Patrick KOVARIK/AFP
Non, ce n'était pas une bulle. Non, la victoire des mouvements populistes au sein des démocraties occidentales n'est pas une fatalité. Non, le Front national n'est pour l'instant pas en mesure de rassembler la majorité des Français au second tour d'une élection présidentielle. Ni même de s'en approcher.
Le score est sans appel. Emmanuel Macron a largement remporté hier le second tour de l'élection présidentielle en obtenant 65,7 % des suffrages face à Marine Le Pen. À 39 ans, il vient de réaliser un véritable exploit politique, sans précédent dans l'histoire républicaine française. Alors que la conquête de l'Élysée nécessite habituellement plusieurs décennies de combat politique, le candidat d'En Marche ! n'aura eu besoin que de deux années pour devenir le huitième président de la Ve République. Sans parti, sans jamais avoir été élu, l'ancien ministre de l'Économie qui se dit « et de droite et de gauche » a réussi ce qui paraissait encore impossible il y a tout juste un an. À l'issue d'une campagne en tout point inédite, il a bouleversé la scène politique française, notamment en enterrant le Parti socialiste et en fragilisant Les Républicains, tous deux éliminés à l'issue du premier tour.
L'ascension est fulgurante. Mais la victoire est emplie de paradoxes. Les Français ont élu un candidat proeuropéen à un moment où l'euroscepticisme est en vogue. Alors que François Hollande connaît un record d'impopularité, les Français ont choisi pour lui succéder son ancien ministre de l'Économie, celui dont le programme était le plus en continuité par rapport au dernier quinquennat. Alors que le score qu'il a obtenu hier est plus élevé que ce qui avait été annoncé par les sondages, sa victoire reste tout de même assez fragile. Pour une raison très simple : le score reflète davantage une volonté de contrer Marine Le Pen qu'une réelle adhésion au projet d'Emmanuel Macron. Les taux record d'abstention (plus de 25 %) et de votes blancs (12 %) témoignent des problèmes de légitimité que risque de devoir affronter le nouveau président, dont l'assise partisane semble plutôt limitée. Conscient de la nécessité de relativiser sa victoire, il a tenu hier deux discours assez sobres, notamment adressés à ceux qui ont voté pour lui par défaut et aux électeurs de son adversaire.
(Lire aussi : Si jeunesse savait..., l'édito de Ziyad MAKHOUL)
La dédiabolisation fonctionne, mais elle plafonne
Le défi est immense. Emmanuel Macron doit réussir à réconcilier une France clivée, non plus seulement autour de l'opposition droite-gauche, mais sur des sujets majeurs comme l'Europe, la mondialisation ou encore l'identité. Sa marge de manœuvre est pourtant extrêmement faible. Au manque de légitimité politique pourra s'ajouter un manque de légitimité institutionnelle, si les Français ne lui accordent pas dans six semaines une majorité pour gouverner. Les élections législatives auront cette année un goût de troisième tour : la droite va vouloir prendre sa revanche, la gauche va jouer sa survie, la France insoumise de Jean-Luc Mélenchon va tenter de confirmer sa dynamique pour obliger l'aile gauche du Parti socialiste à la rejoindre, et le FN va tout faire pour se présenter comme la seule alternative possible. Après avoir revendiqué le titre de premier parti de France, le FN prétend aujourd'hui incarner la « première force d'opposition ».
Paradoxalement, les intérêts du FN et du mouvement En Marche ! se rejoignent pour ces législatives : ils cherchent tous deux à présenter leur opposition idéologique comme le principal clivage politique pour marginaliser les autres partis et, à terme, éliminer toute autre alternative. Refusant la nouvelle donne, ces derniers ont entamé une partie de poker avec le nouveau président, misant essentiellement sur le bluff et les surenchères, refusant pour l'instant de se rallier à sa majorité malgré ses menaces de présenter un candidat investi par le mouvement dans chaque circonscription.
Pour le FN, c'est une nouvelle page qui devrait s'ouvrir. La candidate défaite a annoncé une transformation en profondeur de son parti. Les résultats doivent lui laisser un goût amer. Certes le FN a réalisé un score historique en obtenant 34.2 % des suffrages, soit presque 11 millions d'électeurs (deux fois plus son père en 2002), mais la candidate n'a pas réussi à dépasser la barre symbolique des 40 %, comme certains sondages le laissaient penser. Elle a probablement perdu plusieurs points à l'issue du débat de l'entre-deux tours, où elle n'a pas réussi à rassurer les Français sur ses capacités à gouverner le pays et apaiser l'image du FN. Sa campagne finit en dents de scie : les idées du FN continuent de progresser quinze ans après le traumatisme du 21 avril, elle a gagné 3.5 millions de voix entre les deux tours, mais elle n'est pas parvenue à créer une dynamique suffisante pour espérer la victoire. La dédiabolisation fonctionne, mais elle plafonne.
Une image, parmi tant diffusées hier, restera, avec ce président élu qui semble être un amoureux des symboles : sur l'esplanade du Louvre, il a réinterprété à sa manière, dans une scénographie millimétrée, la marche solitaire de François Mitterrand, avec l'hymne européen comme musique d'accompagnement. C'est cette même solitude qui devrait désormais l'accompagner au cours de ces cinq prochaines années.
Le plus dur commence.
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Le score est sans appel. Emmanuel Macron a largement remporté hier le second tour...
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BERNES ET MANIPULES LES FRANCAIS TOUT COMME DES MARIONNETTES...
LA LIBRE EXPRESSION
08 h 55, le 09 mai 2017