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Le village préféré des Libanais - 2016 - Le Village préféré des Libanais

Le Village préféré des Libanais : Pour Akkar el-Atika, un trophée qui sonne comme une prise de conscience

Une cérémonie grandiose était prévue par la municipalité pour recevoir le ministre Michel Pharaon, de nombreuses personnalités du caza, ainsi que l'équipe de « L'Orient-Le Jour » et les représentants de Fransabank.

Ils étaient des milliers, mardi, à célébrer le titre de « Village préféré des Libanais » décerné à Akkar el-Atika, dans une atmosphère de liesse. Photo Michel Sayegh

Il est plus que probable que le village de Akkar el-Atika n'ait jamais connu une effervescence telle que celle qui y régnait mardi soir. La joie d'avoir remporté le concours du Village préféré des Libanais, lancé cette année pour la première fois par L'Orient-Le Jour, en collaboration avec le ministère du Tourisme et Fransabank, était si palpable qu'elle en devenait émouvante.

Un espace baptisé « stade municipal » (un énorme terrain vague qui attend d'être développé) accueillait des milliers de spectateurs venus de tout le Akkar : le caza s'était en effet mobilisé en entier pour soutenir ce village durant les deux semaines de vote. D'autres habitants se sont installés dans la forêt des alentours pour suivre la cérémonie. Les routes du village étaient carrément bloquées. Des banderoles annonçant l'événement étaient accrochées sur toute la route menant vers le village, depuis Tripoli.

La municipalité avait opté pour un accueil couleur locale, réservé au ministre du Tourisme Michel Pharaon et aux autres personnalités (dont deux députés du Akkar et de nombreux représentants) : une sorte de fantasia libanaise traditionnelle exécutée par des hommes à cheval, vêtus d'habits traditionnels et munis de leurs épées.

Le public, à l'intérieur du stade, était déchaîné, acclamant les personnalités politiques, sociales et religieuses, ainsi que les différents orateurs. Le clou de l'événement était la remise du trophée, par le ministre Pharaon et l'équipe de L'Orient-Le Jour, au président du conseil municipal Khaled Bahri qui leur a remis en retour une plaque commémorative, ornée des fameux sapins de Cilicie qui font la réputation de la région.

(Lire aussi : Akkar el-Atika, « Le village préféré des Libanais » pour 2016)

Négligence vs beauté
Beaucoup se demandent d'où est venue la rage de vaincre dont Akkar el-Atika a fait preuve, un village doté d'une nature splendide et d'un patrimoine riche, mais dont l'infrastructure touristique reste à développer (il a obtenu à lui tout seul 57 000 votes sur les 122 000 du concours). Une réponse a été apportée par le vice-président du conseil municipal, Rami Ahmad Melhem. Il a expliqué que tout le Akkar s'est senti solidaire de ce vote, dont le processus a été soutenu du premier au dernier jour. Il a demandé au ministre du Tourisme d'aider à mettre ce village sur la carte touristique du pays et de lui assurer des moyens de développement respectueux de la nature, qui est son principal atout.

« Si l'ensemble des villages du Akkar se sont mobilisés, c'est d'une part parce qu'ils reflètent une appartenance nationale bien plus que confessionnelle ou clanique, et d'autre part parce qu'ils veulent tous dénoncer une tare commune : la négligence de l'État envers eux », a lancé le présentateur de l'événement. Une réflexion à laquelle les nombreux autres discours ont fait écho.

Aux revendications qui ont ponctué les interventions, le ministre Pharaon a assuré qu'elles sont partagées par tous. Il a insisté sur la beauté naturelle du Akkar qui prend le pas sur la négligence qui le ronge, tout en reconnaissant que l'État doit assurer une infrastructure touristique au village. « On ne peut parler de tourisme rural, écologique, culturel ou même agricole sans parler du Akkar », a-t-il souligné. Il a félicité Akkar el-Atika pour sa victoire au concours, « car le village le mérite ». Il a évoqué également un projet de grand parc naturel dans les hauteurs du Akkar, où devraient être implantées des initiatives écotouristiques, plaidant pour une protection plus stricte de l'environnement.

