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Culture - Théâtre

Dédiaboliser le cancer chez les femmes arabes

Lina Abiad met en scène « Wassafouly el-sabre » pour dépister ces tabous qui rongent nos sociétés et briser les chaînes du silence et de la peur...

En devisant sur un sujet d’une brûlante actualité, les langues se délient, les situations s’éclaircissent, l’alerte est donnée, l’aide est proposée, les thérapies suggérées... Photo Noura Andrea Nassar

Wassafouly el-sabre (On m'a conseillé la patience... bonjour la chanson culte d'Oum Koulsoum !), une pièce sombre mais non dénuée de lumière, sobrement mise en scène par Lina Abiad et courageusement écrite, selon de vrais témoignages, par Abir Hamdar. Un moment dur mais nécessaire sur le cancer et les femmes arabes...

Dans une salle d'attente, comme un espace de limbes, un groupe de femmes assises et un homme, pour parler de cette « maladie ». Maladie que souvent on ne nomme pas, non parce qu'elle est honteuse, mais parce qu'elle est implacablement redoutable.

Le cancer dans tous ses états frappe ici les filles d'Ève en pays d'Orient. Pays déglingués pour une Syrie dépecée, un Irak démantelé et un Liban écharpé. Par-delà tous les traumatismes de guerre, un constat pour briser les tabous, vaincre la peur et rompre la chaîne du silence.

Aujourd'hui, la science et la médecine ont vertigineusement évolué. Le cancer s'est banalisé certes, mais lui faire face nécessite toujours du courage, de la détermination, de l'appétit de vivre, de la volonté de triompher et d'éradiquer un mal, sournois ou subit comme une guerre éclair, qui ronge impitoyablement.

Tout commence par cette femme à qui on rase le crâne sous le spot. Et les cheveux coupés inondent le sol en touffes molles et perdues. Commence alors une douloureuse mais lucide investigation puis une exploration serrée de ce mal qualifié autrefois d'incurable, qui frappe l'humanité, pris ici sous l'angle exclusivement féminin. La gorge nouée, tout passe dans cette séance d'une vivacité parfois hilarante, teintée d'un humour particulier, pour exorciser tous les démons qui hantent les esprits et les corps. Et empoisonnent une vie, déstabilisent conjugalité, famille et carrière.

Une pointe d'humour
Pas exactement une dramaturgie au sens conventionnel du terme mais une approche de scène originale pour un discours partagé entre quelques actrices, toutes impeccables et touchantes dans leur diction et récit. On cite ici : Nimaa al-Ward, Alia Khalidy, Dima al-Ansary, Soha Choucair, Saif Ahmad, Hiba Sleiman, Lina Abiad et May Ogden Smith. En devisant sur un sujet d'une brûlante actualité, les langues se délient, les situations s'éclaircissent, l'alerte est jetée, l'aide est proposée, les thérapies suggérées, la rémission perçue, la rechute envisagée, la lutte jamais abandonnée, bref, la maladie dédiabolisée...
Et pointe, non seulement un sein nu charcuté, au téton dessiné, mais un certain humour insoupçonné devant la panique, l'acceptation ou l'hystérie des malades dépassées par ce qui leur arrive...

Un discours sans fioriture, presque un paquet de mots violents (mais en fait d'un réalisme tout simplement souvent évité !) jeté à la face des spectateurs, pour cerner ce mal qui détruit des vies, ébranle des relations, discrédite tout parcours sans nuage. Le diagnostic social, dans ses fuites, ses cachotteries, ses craintes, ses angoisses et ses phobies, est clairement établi.

Affrontement lucide avec le cancer sous tous ses aspects (chimiothérapie, ablations, rayons, piqûres, pilules et la liste des traitements est longue et pénible) pour toucher à nouveau les rives d'une vie saine, sans tumeurs, glandes hypertrophiées ou sang vicié. Pour une renaissance diraient les rescapés !

C'est avec un vif intérêt qu'on écoute ces propos percutants, qu'on tente par ailleurs d'occulter et d'éloigner telle une coupe amère. Comme assister, de sang-froid, à une chirurgie sous bistouri et sans anesthésie.
Dans ce voyage mouvementé non sans périls et turbulences inattendues, dans cette attente fébrile, tendue, cauchemardesque ou résignée pour recouvrer la « normalité », le théâtre s'investit d'une profonde mission humaine et humanitaire : éclairer, consoler et apaiser.

Un exposé mené tambour battant où l'on rit et s'émeut. Pour une vraie leçon de courage, d'entraide, de compassion. Un excellent travail de théâtre d'information, de transparence et de thérapie !

 

Théâtre al-Madina
« Wasafouly el-sabre » (On m'a conseillé la patience) de Abir Hamdar, mise en scène par Lina Abiad, les 28, 29 et 30 juillet 2017, à 20h30.

 

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