L'administration Trump fait de premiers pas prudents sur le terrain du conflit israélo-palestinien avec des rencontres entre l'envoyé américain Jason Greenblatt et les dirigeants des deux bords pour explorer les possibilités de ranimer l'effort de paix moribond.
M. Greenblatt, assistant de Donald Trump et représentant spécial en charge des négociations internationales, a eu mardi avec le président palestinien Mahmoud Abbas ce qu'il a qualifié sur Twitter "d'échange positif (...) sur la situation actuelle". Ces entretiens à Ramallah, en Cisjordanie occupée, constituaient le premier face-à-face entre le président palestinien et un représentant de la Maison Blanche.
La veille, M. Greenblatt s'était entretenu pendant plus de cinq heures avec le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu à Jérusalem, ont indiqué Israéliens et Américains dans un communiqué commun.
M. Greenblatt a répété l'engagement de M. Trump à assurer la sécurité d'Israël et la volonté du président américain "d'aider Israéliens et Palestiniens à parvenir à une paix durable". Cela ne sera possible qu'à travers des "négociations directes", a ajouté M. Greenblatt, réitérant implicitement l'opposition de M. Trump à toute solution imposée par la communauté internationale.
M. Greenblatt, avocat pendant deux décennies au sein du groupe Trump, a dans ses attributions les accords commerciaux en tous genres, mais aussi l'insoluble conflit israélo-palestinien.
(Repère : La solution à deux Etats, qu'est-ce que c'est?)
Craintes palestiniennes
Avec lui, M. Trump a choisi, selon ses propres mots, l'un de ses conseillers "les plus proches", capable de "forger des consensus sur des dossiers difficiles et sensibles". M. Greenblatt aura besoin de ce savoir-faire pour aider M. Trump à réussir là où ses prédécesseurs ont échoué.
L'horizon a rarement paru plus sombre. L'effort de paix est moribond depuis l'échec de la dernière initiative américaine en 2014. MM. Abbas et Netanyahu n'auraient plus eu de rencontre publique substantielle depuis 2010. Une partie de la communauté internationale craint qu'il ne faille prononcer l'arrêt de mort de la solution dite à deux Etats.
La création d'un Etat palestinien coexistant en paix avec Israël reste la solution de référence de l'essentiel de la communauté internationale. M. Trump a semé le trouble en semblant prendre ses distances avec cette solution lorsqu'il a reçu M. Netanyahu en février. Le communiqué publié après la rencontre Netanyahu-Greenblatt n'y fait aucune référence.
M. Abbas a, pour sa part, réaffirmé son attachement à cette solution lors de son premier entretien téléphonique avec M. Trump vendredi.
Le président américain a alarmé la direction palestinienne par ses déclarations très pro-israéliennes pendant sa campagne, la promesse de déménager l'ambassade américaine en Israël de Tel-Aviv à Jérusalem et la nomination d'un supporteur de la colonisation comme futur ambassadeur.
La Maison Blanche a aussi mis du temps à réfréner les ardeurs israéliennes quand M. Netanyahu a annoncé plus de 5.000 logements de colonisation en Cisjordanie dans la foulée de l'investiture de M. Trump. Ce dernier a fini par appeler M. Netanyahu à faire "preuve de retenue pour quelque temps".
(Lire aussi : Entre Israël et Palestiniens, les alternatives à la solution à deux Etats)
"Voyage d'orientation"
Seuls 9% des Palestiniens pensent que l'investiture de M. Trump conduira à un renouveau de l'entreprise de paix, selon un nouveau sondage du Palestinian Center for Policy and Survey Research (PSR). Cinquante ans après l'occupation par Israël de la Cisjordanie et de Jérusalem-Est, 44% des Palestiniens trouvent la situation de la Palestine pire qu'il y a un demi-siècle, et 60% pensent que la solution à deux Etats n'est plus viable par la faute de la colonisation.
Le gouvernement de M. Netanyahu, considéré comme le plus à droite de l'histoire d'Israël, fait la part belle aux avocats de la colonisation, c'est-à-dire la construction d'habitations civiles israéliennes en Territoires palestiniens occupés. Certains de ses membres prônent ouvertement l'annexion de la Cisjordanie.
Après sa rencontre avec M. Trump en février, M. Netanyahu avait indiqué qu'il avait convenu avec l'administration américaine de mettre en place un mécanisme commun pour que la colonisation cesse d'être une pomme de discorde, comme ce fut le cas sous l'administration Obama.
M. Greenblatt est chargé côté américain de la mise en place de ce mécanisme, mais Washington a prévenu qu'il ne fallait pas attendre de résultat spectaculaire de sa mission. Son déplacement est un "voyage d'orientation", a expliqué le porte-parole du département d'Etat, Mark Toner. M. Greenblatt "sera là-bas pour beaucoup écouter" et "obtenir une bonne perspective sur les moyens d'aller de l'avant", selon lui.
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