Alors que le débat sur l'opportunité de renouer un dialogue officiel avec le régime syrien envenime le climat politique, des sources proches du Hezbollah considèrent qu'il s'agit d'une bataille d'arrière-garde, la situation sur le terrain ayant dépassé ces considérations.
Les sources proches du Hezb commencent par rappeler que cette formation est celle qui a le plus souffert du poids de la tutelle syrienne sur le Liban. Depuis la tuerie perpétrée par l'armée syrienne contre la caserne Fathallah du Hezbollah en 1987, les relations entre le pouvoir à Damas et la formation chiite étaient particulièrement tendues, au point que la Syrie rejetait la participation du Hezbollah aux gouvernements qui se sont succédé depuis l'adoption de l'accord de Taëf (en 1991) jusqu'en 2005. Ce n'est d'ailleurs qu'une fois que les soldats syriens se sont retirés du Liban en avril 2005 que le Hezbollah a commencé à être présent sur la scène politique interne. À cette époque, certaines parties politiques le poussaient d'ailleurs à combler le vide laissé par l'armée syrienne, mais le Hezbollah a refusé de devenir une sorte de « parrain » des Libanais et d'intervenir dans toutes les questions, petites et grandes, internes. Ses priorités sont au nombre de deux, qui se rejoignent d'ailleurs : la lutte contre Israël qui occupe encore une portion de territoire libanais et dont le projet pour le Liban et la région vise, à ses yeux, l'effritement des entités nationales au profit d'entités confessionnelles et ethniques en lutte permanente entre elles, et l'opposition au plan global de provoquer des affrontements confessionnels dans la région pour renforcer Israël.
C'est dans cet objectif que le Hezbollah, selon les sources précitées, a choisi d'intervenir dans la guerre en Syrie, aux côtés du régime syrien. Il s'agissait d'abord d'empêcher que l'incendie arrive jusqu'à lui et jusqu'à son environnement populaire, ainsi qu'au Liban en général, et ensuite de faire obstruction au projet de diviser la Syrie en entités en guerre, portant ainsi un coup fatal à l'axe dit de la résistance, qui lui assure une profondeur stratégique. Ce n'était pas évident au début, en raison d'une certaine animosité entre le Hezbollah et le régime syrien, alors que la plupart des parties libanaises qui se sont retournées contre le régime syrien entretenaient au départ avec lui de bonnes relations.
Pour le Hezbollah donc, l'intérêt stratégique primait sur les autres considérations. C'est dans ce contexte qu'il a participé à la guerre en Syrie, allant là où la bataille était la plus difficile et revenant à chaque fois couronné de lauriers. Cette participation à la guerre en Syrie lui a même donné le statut de force régionale et elle a permis d'établir une relation nouvelle entre le régime syrien et lui. Désormais, Damas ne peut plus imposer sa volonté et au contraire, la coordination avec le Hezbollah est basée sur le respect et l'échange. Dans un de ses discours, le secrétaire général, Hassan Nasrallah, a d'ailleurs fait allusion à cette approche nouvelle en laissant entendre que la relation qui existe désormais entre son parti et le régime syrien peut être utilisée dans l'intérêt du Liban. En d'autres termes, même si le régime reprend de la puissance à l'intérieur de son pays, il n'y a plus de risques d'un retour en arrière avec le Liban, le Hezbollah étant prêt à convaincre ses interlocuteurs syriens de ne plus se mêler des affaires internes libanaises.
Toujours selon les sources proches du Hezbollah, ce dernier n'a en réalité aucun intérêt au retour d'une éventuelle tutelle syrienne et lorsqu'il propose de mener un dialogue avec le régime syrien, il a en tête les intérêts du Liban.
Les sources proches du Hezbollah estiment en effet que désormais, une « normalisation » des relations entre Damas et Beyrouth est dans l'intérêt du pays du Cèdre, le régime syrien n'ayant pas vraiment besoin d'être reconnu par le Liban, puisque de nombreux pays sont en train de revoir leurs relations avec lui, comme la Tunisie et l'Égypte, en dépit des pressions saoudiennes et émiraties sur le président Sissi. Par contre, le Liban a besoin de la Syrie, d'abord pour assurer le courant électrique dans certaines de ses régions (le Liban a augmenté la quantité d'électricité achetée en Syrie, qui est désormais de 300 mégawatts), ensuite pour écouler ses productions agricoles vers l'intérieur arabe, sachant que les transports maritimes et aériens sont plus coûteux et plus difficiles. Le Liban a aussi besoin de la Syrie pour discuter du retour des déplacés syriens sur leur terre, sachant qu'en raison du fait que c'est l'armée syrienne qui se trouve désormais de l'autre côté de la frontière libanaise, si le Liban prend une décision unilatérale, les Syriens peuvent refouler les déplacés.
Tous les Libanais souffrent aujourd'hui du poids de la présence des déplacés syriens, en raison de leur nombre incroyable en comparaison avec le nombre de Libanais, et de leur éparpillement dans toutes les régions du pays. Chaque jour, des frictions et des incidents ont lieu, et si les forces de l'ordre n'intervenaient pas, la situation s'envenimerait encore davantage.
Ce dossier est donc devenu une priorité. Plus il tarde à être réglé et plus les problèmes deviendront complexes... Pour toutes ces raisons, et pour d'autres encore, les sources proches du Hezbollah estiment que les parties qui s'opposent à un dialogue avec le régime syrien placent les intérêts des Libanais derrière leurs intérêts politiques.
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commentaires (13)
En tout cas on a jamais vu cette "animosité" entre le Hezbollah et bachar.. 1987 c'est trop loin ... je sais qu'il y a eût des tensions à certains moments entre le Hezb et la syrie mais ça c'etait après 2011. Apres je suis d'accord avec le fait que parler à la syrie serait bénéfique pour le Liban, et que le Hezbollah qui parle désormais d'égal à égal avec bashar, pourra faire en sorte que le Liban tout entier ne soit pas affecté par les éventuelles mauvaises intentions syriennes. (Il s'agit de politique dont parle scarlett, donc aucun rôle à jouer pour l'armée)
Chady
16 h 58, le 12 août 2017