(Lire aussi : Pourquoi la Fransabank a eu le coup de cœur pour « Le village préféré des Libanais »)

Prononçant le mot de L'Orient-Le Jour, Ziyad Makhoul, rédacteur en chef, a mis en évidence l'hospitalité des habitants de Akkar el-Atika, qui font instantanément sentir à leurs hôtes qu'ils font partie d'une famille. « Vous êtes une école de dignité, de courage, d'appartenance à ce pays, un sentiment que vous avez sublimé au cours de ce concours », a-t-il dit. Et d'ajouter : « Quand nous avons eu cette idée, nous savions qu'elle entraînerait une mobilisation fondée sur un retour aux racines. Mais nous n'avions jamais imaginé ce que nous voyons aujourd'hui », en référence à l'enthousiasme exprimé par la population du village. Tout en rappelant que l'essence du combat de L'OLJ a toujours été le renforcement de l'État et le rejet des milices, M. Makhoul a estimé que le gouvernement « devrait se souvenir qu'il y a des mohafazats oubliés ».

Pour sa part, Dania Kassar, directrice marketing et communication de la Fransabank, a énuméré les réalisations de ce concours, notamment la forte participation (122 000 voix au total), la mobilisation des émigrés d'origine libanaise, la campagne « remarquable » menée par Akkar el-Atika en prévision de sa victoire, et la découverte des richesses touristiques du Liban.

(Lire aussi : « Cette compétition, une occasion à saisir ! » affirment les volontaires à Akkar el-Atika)

« Je veux qu'on arrange mon village »
Si les nombreux discours, parfois enflammés et même poétiques, se succédaient sur la tribune, le véritable spectacle était au sein du public. Ils étaient venus, de tous les âges et des quatre coins du caza, pour ne pas rater cet événement unique à Akkar el-Atika. Firas Abbas Moustapha, l'un des fils du village qui nous avaient accompagnés lors du reportage initial dans le cadre du concours, résume le sentiment palpable qui se dégage de toute la population du village par ces trois mots simples : « Une joie indescriptible ! » Il rappelle que le village a accueilli sa victoire, le soir même de la clôture des votes, par une nuit sans sommeil et des feux d'artifice.

Georges Nader, un officier à la retraite, avait fait le déplacement depuis le village voisin de Kobeyate pour partager cette joie avec ses amis de Akkar el-Atika. « Nous vivons la victoire de ce village comme si c'était la nôtre, nous y avons participé parce que nous considérons que notre destin est commun », a-t-il dit à L'OLJ. Il a ajouté que la municipalité devrait investir dans cette victoire pour relancer le tourisme dans le village, appelant le gouvernement à assurer des budgets pour le développement des régions.

Bâtir sur cette réalisation, c'est justement une idée qui taraude désormais les habitants de Akkar el-Atika, qui n'ont certainement plus envie de retomber dans l'oubli, et notamment ceux qui ont travaillé dur à cette victoire. Ibrahim el-Assaad, 19 ans, est l'un des volontaires qui ont oublié le sommeil deux semaines durant, et qui ont sillonné les villages de la région pour mobiliser les foules. « Les volontaires, sous l'impulsion de Mohammad Khalil (un professeur originaire du village), forment désormais une équipe soudée qui compte poursuivre le travail, affirme-t-il à L'OLJ, les yeux brillant de fierté. Nous avons déjà mis au point une liste d'activités qui peuvent être exercées dans les quatre saisons à Akkar el-Atika. Nous avons aussi reçu un soutien de villages à proximité, comme Kobeyate, et comptons essayer de faire des jumelages avec des villes françaises, étant donné que nous avons de nombreux émigrés dans ce pays. »

Akkar el-Atika a raison de profiter de ce tremplin pour tenter de développer son tourisme : selon Roufaïla, une propriétaire d'épicerie rencontrée à la sortie du stade municipal, « ce concours a ouvert les yeux sur le village, nous voyons déjà de parfaits étrangers qui nous demandent où se trouvent les belles localités qu'ils ont découvertes dans les photos ayant circulé sur les réseaux sociaux ».

