Rechercher
Rechercher

Liban - Tribune

Plaidoyer pour un mode de scrutin uninominal fondé sur 112 petites circonscriptions

« Nous voulons une nouvelle loi ! », « Nous voulons une loi plus représentative ! »...
Tant d'enjeux, tant d'intérêts, mais aussi tant d'incompréhension !

Ce cri du cœur qu'un grand nombre de Libanais poussent exprime par lui-même non seulement un besoin démocratique profond, mais également une défiance à l'égard de certains acteurs politiques qui se sont octroyé le droit de décider, entre eux, de la nouvelle loi électorale. Toujours la logique du club fermé. Normalement, le choix d'une loi électorale doit s'accompagner d'une description des objectifs recherchés. Certes, la loi électorale ne pourra pas résoudre tous nos maux, elle aura en revanche des conséquences durables sur le paysage politique libanais, sur la gouvernance du pays et sur le rapport entre le citoyen et les institutions.

Par conséquent, il est impératif de poser les bonnes questions et de tenter d'y répondre, par un projet de loi qui sert bien les objectifs d'intérêt général. C'est cette démarche qui devrait d'ailleurs être adoptée dans l'exercice par les parlementaires ou les ministres de leurs fonctions.
Pour choisir la loi la plus appropriée, il faudrait donc que ceux qui proposent des projets expliquent aux citoyens quel est l'objectif recherché et pourquoi le projet proposé permettrait d'y parvenir. À ce jour, le seul objectif déclaré, avec beaucoup d'aplomb par les rédacteurs de ces projets, est de garantir leurs propres intérêts. La réalité, c'est qu'on a atteint un niveau où nul ne se préoccupe d'édulcorer ses abus. Si on veut une loi appropriée, il nous faut déterminer quel type de Parlement, quel type de parlementaires et quelle organisation politique nous voulons pour notre pays. Est-ce que nous recherchons un Parlement représentatif d'espaces géographiques ? De courant d'idées ? De communautés ? Ou de partis politiques ? Voulons-nous des parlementaires qui n'ont d'existence politique que par leur appartenance à des partis politiques, ou des élus assujettis à des « zaïms » locaux ? Ou bien des députés certes engagés politiquement mais disposant, chacun, d'une représentativité effective ? Voulons-nous donner à chaque citoyen les moyens de participer de manière effective au choix des parlementaires et par la suite à leur éventuelle sanction ? Voulons-nous préserver la diversité de notre nation ou perpétuer un rapport de force et une crispation intercommunautaire ? Sommes-nous disposés à donner à de nouveaux acteurs les moyens de participer à la vie politique ou voulons-nous maintenir un club fermé qui s'autogénère ?

Les citoyens ne sont pas dupes. Pour le moment, les véritables motivations de ceux qui se sont arrogé le pouvoir de décider de la future loi électorale consistent à se distribuer entre eux le plus grand nombre possible de sièges au Parlement. Il ne s'agit pas là de la meilleure approche pour le pays. Enfin, qui détient la souveraineté au Liban : les communautés ? Les partis politiques ? Ou bien le peuple ?

a. La loi communément appelée « loi orthodoxe » vise à donner au Parlement une représentativité confessionnelle. L'Assemblée serait alors une chambre communautaire et les électeurs seraient répartis suivant ce seul critère. Le débat politique s'organiserait alors à l'intérieur de chaque communauté. Les partis confessionnels se retrouveraient seuls au Parlement. Le vote serait alors confessionnel.

