donc décidé à se battre jusqu'au bout. Les soldats libanais attendent les ordres pour lancer l'offensive, dans une bataille qui sera forcément difficile. Mais à l'intérieur du Liban, le cirque politique poursuit ses représentations.
Lire aussi
Le Conseil supérieur de la défense réaffirme son engagement auprès de la coalition internationale
Protections en tous genres, l'éditorial d'Issa GORAIEB
La bataille du jurd, deuxième partie : l’étonnant silence de Daech..., le décryptage de Scarlett HADDAD
commentaires (4)
Tous les Libanais, de Naqoura à Arida, connaissent tous les détails sur la prochaine bataille dans le jurd d'el-Kaa et Ras-Baalbek... D'où puisent-ils tous les détails stratégiques tenus secrets par l'état major ? Ont-ils déjà prévu le nombre des victimes dans les rangs de la vaillante armée libanaise ? Un peu de sérieux, SVP.
Un Libanais
12 h 32, le 12 août 2017