La nature n'est pas le seul atout du village. Celui-ci est riche en vestiges historiques, insistent deux professeurs historiens rencontrés sur place, Abdo Zein et Souad el-Assaad. Cette dernière affirme avoir documenté les différents vestiges – totalement délaissés – qu'on peut voir dans le village. Une histoire qui, disent-ils, remonte aux Phéniciens, puis aux Romains (il existe plusieurs sarcophages de cette époque), et jusqu'au mandat français, en passant par les Byzantins, les croisés et, surtout, les mamelouks. La forteresse de Akkar el-Atika en est le plus éclatant exemple. « Le bâtiment a beau être intact, il est en ruines à l'intérieur et devrait être réhabilité, et l'accès doit en être facilité », disent en chœur les deux historiens.

Les atouts sont donc bien là. « Je savais que Akkar el-Atika aurait toutes les chances de gagner le concours, affirme Kamel Chaar, un directeur d'école à la retraite, qui nous avait accompagnés lors du reportage initial. Il nous reste à faire fructifier cette initiative remarquable, et, pour cela, il faudra tout simplement faire éclater la vérité à propos de ce village. »

Une victoire dans un concours qui sonne, sans nul doute, comme une prise de conscience. Le jeune Wassim, 14 ans, ayant participé à la campagne de vote, en ressent toute l'ampleur. « Je veux dorénavant que l'on arrange mon village », affirme-t-il.

« Notre réponse à ceux qui veulent confondre Akkar avec un foyer de terrorisme »

L'un des discours les plus remarqués, prononcé mardi soir à la tribune de Akkar el-Atika, était celui du mufti du mohafazat, cheikh Zeid Bakkar Zakaria. « Akkar aime la vie, le tourisme, les cérémonies, a-t-il lancé. Cette région n'a jamais été, et ne sera jamais, un foyer de terrorisme, ni d'extrémisme, ni de takfirisme, ni de fraude. »
À tous ceux qui, selon lui, veulent coller au caza ces qualificatifs, Akkar a répondu « par des élections municipales démocratiques, où les fils de différentes communautés ont partagé les sièges, et maintenant par ce vote en faveur du tourisme ». Il a appelé « à mettre Akkar sur la carte nationale de développement, par la réouverture de l'aéroport de Qleyate, la création d'une branche de l'Université libanaise, la réactivation du tourisme de santé ».
« Laissez l'armée tranquille, ainsi que les juges et les forces de sécurité, a clamé cheikh Zakaria. Les peuples veulent vivre, ils rejettent tout extrémisme religieux, ils cherchent la coexistence, qui se reflète si bien dans ce vote auquel ont participé musulmans et chrétiens ensemble, en faveur de ce village béni. »

Les présences

De nombreuses personnalités avaient fait le déplacement pour assister à cette cérémonie. Outre le ministre du Tourisme Michel Pharaon, parrain de l'événement et du concours, il y avait mardi deux députés du Akkar, Khaled Zahraman et Nidal Tohmé, Mohammad Hussein représentant l'ancien Premier ministre Nagib Mikati, Hassan Chandab représentant le ministre Achraf Rifi, Riad Nader représentant l'ancien vice-Premier ministre Issam Farès, des représentants des députés Khaled Daher et Mouïn Merhebi, l'ancien député Wagih Baarini, plusieurs responsables du courant du Futur (dont un représentant personnel du secrétaire général de ce parti, Ahmad Hariri), ainsi que des partisans du Courant patriotique libre (CPL), de la Jamaa islamiya et des Forces libanaises. Il y avait des militaires, notamment des représentants du directeur général des Forces de sécurité intérieure, le général Ibrahim Basbous, et du directeur des services de renseignements de l'armée au Nord, le général Karam Mrad. Les personnalités religieuses étaient là, notamment le mufti du Akkar, cheikh Zeid Bakkar Zakaria, et le directeur du département des wakfs islamiques au Akkar, cheikh Malek Jadidé. Le président du conseil municipal de Basbina, Tarek Khabbazi, représentait le mohafez du Akkar Imad Labaki. Enfin, étaient invitées de nombreuses personnalités issues de la société civile. Ajoutons à cette longue liste Miss Liban, Valérie Abou Chakra, qui a prononcé un mot spontané afin de féliciter le village pour sa victoire.

 

Il est plus que probable que le village de Akkar el-Atika n'ait jamais connu une effervescence telle que celle qui y régnait mardi soir. La joie d'avoir remporté le concours du Village préféré des Libanais, lancé cette année pour la première fois par L'Orient-Le Jour, en collaboration avec le ministère du Tourisme et Fransabank, était si palpable qu'elle en devenait émouvante.
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