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Moyen Orient et Monde - Turquie

À l’approche du référendum turc, les partisans du « non » se veulent optimistes

Pour empêcher le passage de la réforme constitutionnelle, les acteurs de l'opposition, dont le CHP et le HDP prokurde, opèrent une convergence circonstancielle.

Une femme kurde, militant pour le non au référendum, fait le signe de la victoire, à Huerth, près de Cologne, en Allemagne. Wolfgang Rattay/Reuters

À quelques semaines du très controversé référendum constitutionnel turc sur le renforcement des pouvoirs présidentiels prévu le 16 avril prochain, le camp du « non » peine à se faire entendre. Généralement divisés et traversés par de sérieux désaccords politiques, les opposants au président turc, Recep Tayyip Erdogan, s'organisent pour contrer ce qu'ils traduisent comme un coup de force du sultan.

Abolissant le poste de Premier ministre, cette révision prévoit un régime présidentiel sans contrôle parlementaire. Le parti au pouvoir, l'AKP, ne disposant pas du nombre requis de sièges pour voter l'amendement au Parlement de la réforme constitutionnelle, a convoqué ainsi un référendum.

 

Les Kurdes
Pour le principal parti prokurde de Turquie et deuxième formation de l'opposition, le Parti démocratique des peuples (HDP), le « non » est une question de survie. « Le HDP veut une nouvelle Constitution démocratique préparée avec la participation de toutes les couches sociales », précise Maxime Azadi, militant proche du HDP. Le journaliste franco-kurde a fait les frais d'une politique de plus en plus hostile vis-à-vis des Kurdes. Directeur de l'agence Firat News Agency (FNA), un site d'information kurde, il a été détenu durant quelques jours en décembre par la police belge. Cette dernière exécutait alors un mandat d'Interpol demandé par les autorités turques pour des faits supposés de terrorisme. Pour l'activiste, le « non » du HDP est donc à la fois contre le changement de Constitution et contre la Constitution actuelle jugée exclusive vis-à-vis de la minorité kurde : « Une victoire du "oui" risquerait de plonger le pays dans une guerre interne et d'empêcher le processus de paix avec les Kurdes », ajoute-t-il.

Pour faire valoir son refus, le HDP mène donc férocement campagne pour le « non ». Une entreprise difficile au vu de la politique d'arrestations et de musellement des opposants mise en œuvre par le régime. Plus de 5 000 responsables du HDP ont été incarcérés, pour de plus ou moins longues périodes, depuis juillet 2016, date à laquelle eut lieu un putsch contre le président Erdogan. Treize députés, dont ses deux coprésidents, sont notamment derrière les barreaux.
Malgré cela, le HDP arrive à s'organiser. En se basant sur les minorités et les groupes marginalisés (groupes LGBTI, féministes), le parti rassemble une base très diversifiée qui, « si elle paraît dispersée et désorganisée, représente en réalité une base de mobilisation potentielle », explique Maxime Azadi.

Ozan Tekin, militant proche du DSIP, le « Parti révolutionnaire socialiste des travailleurs », allié du HDP, évoque différentes campagnes de mobilisation, alternatives au verrouillage des médias traditionnels. La dernière en date est la « facture de la présidence », brûlot contre les dérives du régime. Prenant la forme d'une facture d'électricité, cette note salée est distribuée dans plusieurs centaines de foyers turcs. En parallèle, les sites d'informations parfois hébergés en Europe se sont multipliés, relayant les communiqués du HDP. Selon Bayram Balci, chercheur à Sciences Po Paris et spécialiste de la Turquie, cette stratégie de communication pourrait porter ses fruits.
Et pour M. Erdogan, le HDP reste une menace importante. En juin 2015, il rassemblait près de 13 % des voix aux élections législatives à peine au-dessous de l'autre parti d'opposition, le CHP, le Parti républicain du peuple.

 

(Lire aussi : L'Allemagne enquête sur des soupçons d'espionnage de la Turquie)

 

 

Le Parti républicain
Le CHP est l'autre acteur principal de la mobilisation contre le référendum. Le 8 novembre dernier, Recep Tayyip Erdogan portait plainte contre les cadres du parti, dont son chef, pour insulte envers le chef de l'État. Son délit : avoir déclaré qu'un « coup d'État autoritaire » orchestré par « le palais présidentiel » était en marche.
Quelques mois plus tard, après l'annonce de la réforme constitutionnelle, le chef de l'opposition laïque, Kémal Kilicdaroglu, rejoint ainsi le camp du « non » et avertit qu'une victoire du « oui » signerait l'abolition de la démocratie. Emre Çam, militant du CHP à l'antenne française de Strasbourg et élu à l'Assemblée du CHP, y voit la fin de la souveraineté de la nation : « (Erdogan) veut tout diriger. Il veut tout décider. Il ne veut pas seulement nommer les ministres et ses dirigeants en tant que président, mais il veut aussi faire la liste de ceux qui deviendront députés lors des élections législatives. »

Pour faire entendre leurs voix, impossible d'accéder aux médias nationaux : les 21 chaînes nationales retransmettent en totalité les discours du président ou du Premier ministre et ne consacrent que quelques minutes aux partisans du « non ». Les militants du parti kémaliste parient alors sur les réseaux sociaux et le porte-à-porte : « Dans les villes où nous n'avons pas de députés, des représentants régionaux effectuent des activités sur le terrain. On fait du porte-à-porte, on distribue la "Lettre aux Turcs" de Kémal Kilicdaroglu. » La mobilisation s'exporte aussi en Europe, où les militants du CHP assurent la diffusion des brochures du parti : ils doivent y affronter l'influence des ambassades et la promotion de ce qu'Emre Çam qualifie de « propagande d'État ». Une propagande « qui n'effraie pas », dit le militant. Alors que les résultats du référendum s'annoncent très serrés, il assure, confiant : « On le sait, on va gagner. Le non l'emportera avec plus de 56 %. Ce peuple ne se laissera pas faire. »

 

(Lire aussi: Le doyen de la cause kurde en Turquie veut croire à la paix mais redoute le référendum)

 

 

Convergence circonstancielle
Aujourd'hui, Baycam Balci voit une convergence circonstancielle entre les partisans du « non ». « Ce camp se maintient uniquement grâce au référendum. Un objectif : gérer et freiner le pouvoir du président Erdogan. Pour le reste, ils sont en divergence totale. »
D'après les derniers pronostics, les deux camps seraient au coude-à-coude avec une légère avance pour le président turc. Pour le chercheur, peu importe le résultat, la victoire du président turc ne sera pas totale : « Les premiers sondages donnent la victoire au oui avec 51 %, or, pour une véritable victoire, M. Erdogan devrait gagner à 55 %, voire 65 %. Quelque part, M. Erdogan a déjà perdu », conclut-il.

 

 

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