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A la découverte du petit monde du Jardin des Jésuites - A la découverte du Jardin des jésuites

Adnane, de Raqqa: « Dans le Jardin des jésuites, je me suis enfin senti bien, libre »

Adnane Kanaan, 20 ans.

Pour Adnane Kanaan, 20 ans, le Jardin des jésuites est une bouffée d'oxygène, gratuite de surcroît. photo Anne ILCINKAS

En ce mercredi matin printanier, les bancs du Jardin des jésuites sont essentiellement occupés par des représentants du troisième âge. Dans ce paysage, deux jeunes hommes, qui ont choisi de s'asseoir directement sous le soleil, détonnent un peu.

« Avant la guerre en Syrie, je venais régulièrement au Liban pour rendre visite à mon père qui travaille en tant que concierge », explique Adnane Kanaan, 20 ans, après une hésitation. Visage brun, cheveux et barbe bien taillés, le jeune homme en chemise kaki militaire est originaire de Raqqa, la capitale autoproclamée du groupe jihadiste État islamique, théâtre, ces dernières semaines, d'âpres combats. « Il y a quatre ans, j'ai définitivement fui mon pays en guerre, avec toute ma famille. Nous vivons actuellement dans le quartier de Sofil, à Achrafieh », poursuit-il avec un sourire timide. « Au cours des quatre dernières années, je ne suis jamais retourné en Syrie, et je n'ai plus contacté qui que ce soit là-bas », lance-t-il amer, comme pour couper court à toute évocation de son passé.

 

 

Depuis deux ans, Adnane est ouvrier en bâtiment à Achrafieh. « Psychologiquement, je me sens en sécurité ici, sachant que je n'ai pas à subir les horreurs de la guerre dans mon pays, raconte-t-il. Je ne peux pas vraiment me plaindre, même si j'arrive à peine à joindre les deux bouts. » Ne plus avoir à assumer les frais de renouvellement annuel de son titre de séjour, suite à une décision des autorités libanaises, fut un véritable soulagement.
Lui reste une angoisse, forte. « J'ai constamment peur de me faire arrêter. Ça m'est arrivé une fois. J'avais oublié mes papiers chez moi. Heureusement, mon père est accouru avec les documents nécessaires et a réussi à me sortir du commissariat le jour même. »

Il y a un an, Adnane a découvert le Jardin des jésuites, qu'il fréquente désormais plusieurs fois par semaine. Sa bouffée d'oxygène, gratuite de surcroît. « Lorsque je viens me reposer ici, je suis en paix, je me sens en sécurité. Personne ne me juge ou ne m'inquiète », explique-t-il.

 

 

« Comme si j'étais en famille »
Le jeune homme avoue pourtant que ce jardin n'est pas son préféré. « Au cours de mes premières années au Liban, je passais plus de temps dans le jardin en face de l'église Saint-Nicolas, à quelques kilomètres de là. » Adnane porte toutefois une affection particulière au Jardin des jésuites. « C'est là que mon père m'a emmené à mon arrivée à Beyrouth, juste après que j'aie fui Raqqa. Dans ce jardin, là, je me suis enfin senti bien, libre. »
Quand on lui explique que la municipalité a envisagé, un moment, de construire un parking sous le jardin, l'expression du jeune homme vire à l'incompréhension. « Comment ça construire un parking ici ? Est-ce possible d'édifier un parking en plein quartier résidentiel ? » s'insurge-t-il.

Adnane refuse d'imaginer qu'on puisse lui voler ce lieu rassurant. « Je peux passer une, deux, trois, voire quatre heures ici ! Ce n'est que lorsque je me sens apaisé que je m'en vais », dit-il avant d'ajouter, en souriant : « Ou lorsque les gardiens s'apprêtent à fermer le jardin à 19h. » Parfois, il vient même siroter son café matinal avant de commencer sa dure journée sur les chantiers de construction.
« Depuis que je viens ici, ce sont les mêmes visages que je vois à chaque fois. C'est apaisant, c'est presque comme si j'étais en famille ».


Un passant dont l'oreille traînait demande à Adnane quel intérêt ce jardin a à ses yeux, avant d'affirmer qu'il y a d'autres problèmes plus importants qui attendent d'être réglés.
Le jeune homme lui explique en deux mots l'importance, pour lui, de cet espace public. L'indiscret reparti, Adnane replonge dans son silence pour profiter à nouveau du calme et du beau temps, et oublier, un moment, les difficultés du quotidien.

 

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En ce mercredi matin printanier, les bancs du Jardin des jésuites sont essentiellement occupés par des représentants du troisième âge. Dans ce paysage, deux jeunes hommes, qui ont choisi de s'asseoir directement sous le soleil, détonnent un peu.
« Avant la guerre en Syrie, je venais régulièrement au Liban pour rendre visite à mon père qui travaille en tant que concierge », explique...

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