b. Les projets de loi établis sur une base proportionnelle tendent, en principe, à donner un caractère partisan à la représentativité de l'Assemblée. En effet, la loi proportionnelle impose aux électeurs de choisir entre des listes préétablies par les partis ou les mouvements politiques, indépendamment du choix des candidats et de leur qualité personnelle. Le vote est alors partisan !
Les candidats ne devront plus se préoccuper que d'être « pris » dans une liste. Ils n'auront pas individuellement à répondre aux aspirations de leurs électeurs mais à satisfaire les exigences des « faiseurs de listes ». La loi proportionnelle engendre, en outre, invariablement une instabilité gouvernementale encore plus grande que celle que l'on connaît actuellement au Liban. Les pays qui ont adopté ce système comme l'Italie et la Grèce en sont la meilleure démonstration. En effet, avec la loi proportionnelle une multitude de partis entrent au Parlement mais seules des coalitions peuvent gouverner.

c. Le projet de circonscription unique à la taille du Liban au vote proportionnel, c'est-à-dire celui qui consiste à élire tout le Parlement en choisissant des listes bloquées de 128 candidats, est un projet qui vise, en réalité, à accorder aux communautés majoritaires numériquement une influence beaucoup plus grande qu'aux autres communautés avec, en outre, les inconvénients précités.

d. Les projets de loi mixte présentent une première caractéristique, celle d'assurer la survie du moins partielle de la loi actuelle décriée par tous. Faire survivre cette loi ne s'explique que par les intérêts partisans des rédacteurs de la loi.
En outre, la loi mixte permet d'additionner les inconvénients de chacun des deux systèmes sans compter que, par sa complexité, elle empêche l'électeur de comprendre comment ses votes seront décomptés. Les rédacteurs des projets de lois mixtes ne se distinguent pas par leurs soucis d'adopter la meilleure loi représentative mais tout simplement et sans vergogne de se répartir l'électorat qu'ils considèrent à jamais captifs du clientélisme. Après Doha, les rédacteurs de la « loi de Doha » ont crié « victoire » avec un grand V en nous annonçant, avec une suffisance devenue habituelle, qu'ils ont décroché la bonne loi qu'ils considèrent maintenant comme étant inique. Il est évident que la même logique continue de prévaloir. Ce ne sont pas seulement les lois mixtes qu'il faut rejeter mais également la logique qui sous-tend leur rédaction et qui appartient à un monde archaïque qu'il nous appartient de dépasser.

e. Après une longue analyse, il nous est apparu que la loi électorale la plus adaptée à la société libanaise, et la plus apte à donner une représentativité conforme à la situation sociopolitique du pays, est le projet uninominal à scrutin majoritaire. Chaque circonscription élisant un député avec 112 circonscriptions (Beyrouth, Tripoli et Saïda auront un régime légèrement adapté à la spécificité de ces trois grandes villes). Le vote serait alors un vote de proximité !

Lorsque nous avons, au sein du parti Kataëb, élaboré le projet de loi majoritaire à circonscription uninominale, nous avions, au préalable, fixé certains objectifs à atteindre :
1. Une représentation juste et un respect de la diversité communautaire et géographique ;
2. Une préservation de l'ordre logique de représentativité, qui répond aux exigences géographiques et aux particularités de la diversité de la société communautaire et politique nationale.
3. Des candidats disposant d'une véritable crédibilité à l'égard de leurs électeurs ;
4. Des électeurs disposant d'une véritable influence sur le choix des parlementaires et éventuellement sur leur sanction ;
5. Un Parlement qui génère de grands courants politiques capables d'engendrer une majorité et une opposition transcommunautaires ;
6. Une possibilité sérieuse pour de nouveaux acteurs de participer à la vie politique.
7. Un système qui permettra aussi d'engendrer une meilleure gouvernance.

Il est indiscutable que les petites circonscriptions, par nature, assurent une véritable représentation géographique et empêchent une frustration communautaire puisqu'un certain nombre de circonscriptions auront des électeurs avec une confession prédominante. Ce système préserve, néanmoins, un vote communautairement mixte, contrairement à la « loi orthodoxe », dans un nombre conséquent de circonscriptions. En outre, les candidats qui se soumettent aux suffrages dans une petite circonscription doivent avoir une crédibilité, être connus des électeurs et présenter à leurs yeux une légitimité. Un inconnu ne peut être élu en comptant, comme c'est le cas actuellement, exclusivement sur son adhésion aveugle à un parti ou à un « zaïm ». Le candidat est contraint à un travail de terrain dans sa circonscription. Les électeurs, à leur tour, prendront de l'importance individuellement aux yeux des candidats puisque dans les circonscriptions de petites tailles, chaque vote comptera. Ces mêmes électeurs comprendront, de leur côté, qu'ils peuvent sanctionner leurs élus.

