Lundi, le président de la Chambre a sorti un nouveau lapin de son chapeau, avec cet art de la surprise qu'il maîtrise si bien. Dans sa conférence de presse, il a surtout voulu répondre aux développements du week-end et couper court à toute tentative d'aboutir à un vide parlementaire qu'il soupçonne d'aucuns de rechercher, sans le déclarer ouvertement.
Samedi soir, le président de la Chambre attendait donc la promulgation du décret d'ouverture d'une session extraordinaire du Parlement, après avoir écouté le discours du secrétaire général du Hezbollah qui semblait considérer cette décision de l'exécutif comme acquise et après avoir contacté le chef de l'État et le Premier ministre, qui lui avaient assuré, selon ses dires, que le décret était pratiquement préparé. Mais comme le décret tardait à voir le jour, il a décidé de reporter la séance parlementaire prévue le lundi 29 mai au 5 juin, c'est-à-dire après la fin de la session ordinaire qui expire le 31 mai. M. Berry a ainsi contourné l'écueil de l'ouverture d'une session parlementaire extraordinaire par l'exécutif en décidant que le Parlement avait un mois de plus de session ordinaire en raison de la décision du chef de l'État de suspendre ses activités pour un mois en période de session ordinaire. Autrement dit dans son calendrier, après l'utilisation par le président Aoun des prérogatives que lui accorde l'article 59 de la Constitution, la session ordinaire du Parlement devrait donc expirer le 30 juin. Il s'agit en fait d'une interprétation de la Constitution, basée sur une jurisprudence essentiellement française et sur le fait qu'au Liban le régime est une démocratie parlementaire, le Parlement étant en réalité la source des pouvoirs, avec en plus le respect du principe de la séparation des pouvoirs entre l'exécutif, le législatif et le judiciaire. Cette approche a beau ne pas faire l'unanimité et être contestée par des professeurs de droit constitutionnel, Nabih Berry a malgré tout réussi son coup, celui de susciter un débat qui, au final, retire au chef de l'État et à l'exécutif en général la menace de la vacance parlementaire pour exercer des pressions sur le président de la Chambre et le pousser à accepter les exigences de l'alliance CPL-courant du Futur. Pourtant, il faut préciser que les sources proches du CPL affirment que celui-ci n'a jamais voulu de la vacance parlementaire, se contentant d'utiliser cette menace pour pousser les différentes parties à s'entendre sur une nouvelle loi électorale.
Le CPL a, en tout cas, estimé que le président de la Chambre a mis l'exécutif devant le fait accompli en convoquant une séance parlementaire le 5 juin, alors que le décret de l'ouverture d'une session parlementaire extraordinaire n'a pas encore été promulgué. D'ailleurs, le retard dans cette promulgation est justement dû à cette volonté du président de la Chambre de contourner les pouvoirs de l'exécutif. De son côté, M. Berry a justifié sa démarche en précisant qu'il n'avait pas le choix car il devait trancher le sort de la séance du 29 mai 48 heures avant la date fixée.
Pour consolider sa position, chaque camp a ses arguments, ses experts et ses alliés. Mais ce débat technico-politico-constitutionnel ne fait que mettre l'accent sur le profond conflit qui oppose le chef de l'État et son camp, d'un côté, au chef du Parlement et à son camp, de l'autre. Entre les deux, le conflit est vieux, avec des pics et des périodes de trêve. Mais il s'est envenimé depuis l'élection présidentielle lorsque le chef du Parlement a clairement déclaré son opposition à l'élection de Michel Aoun à la présidence. Selon les sources de Aïn el-Tiné, le président de la Chambre a toutefois tendu la main au nouveau président après l'élection et il était prêt à ouvrir une nouvelle page dans les relations entre les deux plus hautes fonctions de l'État. Mais, selon lui, cette main tendue n'a pas été saisie. Au contraire. Du côté du CPL, on dément cette version, se contentant de préciser qu'à chaque dossier épineux, le nouveau mandat se heurte d'une façon ou d'une autre à l'opposition du président de la Chambre.
Ce conflit, tantôt larvé et tantôt ouvert, n'a cessé de peser sur les six premiers mois du mandat présidentiel, mettant en difficulté le Hezbollah tiraillé entre ses deux alliés.
Aujourd'hui, le camp du chef de l'État possède deux cartes importantes contre le chef du Parlement, la première est celle de la menace de la vacance parlementaire qui serait un coup pour toutes les institutions, mais en particulier pour le président de la Chambre, et la seconde est celle du vote au Conseil des ministres. Toutefois, ces cartes ne sont pas évidentes car les conséquences de leur utilisation seraient graves pour l'ensemble du pays. Du côté du président de la Chambre, ses éléments de force sont d'une part son expérience de la vie parlementaire et sa capacité à imaginer des solutions inédites, et, d'autre part, le soutien du Hezbollah qui ne veut pas entendre parler d'un conflit interchiite à l'heure actuelle. Mais lui aussi ne peut pas trop les utiliser, car, d'une part, « les lapins constitutionnels » font l'objet de polémiques et, d'autre part, le Hezbollah ne veut pas remettre en cause son alliance avec le CPL et le chef de l'État.
Au final, les deux camps sont obligés de trouver un accord au sujet d'une nouvelle loi électorale. Toute autre alternative serait destructrice pour toutes les parties. Le tout est de savoir à quel moment les inévitables concessions des deux camps seront présentées... Déjà, le chef du CPL a déclaré hier qu'il n'y avait pas de conflit au sujet de l'ouverture d'une session extraordinaire du Parlement, et à l'iftar de Baabda demain soir, il est probable que des rencontres bilatérales puissent assainir l'atmosphère entre les protagonistes.
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commentaires (7)
Yaani la loi electorale en preparation est comme sahen tabbouleh, chacy y met du sien....Ya haram, c est ca la democratie????
IMB a SPO
21 h 27, le 31 mai 2017