No passaran. La vague populiste qui a gagné les États-Unis et la Grande-Bretagne n'est pas parvenue à briser les digues françaises. Après le « No » des Anglais, réussissant à mettre leur menace de sortie de l'Europe à exécution, et la victoire de Donald Trump, qui paraissait impossible et que personne n'avait vue venir, l'élection française était au centre de toutes les attentions. Avec une question en toile de fond : les Français succomberont-ils eux aussi au chant des sirènes du populisme ? Le contexte était propice. La France a été touchée, à plusieurs reprises, par des attentats terroristes dont la plupart ont été revendiqués par l'État islamique.
L'impopularité du gouvernement de François Hollande, les tensions communautaires, le débat houleux sur le burkini, autant d'événements et de situations qui auraient dû largement faire le jeu du Front national. Sans parler de la déferlante antisystème qui a imprégné toute la campagne présidentielle, mais aussi des affaires du camp Fillon, de la montée de l'euroscepticisme et du nouveau clivage entre les perdants et les gagnants de la mondialisation. Au niveau national, la dynamique était du côté du FN.
À partir de l'élection de Marine Le Pen à la tête du parti en 2011, son accession aux plus hautes responsabilités de l'État n'a cessé de paraître de plus en plus envisageable. En battant le score de son père d'abord, de 2002, lors du premier tour de l'élection présidentielle de 2012 avec 17,9 % des voix. Puis lors des élections européennes de 2014, lorsque le parti d'extrême droite est arrivé pour la première fois de son histoire à la tête d'une élection nationale. Sa victoire face à l'UMP et au PS le positionne en tant que « premier parti de France ». Sa présidente y voit alors un « tournant », « une redéfinition totale de la vie politique française », voire l'éclosion d'un tripartisme. Le FN bat son record de voix lors des régionales de 2015, sa présidente jubile. 2017 est dans tous les esprits lepénistes.
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Forme de résilience
Après avoir mis au tapis les partis traditionnels en se hissant au second tour de l'élection présidentielle – sans créer la moindre surprise –, Marine Le Pen a obtenu 34 % des suffrages, soit 10,6 millions de voix (deux fois plus que son père en 2002), dans le duel qui l'opposait à Emmanuel Macron. Un score important, mais en deçà des espérances inavouées du FN, comme des chiffres avancés par les derniers sondages.
Car, à défaut de pouvoir remporter l'élection présidentielle, le parti d'extrême droite espérait, toutefois, provoquer des sueurs froides à son adversaire. « C'est un échec par rapport à ses espérances, mais un énorme succès par ailleurs. Qui aurait dit, il y a cinq ans, qu'elle arriverait à ça ? » s'interroge Michel Wieviorka, directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales à Paris. Une contre-performance qui a eu des échos bien au-delà des frontières de l'Hexagone tant l'avenir de l'Union européenne (UE) paraissait lié à la défaite de la chef du FN.
En déjouant les pronostics, les Français ont fait preuve d'une certaine forme de résilience. Comme si les attentats commis ces deux dernières années sur leur sol n'avaient eu qu'un impact limité sur les élections. Les thématiques s'y rattachant auraient pourtant pu profiter au FN si l'hystérie collective avait gagné le cœur des débats.
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Les raisons de l'échec relatif du mouvement d'extrême droite sont multiples. Elles sont d'abord liées à la structure du paysage politique français actuel qui rend l'accession au pouvoir de Marine Le Pen plus difficile que pour tout autre candidat. Quand bien même le FN aurait été le premier parti de France, l'alliance de la majorité des autres partis au second tour de l'élection présidentielle lui coupe de facto l'herbe sous le pied. « Le Front national n'avait pas de réservoir de voix, en tout cas lié à une force politique structurée, à part celui de Nicolas Dupont-Aignan », rappelle Michel Wieviorka.
À la différence du Royaume-Uni ou des États-Unis, la France propose deux offres de forces extrêmes : l'extrême droite de Marine Le Pen et l'extrême gauche de Jean-Luc Mélenchon. « À partir du moment où la radicalisation de type populiste se répartit, même si c'est de manière inégale, sur deux pôles au lieu d'un seul, le paysage est tout à fait différent du paysage britannique ou américain. Ces deux pays n'ont qu'un seul pôle, sur lequel pouvait se construire le Brexit, et où il n'y avait qu'un seul personnage, Donald Trump, qui pouvait incarner ce type de radicalisation politique », poursuit le sociologue.Elles sont aussi liées aux limites politiques, pour l'instant, du FN et de sa candidate.
Le duel télévisé face à Emmanuel Macron aura été fatal à son opposante. « Lors du dernier débat, il était très clair qu'elle n'était pas capable de développer une vision programmatique constructive, et qu'elle n'était pas préparée », estime Michel Wieviorka. Marine Le Pen a payé le prix de sa mauvaise prestation face au candidat centriste, qui a fait grincer des dents une partie de son propre camp, en perdant près de sept points en seulement quatre jours, si l'on se réfère aux intentions de vote que lui accordaient les sondages avant le débat.
« Le problème du FN est de savoir comment passer d'une posture de dénonciation, de critiques radicales, à des propositions de programme réaliste », conclut le sociologue.
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Alors qu'il vient de réaliser l'ultime exploit Emmanuel Macron a encore tout à prouver. En recevant son prix Nobel Albert Camus a dit : Chaque génération, sans doute, se croit vouée à refaire le monde. La mienne sait pourtant qu'elle ne le refera pas. Mais sa tâche est peut-être plus grande. Elle consiste à empêcher que le monde se défasse. De par la menace de l'extrême droite Emmanuel Macron a repris cette parabole qui traduit l'enjeu de cette élection lors de son dernier meeting parisien. Après sa victoire il s'est donné pour objectif d' apaiser la nation afin que ce danger ne puisse plus survenir. Il faut lui donner à tout prix cette majorité législative pour lui permettre de tenir cette promesse. pour cela il lui faudra rassembler par delà les clivages ,et, faire cohabiter dans un même mouvement d'anciens antagonismes qui pour un intérêt supérieur feront la paix des braves. il a cette responsabilité car la France est cette terre des lumières au paradigme humaniste modèle ou repère pour les nations .
ANDRE HALLAK
23 h 54, le 13 mai 2017