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Lifestyle - Rencontre

Diane Pernet, le noir lui va si bien

Figure indépendante et emblématique de la mode via son blog « A Shaded View On Fashion » et sa dégaine « blackissime », fondatrice du festival Asvoff, Diane Pernet* avance en funambule inspirée qui s'invente sans cesse de nouvelles vies...

Diane Pernet, chasseresse dans l’âme. Photo Havier Hassan

Sa tenue couleur corbeau traîne jusqu'au sol et on hésite aussitôt entre cape de gentille Fantômette et sanglante pelisse d'une Draculette à crocs blancs. Pas du tout petit Chaperon noir, ne craignant pas de tordre le nez aux loups gourous les plus redoutables, Diane Pernet a pourtant rabattu une paire de lunettes fumées sur ses yeux que peu ont dû connaître, histoire de mieux cambrioler les regards alentour. Comme elle a d'ailleurs l'habitude de le faire, là où elle promène sa dégaine, dans les rues de Paris ou sous les flashes des Fashion Weeks. Elle a également jeté une longue mantille de mystère, noire bien entendu, sur sa chevelure qu'elle se plaît à torsader semblablement à son itinéraire qui bifurque sans cesse.

Seule constante cela dit, la dame ne se nappe que de noir. Un choix qui renforce un pouvoir, une préférence qui s'accorde avec une nature et fonde même son personnage-image. « C'est parce que cette couleur me permet de rester à l'arrière-plan tout en m'octroyant une sorte de puissance », revendique-t-elle de cette voix (ag)gravée, messe noire et gris cendré, qui contraint à tendre l'oreille à mesure que les dernières syllabes tombent en pâmoison.

 

Chasseresse
Ne pas croire pour autant que cette personnalité voilée empêcherait Diane Pernet de faire honneur à son prénom. L'ex-créatrice de mode aux lippes carminées, devenue blogueuse avec A Shaded View Of Fashion, avant de fonder son festival A Shaded View on Fashion Film, est chasseresse dans l'âme. Elle a des cibles, des projets, des ambitions. Gamine, elle dévore les magazines de cinéma, y balade ses rêveries, toise le monde de la mode, en lorgne les ateliers, veut devenir créatrice. « À l'époque, je ne dessinais pas bien, et j'ai mis du temps à comprendre que cela ne devrait pas m'empêcher d'être créatrice de mode. Dans ce domaine, la technique n'est pas tout », confie celle qui finira par lancer sa marque à New York après un diplôme en réalisation de films documentaires et une escale en tant que costumière.

À la fin des années 80, la ville mutante se met à torpiller sa créativité, à asphyxier son inspiration. Pernet en dit : « La vie devenait de plus en plus difficile à New York qui se transformait en une cardboard city avec la montée du mal-logement et du sida. Cet environnement m'a rongée au point que j'ai dû partir pour Paris. » Cela dit, la jeune femme ne bascule pas dans l'amertume, ne se déteste pas en brin de paille poussé par le vent, en bateau ivre au fil du courant. Au contraire. « J'envisage ma vie comme plusieurs vies. J'ai besoin de cela. Bizarrement, le virage s'est opéré organiquement, même si j'ai passé soudainement à un autre métier dans une autre ville », se souvient-elle sans acrimonie.

 

Une deuxième vie
Loin d'être une pleurnicheuse sur un passé écaillé, Diane Pernet se récrie si on l'estampille nostalgique, préférant jeter son encre dans un présent dont elle a toujours su extraire le meilleur. Elle l'explique de la sorte : « Je ne suis pas dans les regrets. On l'est souvent quand on a mal connu une période. Les années 80, contrairement aux idées préconçues, étaient aussi difficiles, si ce n'est plus, que le présent. » Et de poursuivre, lorsqu'on l'interroge à propos des sables mouvants de la mode d'aujourd'hui : « Il est vrai que tout est désormais à portée de main avec les réseaux sociaux. Les informations deviennent périssables, elles expirent à l'instant. Et alors ? Au moins la mode se rapproche des gens, elle se démocratise. Elle permet aussi de véhiculer un message beaucoup plus rapidement que dans le passé. C'est fabuleux ! » On comprend donc que cette femme-vecteur, cette éprise du verbe donner, soit l'une des premières à avoir balisé la trajectoire des blogs, elle qui se souvient : « Chez Elle.com et Vogue.fr, où je contribuais, j'ai toujours voulu pousser les créateurs et les créatifs auxquels je croyais. »

 

L'affect et l'impulsion
En 2005, Diane Pernet est cobaye pour une plateforme de blogs et prend goût à cette activité qu'elle décrit ainsi : « Je ne suis pas journaliste et je ne prétends pas avoir une belle plume, mais j'étais la candidate parfaite pour un blog car je suis dans la spontanéité et le visuel. » Et de laquelle naîtra son blog A Shaded View on Fashion où elle livre sa vision d'un univers de la mode qu'elle s'amuse à filtrer sous ses vitres fumées. Et alors qu'on l'aurait pensée de ces prêtresses de la mode qui s'amarrent à leurs premiers rangs de défilé, Diane Pernet se félicite d'avoir, encore une fois, fait (cha)virer son chemin de vie. Envisageant la chose comme un retour aux sources, elle fonde en 2008 A Shaded View on Fashion Film, connu comme étant le premier festival international de films dédiés à la mode, au style et à la beauté.

Face au déroulement de cette vie qui l'a vue, sans arrêt, changer de peau et de personnage principal, on a beau insister, Diane Pernet n'en citera aucun regret, si ce n'est : « Aujourd'hui, la chose qui me manque est une stratégie. J'ai toujours fonctionné par affect et impulsions. J'ai toujours été entière et pas adepte de compromis. C'est pourquoi je n'ai pas réussi à faire de l'argent ! » Qu'importe, ses prochaines vies l'attendent déjà.

*Diane Pernet était invitée par Luxury Limited Edition (Cynthia Sarkis Perros) et le City Centre Beirut à participer à la cérémonie d'ouverture de la Spring/Summer Fashion Week qui a eu lieu le jeudi 9 mars.

 

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