« Ce n'est pas la première fois, et ça ne sera probablement pas la dernière. L'État islamique nous vise directement et rien n'est fait pour nous protéger. » Tel est le bilan de Mina Thabet, chercheur et militant copte à la Commission égyptienne pour les droits et libertés, interrogé par L'Orient-Le Jour. Hier, au moins 28 personnes, dont de nombreux enfants, ont été tuées par des hommes armés et masqués alors qu'elles se rendaient en bus dans un monastère copte. Cette nouvelle attaque n'a pas été revendiquée dans l'immédiat, mais elle intervient alors que la branche égyptienne du groupe jihadiste État islamique (EI) mène depuis plusieurs mois une campagne contre la minorité copte. Selon le ministère de l'Intérieur, les assaillants étaient à bord de trois pick-up quand ils ont attaqué le bus qui amenait les passagers au monastère Saint-Samuel, dans la province de Minya, à plus de 200 km au sud du Caire. Ils ont ensuite pris la fuite. Estimés à près de 10 % de la population, les coptes d'Égypte sont devenus les principales cibles de l'EI qui multiplie, depuis plusieurs mois, les attaques.
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Semer la discorde
Depuis six mois, l'EI a revendiqué des attentats-suicide contre deux églises coptes qui ont fait 45 morts au nord du Caire début avril et une autre attaque-suicide contre une église en plein cœur de la capitale (29 morts) en décembre. Derrière ces attaques à répétition, l'État islamique applique une méthode bien connue : diviser pour mieux régner. Son but : semer la discorde au sein de la société égyptienne. « En s'en prenant spécifiquement à des chrétiens, l'EI cherche à diviser la société égyptienne selon une ligne de fracture confessionnelle », explique Clément Steuer, chercheur au Cedej, interrogé par L'Orient-Le Jour.
Aux sources de cette stratégie, la région du Sinaï. Depuis la destitution du président islamiste Mohammad Morsi en 2013, une branche égyptienne de l'EI y sévit, attaquant régulièrement les forces de sécurité. D'abord réduite au Sinaï, la lutte s'est vite voulu régionale. Dans une vidéo du 19 avril, l'EI a promis de porter sa « lutte » jusque dans les rues du Caire. Baptisée « État islamique en Égypte », l'organisation entendait désormais s'implanter au cœur du territoire égyptien. Pour l'État islamique, les coptes d'Égypte représentent ainsi la cible parfaite. Qualifiés de « croisés » par les jihadistes, ils deviennent les alliés de l'Occident que l'EI se doit d'abattre.
Attaquant désormais les centres urbains, les jihadistes espèrent entretenir les haines communautaires, notamment de la part de certains Égyptiens qui reprochaient aux coptes d'avoir contribué à la destitution des Frères musulmans. « Les autorités religieuses chrétiennes ont en effet appuyé le renversement de Morsi le 3 juillet 2013, mais se sont tenues aussi aux côtés des institutions religieuses musulmanes », explique Clément Steuer.
(Pour mémoire : L'EI en Egypte conseille aux musulmans d'éviter les rassemblements coptes)
Abandon ?
Face aux séries d'offensive du groupe EI, la réponse des autorités égyptiennes s'est voulue ferme. Suite à l'attaque d'hier, les forces égyptiennes ont indiqué avoir frappé plusieurs cibles jihadistes, le président Abdel Fattah al-Sissi affirmant avoir attaqué un des camps d'entraînement terroristes. L'aviation égyptienne a également mené hier six frappes contre des « camps d'entraînement terroristes » en Libye, a indiqué la télévision d'État. Selon la chaîne, des camps d'entraînement jihadistes auraient été frappés dans la ville de Derna, dans l'Est libyen.
Lors de la double attaque des Rameaux, le dirigeant égyptien avait proclamé l'état d'urgence pour trois mois afin d'empêcher toute nouvelle attaque. Mais pour certains coptes, ces mesures sont vaines. Mina Thabet, militant arrêté en 2016 par le pouvoir égyptien, déplore les mesures du régime : « Ça ne sert à rien de répondre à ces attaques par des mesures uniquement sécuritaires. Il faut faire en sorte que les discours de haine des politiques, les discriminations cessent. Il faut tenir les promesses. Aujourd'hui, rien n'a été fait pour nous aider, et probablement rien ne sera fait dans les années à venir. »
Pour mémoire
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Repère
Le dieu Aton ...va brûler au 21ème siècle , tous ces imbéciles de la sous culture du moyen âge ...
15 h 04, le 27 mai 2017