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Mères

Il y a quelque chose de gênant dans ces journées mondiales qui nous ordonnent de célébrer tel thème, personne ou métier. On n'a pas toujours envie de célébrer sur ordonnance, mais comme tout le monde le fait, on se sent mal, par-dessus le marché, de jouer les anachorètes. Donc on célèbre. La journée de l'Enfant, la fête des Professeurs, la journée de la Femme, bientôt la fête des Mères. L'avantage, avec ces marronniers, c'est qu'ils offrent aussi des occasions de réfléchir, pas seulement au cadeau, aux fleurs ou au message qu'ils suscitent, mais à la condition de ces enfants, de ces professeurs, de ces femmes et de ces mères que l'on traite en leur journée comme des espèces en voie d'extinction.
Certes, on écrase encore une larme quand s'élèvent en chœur les discours de gratitude et de soutien à ces causes que l'on découvre orphelines. Mais on le sait – les mots valant ce qu'ils valent – c'est tous les jours que s'impose une action pour les défendre, simplement pour tenter de rendre le monde un rien meilleur, une fois fanées les roses des bouquets.

Les mères, par exemple, sont la chose au monde la mieux répandue. Chacun a la sienne, présente ou absente, à la maison ou au travail, morte ou vivante, étouffante ou indifférente, ignorante ou instruite, vertueuse ou légère, sévère ou libérale, malade ou en bonne santé... On trouve de tout, et la non-mère est aussi mère que les autres. Elle peut même se résumer à un nombril, cette cicatrice, ce gouffre parfois qui témoigne du lien. On a un nombril, on a donc une mère. La question est de savoir comment faire pour que cet être universel, omniprésent même en creux dans la vie de chaque individu, dont la main qui berce l'enfant dirige le monde, pour citer William Ross Wallace (For the hand that rocks the cradle is the hand that rules the world), comment faire pour que ce monde, elle le dirige dans le sens du bonheur qu'il semble avoir perdu ?

Dans notre pays où la criminalité ordinaire n'émeut pas grand monde, tant la haute politique, les arrière-pensées vampiriques des mafieux du pouvoir et les perspectives de guerre font obsession, on ne s'est presque pas arrêté à ce fait divers : l'histoire de Hanane. Violée et engrossée à 15 ans par un homme qu'elle a été obligée d'épouser, avec le consentement de sa propre mère, « pour sauver son honneur », et puis devenue le jouet sexuel de cette belle-famille sans espoir de voir son calvaire s'arrêter, elle met au monde une fillette qui lui ressemble et, effarée par cette ressemblance, l'étrangle avant son premier cri. C'est la ressemblance, a-t-elle dit pour sa défense. Comment aimer et protéger quand on ne s'aime pas soi-même, quand on est incapable de se protéger d'abord ? Plus que jamais, à travers le monde, gronde la rébellion des femmes. Ce siècle leur appartiendra de plus en plus, et il est peut-être temps qu'elles se chargent d'en inverser la folle vapeur. Mais c'est de femme à femme que se transmettront le goût et le respect de la vie.

Il y a quelque chose de gênant dans ces journées mondiales qui nous ordonnent de célébrer tel thème, personne ou métier. On n'a pas toujours envie de célébrer sur ordonnance, mais comme tout le monde le fait, on se sent mal, par-dessus le marché, de jouer les anachorètes. Donc on célèbre. La journée de l'Enfant, la fête des Professeurs, la journée de la Femme, bientôt la fête des...

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