Hier, après l’attentat-suicide perpétré en l’église copte Mar Girgis, à Tanta. Photo AFP
Ce dimanche devait être une fête. Celui des Rameaux, célébrant l'entrée de Jésus dans Jérusalem, à l'aube de la semaine sainte. En ce jour symbolique, les églises en Égypte étaient pleines. On s'était mis sur son 31 et on avait paré les enfants de leurs plus beaux atours pour aller à la messe.
À Tanta, ville à 120 km au nord du Caire, l'archevêché avait même fait faire des tresses en feuilles de palmiers pour décorer l'autel et les allées. Dans l'église copte orthodoxe Saint-Georges, l'une des plus importantes de la région, les chrétiens étaient venus nombreux pour se recueillir : près de 950 personnes avaient pris place dans le chœur, face à celui qu'on appelle affectueusement « archevêque Daniel ».
À 9h43 heure locale, en pleine prière, alors que les fidèles entonnent « Seigneur, sauve-nous », une bombe explose près de l'autel, côté hommes. A l'intérieur, au moins 27 personnes sont tuées et 78 autres sont gravement blessées.
Une détonation, des cris et un sentiment de déjà-vu ébranlent alors la cinquième ville d'Égypte. Car cette attaque ressemble en tous points à celle perpétrée quatre mois plus tôt au Caire, dans l'église Saints-Pierre-et-Paul, qui avait coûté la vie à 28 personnes, majoritairement des femmes et des enfants. À l'époque, la communauté chrétienne réclamait déjà une meilleure protection de ses lieux de culte, en particulier les jours de grandes célébrations. Une demande restée lettre morte à Tanta.
(Repère : Les attentats contre les lieux de culte des chrétiens d'Orient)
Sécurité poreuse
« Comment cette bombe a pu entrer à l'intérieur, il n'y a qu'une seule porte et il y a un portique de sécurité, comment elle est rentrée ? L'église est énorme et la bombe a détruit l'intérieur de part en part, elle était donc très grosse, assez grosse pour être trouvée par la sécurité, alors comment ? » s'interroge Abanos qui passe inlassablement en revue les vitraux cassés, les bancs défoncés et les décorations giclées de sang.
Rapidement, à proximité de l'édifice, de nombreuses personnes se réunissent pour tenter d'aider les victimes qui peuvent encore être sauvées. Une quinzaine d'ambulances sont dépêchées sur place. Les habitants de Tanta, chrétiens et musulmans confondus, se déplacent en masse à l'hôpital universitaire de la ville pour donner leur sang. Restent devant l'église les familles qui cherchent encore leurs proches et ceux qui tentent de protéger le site des regards indiscrets. « Le père d'un ami de mon fils était à l'intérieur, on est entré pour essayer de le trouver, on n'a retrouvé que ses chaussures », explique Nabil, un militaire retraité dont le petit balcon est ombragé par les grands clochers.
« Dès que j'ai entendu la nouvelle, je me suis précipité à l'église, dedans tout est détruit, raconte aussi ce voisin choqué. J'ai cherché des gens que je connaissais, je n'ai pu reconnaître personne, les corps étaient trop déchiquetés, il y avait un pied là, une tête là, une jambe là... Tout était en morceaux (...) Je connaissais la majeure partie des gens à l'intérieur, même l'archevêque Daniel a perdu un fils ce matin. »
Sur la petite place au pied de l'imposant édifice meurtri, on entend des femmes geindre et des hommes perdre la raison face à la douleur. « J'ai peur ! » lance cet homme. « Nous sommes des victimes depuis si longtemps, à toutes les festivités c'est la même chose, on ne se sent plus en sécurité », renchérit un autre.
(Pour mémoire : Les coptes fuient le Sinaï après une série d'attaques)
L'horreur frappe deux fois
Rapidement des rumeurs d'une nouvelle bombe dans une mosquée non loin de là se répandent. À quelques rues, la police est en train de désamorcer un engin explosif devant une mosquée fréquentée par la communauté soufie, autre cible privilégiée de l'organisation de l'État islamique.
Et puis, un autre bruit se propage : c'est un kamikaze qui vient de se faire exploser à 60 km à l'ouest, à Alexandrie. L'homme a tenté de s'introduire au siège patriarcal de l'Église copte, là où le pape Tawadros II tenait l'office, avant d'être arrêté par des gardes et de déclencher sa ceinture d'explosifs. Aux 27 victimes de Tanta, 17 viennent s'y ajouter. « Ils veulent tous nous tuer ! » hurle un homme, alors que sur les télévisions branchées dans les cafés, les images des attaques passent en boucle.
Et la revendication de Daech finit par tomber. Le groupe terroriste avait déjà prévenu : après l'attaque de Saint-Paul et Saint-Pierre en décembre, elle continuerait sa « guerre contre les apostats ». Une promesse réitérée fin février, après des assassinats ciblés contre des coptes dans le Nord-Sinaï qui avaient forcé plus de 300 familles à fuir la péninsule. Une fois encore, il promet que d'autres attaques vont avoir lieu.
Face à l'incompréhension, l'horreur et l'indicible, c'est le fatalisme qui remplit les bouches : « Nos frères sont morts en martyrs, affirme Nabil, moi je n'ai pas peur. D'ailleurs, j'aimerais qu'un de ces cheikhs, qui appellent leurs combattants à se faire sauter dans nos églises, vienne ici lui-même se faire exploser au lieu d'envoyer de petits jeunes stupides. Que les grands responsables de ce genre d'attaques fassent ça eux-mêmes, ce serait toujours eux en moins ! »
Dans le pays, des forces de police ont été immédiatement déployées pour renforcer la sécurité des lieux de culte chrétien. Le président Abdel Fatah al-Sissi a également convoqué un conseil national de sécurité exceptionnel et déclaré l'état d'urgence pour trois mois dans tout le pays. Une situation que les Égyptiens n'avaient plus connue depuis 2012. C'est dans ce contexte extrêmement tendu que le pape François doit faire une visite historique au Caire à la fin du mois.
Repère
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Et les SUNNITES de Syrie, toujours frappés dans leur chair par les aSSaSSins aSSadiques bääSSyriens malgré les 59 missiles de croisière Tomahawk américains !
ANTOINE-SERGE KARAMAOUN
14 h 42, le 10 avril 2017