Par ailleurs, de petites circonscriptions génèrent à terme de grands axes. C'est bien ce que l'on a observé dans la plupart des pays qui ont adopté le système uninominal, notamment la France, l'Angleterre, les États Unis et le Canada. Par conséquent, une majorité parlementaire et une opposition efficace pourront en résulter. De plus, contrairement aux autres modes de scrutin, de nouveaux acteurs pourront participer aux élections en choisissant de petites circonscriptions sans être obligés de disposer de moyens financiers colossaux qu'une campagne menée dans de grandes circonscriptions exige. Enfin, les partis politiques seront obligés de tenir compte des exigences de l'opinion publique. En effet, les élus font remonter naturellement à la direction des partis politiques l'état de l'opinion.

Il n'y a pas de secret. Les grandes démocraties ont retenu les petites circonscriptions. Ce sont généralement les pays les mieux gouvernés et qui disposent d'une stabilité au niveau de l'exécutif avec une alternance saine. Par ailleurs, la loi électorale devra également prévoir la lutte contre l'argent, la représentativité féminine et toutes les exigences d'une transparence. Néanmoins, il faudrait cesser de mentir aux Libanais. Une bonne loi électorale est nécessaire, elle est même indispensable. En revanche, la loi ne permettra pas, par elle seule, de remettre tout en ordre, même si elle y contribuera. En effet, afin de remédier à la corruption endémique, au clientélisme, à l'absentéisme dans les administrations, à la centralisation destructrice, aux crispations communautaires et bien évidemment aux armes en dehors des forces armées gouvernementales, il nous sera nécessaire d'établir des lois remédiant à chacun de ces problèmes séparément. Cependant, tout doit commencer par un changement de mentalités. Les représentants et les gouvernements doivent apprendre à œuvrer pour des objectifs qui répondent à l'intérêt national, et l'opinion publique doit s'habituer à sanctionner.

C'est pourquoi je soutiens et je plaide pour la loi des 112 circonscriptions et pour que l'on cesse de créer de fausses causes pour nous servir de faux remèdes.

 

Lire aussi 

Berry évoque la Constituante : incitation ou menace ?

Antoine Haddad : La proposition orthodoxe est un pas en arrière

Nos focus sur la loi électorale 

Loi électorale (I) : Une réforme pour quoi faire ?

Loi électorale (II) : La proportionnelle est-elle le remède ?

Loi électorale (III) : Uninominale, mode hybride et autres mixtures...

Loi électorale (IV) : Le découpage, clé de la représentation chrétienne

« Nous voulons une nouvelle loi ! », « Nous voulons une loi plus représentative ! »...Tant d'enjeux, tant d'intérêts, mais aussi tant d'incompréhension !
Ce cri du cœur qu'un grand nombre de Libanais poussent exprime par lui-même non seulement un besoin démocratique profond, mais également une défiance à l'égard de certains acteurs politiques qui se sont octroyé le droit de...

commentaires (9)

IMAGINEZ-VOUS 112 OU 128 DEPUTES ELUS ET QUE RIEN N,ENCHAINE ENTRE EUX... L,ETOILE SERAIT UN LIEU DE RENDEZ-VOUS DE SOURDS ET DE MUETS... BEAUCOUP PLUS VASTE QUE CE QU,IL EN EST AUJOURD,HUI... 128 AVIS CONTRAIRES... LE CHAOS !

