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Liban - Permutations judiciaires

Chucri Sader demande la terminaison de ses services

Le président de la commission de l'Administration et de la Justice s'élève contre la mesure prise à l'encontre du président sortant du Conseil d'État.

Présidée par Robert Ghanem, la commission parlementaire de l’Administration et de la Justice a dénoncé « une dérive vers un clientélisme politique ».

L'ancien président du Conseil d'État, Chucri Sader, qui, sur proposition du ministre de la Justice Salim Jreissati, a été muté la semaine dernière à la tête d'une chambre près la Cour de cassation pour être remplacé à son poste par un magistrat venu du pénal et proche du CPL, vient de demander au Conseil des ministres, via le ministère de la Justice, la terminaison de ses services.
La démarche de M. Sader s'explique sans doute par des motifs que le député Robert Ghanem, président de la commission parlementaire de l'Administration et de la Justice, a énumérés hier pour dénoncer « une dérive vers un clientélisme politique ».

La commission que Robert Ghanem préside a décidé d'écouter les explications de M. Jreissati au sujet des raisons qui l'ont poussé à réclamer au Conseil des ministres le transfert de M. Sader. Elle s'était réunie hier pour poursuivre l'examen du projet de loi relatif à l'Inspection centrale, mais elle s'est arrêtée sur les permutations judiciaires décidées récemment en Conseil des ministres et en vertu desquelles le président du Conseil d'État, Chucri Sader, a été remplacé à son poste par le juge Henri Khoury, proche du courant politique auquel M. Jreissati appartient.

 

(Portrait : Chucri Sader prend « les décisions qu'il faut, quitte à perdre la face »)

 

M. Ghanem, qui s'est exprimé au nom de la commission au terme de la réunion, a exprimé des inquiétudes quant au procédé adopté et dénoncé des tentatives d'atteinte à l'autonomie de la justice. « Lors d'une réunion précédente en présence du ministre de la Justice (Salim Jreissati), nous avions mis en garde le ministère de la Justice contre une dérive vers le clientélisme politique, a déclaré M. Ghanem. Cet avertissement était notamment justifié par une déclaration du ministre de la Justice qui avait accusé les députés de s'en prendre gratuitement au ministre de l'Énergie et de l'Eau dans l'affaire des bateaux-centrales dont les médias avaient fait écho », a rappelé le député, avant d'ajouter : « Aujourd'hui, nous constatons que le gouvernement s'immisce dans la justice. Des tentatives consternantes de neutraliser l'autonomie de la justice sont en train d'être menées. Lorsqu'elle mute le président du Conseil d'État, sans raison valable et sans qu'il n'ait commis d'infractions, vers un autre poste, l'autorité politique serait en train de porter un coup à l'autonomie de la magistrature qui est fondamentale. »

Robert Ghanem a insisté sur le fait que « la question est trop grave », expliquant qu'il appartient au Conseil supérieur de la magistrature et non pas à l'autorité politique de procéder aux permutations judiciaires. « Il est vrai que c'est le Conseil des ministres qui nomme et qui change (les magistrats), mais il n'agit pas sans raisons, d'autant que les juges ont une sorte d'immunité, notamment à ce niveau, conformément à l'article 20 de la Constitution. Celle-ci stipule que "le pouvoir judiciaire fonctionnant dans les cadres d'un statut établi par la loi et assurant aux juges et aux justiciables les garanties indispensables est exercé par les tribunaux des différents ordres et degrés. La loi fixe les limites et les conditions de l'inamovibilité des magistrats. Les juges sont indépendants dans l'exercice de leur magistrature". » « Lorsqu'un juge sent que l'autorité politique ne le suit pas, il devient incapable de prendre ses décisions, et c'est extrêmement dangereux », a averti M. Ghanem qui a « tiré la sonnette d'alarme en raison de l'effet domino de ce problème ».
« Je demande à toutes les autorités et notamment au président de la République de mettre un terme à ce genre de comportement qui porte atteinte à la magistrature, sa crédibilité et son autonomie, et, par voie de conséquence, aux institutions et aux droits du public », a poursuivi M. Ghanem avant d'annoncer que la commission qu'il préside a « décidé de convoquer le ministre concerné pour écouter ses explications sur la question ainsi que sur un autre dossier qui est celui du scandale des médicaments pour le traitement du cancer ». M. Ghanem a rappelé que l'Inspection centrale a transféré le dossier à la justice « qui ne s'est toujours pas penchée » sur l'affaire.

 

(Pour mémoire : Un train de permutations et nominations quasi monochromes en Conseil des ministres)

 

Samy Gemayel : Assujettir l'autorité judiciaire
Le député Samy Gemayel, également chef du parti Kataëb, a dénoncé à son tour des tentatives d'assujettir l'autorité judiciaire. Sur son compte Twitter, il a écrit, hier : « Si le juge Chucri Sader était fautif, il n'aurait pas été nommé président de chambre près la Cour de cassation. Le plan d'assujettissement de l'autorité judiciaire se poursuit », a poursuivi le député qui a affirmé « se tenir aux côtés des magistrats libres dans cette épreuve de force ».

 

Pour mémoire 

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commentaires (4)

Il n'appartient pas aux âmes communes de juger les grandes âmes. Où étaient ses gens là durant le règne Syrien où toutes sortes de bavures ont été commises sous leurs propres yeux. Laissez ce régime travailler et laissez le tranquille avec vos médisances et clabaudages haineux. Comme disait De Gaulle: “Comment voulez-vous gouverner un pays où il existe 258 variétés de fromage ?” C’est purement négatif de toujours remettre tout en cause, c’est, en somme, la marque des faibles, des incapables. Donnons lui sa chance et puis on verra.

TOUFIC ALEXIS KABBOUCHE

18 h 26, le 08 août 2017

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Commentaires (4)

  • Il n'appartient pas aux âmes communes de juger les grandes âmes. Où étaient ses gens là durant le règne Syrien où toutes sortes de bavures ont été commises sous leurs propres yeux. Laissez ce régime travailler et laissez le tranquille avec vos médisances et clabaudages haineux. Comme disait De Gaulle: “Comment voulez-vous gouverner un pays où il existe 258 variétés de fromage ?” C’est purement négatif de toujours remettre tout en cause, c’est, en somme, la marque des faibles, des incapables. Donnons lui sa chance et puis on verra.

    TOUFIC ALEXIS KABBOUCHE

    18 h 26, le 08 août 2017

  • La terminaison du juge Chucri Sader ressemble à la démission récente du général Pierre de Villiers, chef d'état-major de l'armée française. Chucri Sader a démontré la grandeur de sa fonction de juge et le général de Villiers a démontré la grandeur d'un militaire.

    Un Libanais

    09 h 10, le 08 août 2017

  • Bloquer les institutions de l'Etat durant deux ans et demi pour mettre à la tête du pays un Président qui vire petit-à-petit vers l'Etat "panurgien" de Béchara el-Khoury et ses élections célèbres du 25 mai 1947, tout cela est extrêmement déplorable et dangereux. Attention à la suite !

    Un Libanais

    08 h 49, le 08 août 2017

  • Excellent plaidoyer du président de la Commission parlementaire de l’Administration et de la Justice, M. Robert Ghanem, en faveur de l’indépendance de la Justice. Cela nous conforte dans l’idée que l’Etat de droit au Liban peut renaitre de ses cendres. Mais, reste une question: comment réparer le grave préjudice moral subi par le président sortant du Conseil d’Etat, Chucri Sader, «muté sans raison valable et sans qu'il n'ait commis d'infractions, vers un autre poste»?

    Citoyen volé

    03 h 21, le 08 août 2017

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