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La foire aux inepties

Insolente, et pourtant cousue de fil blanc, est la dernière en date des initiatives souveraines que se complaît à prendre, depuis des années, le Hezbollah.

Il ne s'agit plus cette fois, comme en 2006, d'embarquer tout le pays dans une guerre ruineuse avec Israël, ou encore de fouler aux pieds la politique officielle de distanciation en s'en allant faire le coup de feu aux côtés de la dictature syrienne. C'est à la roue de la paix, de la normalisation, de la coopération avec ce même et sulfureux régime en perte de légitimité que l'on pousse avec acharnement, depuis quelque temps déjà.

Ainsi, la milice pro-iranienne s'est longtemps égosillée à prêcher la nécessité, pour l'État libanais, de synchroniser avec Damas son action contre les bandes de l'État islamique campant à la frontière avec la Syrie. C'était en vain, décision ayant été prise en effet, il y a quelques jours, de laisser faire en solo l'armée nationale. Troquant le treillis contre le complet-veston, c'est par le biais de contacts formels libano-syriens que l'on voudrait maintenant forcer le destin. L'occasion de telles accolades était toute trouvée : ayant reçu des cartons d'invitation à la Foire internationale de Damas, un quarteron de ministres s'apprête à y répondre favorablement, pour ne pas dire avec enthousiasme. Et à le faire non point à titre personnel mais en leur pleine qualité de membres du gouvernement : cela sans évidemment se soucier de la règle de la cohésion gouvernementale, sans s'encombrer d'un quelconque assentiment de l'organe exécutif...

Pour tenter de justifier tant d'acharnement à ne pas rater le rendez-vous de la Foire, la milice avance toute une foule d'arguments qu'il faut bien – circonstances obligent – qualifier de... foireux. L'idée maîtresse en est que c'est le Liban qui a besoin de la Syrie, et non l'inverse. Il y a là un faux débat, nous dit-on d'emblée, puisque les deux pays entretiennent déjà des relations diplomatiques ; on oublie cependant qu'un simple échange d'ambassadeurs n'a jamais suffi à faire de bons voisins, à mettre fin aux flagrantes ingérences politiques comme aux attentats meurtriers : la mise en chantier du dernier en date de ces criminels projets ayant même été confiée à un ancien ministre libanais, actuellement sous les verrous. Qui a volé volera, qui a tué tuera encore ...

Le Liban, nous dit-on encore, ne peut exporter ses produits agricoles vers les pays du Golfe qu'à travers une frontière syrienne accueillante ; c'est oublier à nouveau le nombre incalculable de fois où cette même frontière a été arbitrairement fermée pour mettre à genoux les autorités de Beyrouth. Pas plus convaincante est la thèse selon laquelle un départ des réfugiés syriens installés au Liban n'est concevable qu'en accord et coordination avec le régime Assad, lequel se trouve être précisément le principal fabricant de réfugiés.

Alors pourquoi une rhétorique aussi tordue ? Parce que le parti de Dieu, fort d'une belle collection de faits accomplis, escompte visiblement gagner sur les deux tableaux. Que les visiteurs de la Foire passent comme lettre à la poste malgré les récriminations et ce sera, en même temps qu'un nouveau fait accompli, un début prometteur pour l'opération de normalisation. Que se déclare au contraire la tempête, et on pourra toujours recourir au vieux chantage à l'éclatement du gouvernement et au grippage des institutions. En attendant, cette affaire ne peut qu'embarrasser le chef de l'État, dans la mesure où elle ne fait aucun cas des principes énoncés dans son discours d'investiture. Elle risque surtout de mettre à rude épreuve les alliances proprement contradictoires contractées par le président avec, d'un côté, le Hezbollah, et, de l'autre, les Forces libanaises de Samir Geagea.

Deux pastèques dans la même main, encore un truc d'attraction foraine...

 

Issa GORAIEB
igor@lorientlejour.com

Insolente, et pourtant cousue de fil blanc, est la dernière en date des initiatives souveraines que se complaît à prendre, depuis des années, le Hezbollah.
Il ne s'agit plus cette fois, comme en 2006, d'embarquer tout le pays dans une guerre ruineuse avec Israël, ou encore de fouler aux pieds la politique officielle de distanciation en s'en allant faire le coup de feu aux côtés de la...