LA LIBRE EXPRESSION

19 h 55, le 28 février 2017

Tous les commentaires

Commentaires (9)

  • IMAGINEZ-VOUS 112 OU 128 DEPUTES ELUS ET QUE RIEN N,ENCHAINE ENTRE EUX... L,ETOILE SERAIT UN LIEU DE RENDEZ-VOUS DE SOURDS ET DE MUETS... BEAUCOUP PLUS VASTE QUE CE QU,IL EN EST AUJOURD,HUI... 128 AVIS CONTRAIRES... LE CHAOS !

    LA LIBRE EXPRESSION

    19 h 55, le 28 février 2017

  • QUAND TOUT SE FAIT ET SE FERA PAR ENTENDEMENT COMMUNAUTAIRE -TAWAFO2- DE TOUTE FACON... LA LOI FERZLIOTE EST LA PLUS JUSTE... TOUS LES PROJETS DE LOIS MIXTES SOIENT-ILS OU AUTRES SUR LA TABLE NE SE FONT QUE PAR LE TAWAFO2 COMMUNAUTAIRE... MEME LA PROPORTIONNELLE A L,ECHELLE DU PAYS EST PROPOSEE COMMUNAUTAIREMENT POUR NE SERVIR QUE CEUX QUI LA PROPOSENT... LE TAWAFO2 EST LE DESTIN DU LIBAN !

    LA LIBRE EXPRESSION

    19 h 51, le 28 février 2017

  • Bravo on ne peut etre plus clair...vous avez de qui tenir...bonne chance pour le projet...

    Soeur Yvette

    16 h 54, le 28 février 2017

  • Merci M. Gemayel pour cet article bien argumenté. Effectivement, le mode de scrutin uninominal majoritaire est, à notre avis, le plus adapté à notre pays. Mais votre article n’explique pas le pourquoi des 112 circonscriptions, étant entendu que ce mode de scrutin prévoit 1 député par circonscription? Entendez-vous réduire le nombre total de députés auquel cas il vaudrait peut-être mieux retenir le nombre prévu par les accords de Taëf ? Qu’entendez-vous par donner à Beyrouth, Tripoli et Saïda « un régime légèrement adapté à la spécificité de ces trois grandes villes » ? Cela veut-il dire que vous prévoyez un nombre supérieur de députés pour ces 3 villes, ce qui pourrait être considéré comme discriminatoire et pourrait s’avérer contestable? De plus, il devrait s’agir d’un scrutin uninominal à 2 tours.

    Citoyen volé

    16 h 50, le 28 février 2017

  • Et même 128 circonscriptions, et non seulement 112 alors....

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    11 h 35, le 28 février 2017

  • il est trop tard pour faire appel au peuple/lecteurs. Les differents regimes (depuis au moins 1975) lui ont pris le pouvoir et maintenant on ne peut rien faire. Vous avez renouvelle la chambre et on n'a pas eu notre mot a dire. Pour rappel, c'est votre oncle qui nous a mis en selle un certain aoun. Mettre un general a la tete du pays au lieu d'un civil...et maintenant vous venez vous plaindre

    George Khoury

    11 h 01, le 28 février 2017

  • Pourquoi pas ce projet "uninominal à scrutin majoritaire. Chaque circonscription élisant un député avec 112 circonscriptions" etc. Mais qu'il soit alors à deux tours.... Yâ Nadîm.

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    10 h 55, le 28 février 2017

  • BON MAIS JE LUI PREFERE LE PROJET DE LOI FERZLIOTE DIT ORTHODOXE POUR UNE MEILLEURE REPRESENTATION ENCORE DE CHAQUE COMMUNAUTE...

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 11, le 28 février 2017

  • Bravo! On ne peut être plus clair. Malheureusement, comme je l'ai déjà dit, ce mode de scrutin, le plus démocratique qui soit, lèse tellement d'intérêts qu'il n'a aucune chance d'être retenu.

    Yves Prevost

    07 h 45, le 28 février 2017

Retour en haut