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Liban - La vendetta au Liban

II - « La vie de mon fils en vaut trois autres »

Les actes de vendetta au Liban se font rares, mais ils reviennent en certaines circonstances sur le devant de la scène. Dans une série d'articles, « L'Orient-Le Jour » rouvre le dossier de la vendetta au Liban afin d'en analyser toute la dimension et ses racines.

Illustration Ivan DEBS

Le mardi 24 mai 2016, à l'aube, le corps de Hussein Hojeiry est retrouvé à proximité de la tombe du soldat-martyr Mohammad Hamiyé (22 ans), à Taraya, dans la Békaa. Quelques heures plus tard, Maarouf Hamiyé, père du soldat – pris en otage par le Front al-Nosra le 2 août 2014 puis tué le 19 septembre –, revendique cet assassinat. Et pour cause : la victime est le neveu d'Abou Takiyé, de son vrai nom Moustapha Hojeiry, connu pour être très proche du Front al-Nosra, responsable de l'assassinat du militaire. Il avait joué un rôle de médiateur dans la libération, en décembre 2016, des militaires libanais pris en otages par le Front al-Nosra.

Traîné par Maarouf Hamiyé, Hussein Hojeiry tombe à genoux devant la tombe du soldat Mohammad Hamiyé. « Mohammad ! Mohammad ! » s'écrie-t-il. Il venait d'obéir à l'ordre de Maarouf Hamiyé qui le sommait d'appeler à voix haute son fils. La voix de Hussein Hojeiry résonne dans le vide. Le silence reste lourd. L'appel du sang est plus fort. Le père de Mohammad Hamiyé tire sur Hussein Hojeiry. Il le tue sur le coup.

« Je lui ai demandé d'appeler mon fils justement parce que je savais qu'il ne répondrait pas, parce que les morts ne reviennent jamais », raconte Maarouf Hamiyé, dans une tentative de justifier sa démarche. Joint au téléphone par L'Orient-Le Jour, M. Hamiyé retrace brièvement, par des mots saccadés, l'acte qu'il a accompli pour venger son fils Mohammad.

Jamais Maarouf Hamiyé n'avait imaginé qu'il arriverait un jour à tuer. « C'est le chemin que Dieu m'a tracé, et je le prends volontiers », répète-t-il comme s'il s'agissait d'une prière. « J'ai attendu deux ans que la justice prenne son cours, mais l'État a manqué à son devoir et a, de surcroît, tendu la main à Abou Takiyé et à la famille Hojeiry qui est responsable de l'assassinat de mon fils », déplore le père du soldat.
« J'aurais pu assassiner n'importe quel membre de la famille Hojeiry, mais je ne suis pas injuste comme le sont les terroristes, souligne-t-il. J'ai patienté jusqu'à ce que je sois tombé sur Hussein Hojeiry qui est impliqué dans l'exécution du soldat Ali Bazzal et de Mohammad Hamiyé, dans la prise en otage des militaires (en août 2014) ainsi que dans les batailles de Ersal », s'indigne M. Hamiyé qui dit avoir des preuves qui pourraient confirmer ses propos.

Criminel aux yeux des autorités libanaises, Maarouf Hamiyé, qui revendique ouvertement son acte, ne se considère pas pour autant comme un criminel. « Je suis fier et profondément fier d'avoir vengé mon fils, je n'éprouve aucun regret à aucun moment. J'éprouverais du regret le jour où j'ôterais la vie à un innocent. Les Hojeiry, par contre, sont les chefs des terroristes », martèle-t-il.

 

(Lire le précédent article : La vendetta au Liban, ou lorsque les morts tuent...)

 

 

Trois contre un...
Tranquille ? « Oui, mais pas totalement », relève M. Hamiyé. D'une voix moins rude, plutôt docile, Maarouf Hamiyé souligne encore une fois : « Je n'ai jamais tué un homme de ma vie, mais j'avais constamment le sang en ébullition et le cœur rongé par une profonde douleur. » Il s'arrête un moment, comme s'il faisait appel à des souvenirs, avant de balbutier : « J'ai perdu un fils, voyez-vous. »

Fugitif et recherché par la justice, Maarouf Hamiyé garde l'œil sur la région de Ersal. « Les comptes ne sont pas encore définitivement réglés », affirme-t-il d'un ton sévère. Pour le père du soldat assassiné, l'équation de l'échange de morts qui, conformément à la coutume, se traduit par une vie ôtée contre une autre, ne tient pas. « La vie de mon fils vaut trois autres : celle de Hussein Hojeiry déjà prise, celle de l'ancien président du conseil municipal Abou Ajiné, et surtout et avant tout celle de Abou Takiyé, que je prendrai bientôt »...

Prochain article : La médiation entre tribus rivales, tout un rituel...

 

 

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ON DIRAIT LES TRIBUS ANTHROPOPHAGES DES JUNGLES LES PLUS ELOIGNEES...

LA LIBRE EXPRESSION

09 h 16, le 07 juillet 2017

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Commentaires (1)

  • ON DIRAIT LES TRIBUS ANTHROPOPHAGES DES JUNGLES LES PLUS ELOIGNEES...

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 16, le 07 juillet 2017

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