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Nos Lecteurs ont la Parole - Khalil HACHEM

Projet électoral : compromis libanais et moment de vérité

Du fait que la Chambre des députés est la porte qui mène à l'ensemble des institutions de l'appareil de l'État, la loi électorale qui en découle en est la clé. Cependant, les discussions autour de la loi électorale resteront stériles tant que les différentes forces politiques ne se sont pas engagées à traduire la coexistence islamo-chrétienne comme proposée dans les accords de Taëf par un équilibre parfait au Parlement entre chrétiens et musulmans.
Le débat électoral se situe aujourd'hui à deux niveaux. Celui des partis chrétiens, qui cherchent à introduire le système proportionnel et qui a pour finalité de limiter le nombre d'interlocuteurs chrétiens. Celui des partis politiques Amal, Futur, Hezbollah et PSP, qui cherchent à maintenir leur mainmise sur un nombre conséquent de sièges qui reviennent aux chrétiens.
Les accords de Taëf sur la loi électorale fixent le nombre de députés à 108 et délimitent la circonscription électorale par le mohafazat. Ce découpage administratif est purement arbitraire, puisque le nombre de mohafazats peut constamment évoluer. C'est ainsi qu'en 2003, deux nouveaux mohafazats ont été créés. Pour rappel, le mohafazat était la circonscription électorale adoptée pour les élections législatives de 1943-1947 et en partie de 1951.
Les accords de Taëf introduisent également la déconfessionnalisation de la Chambre des députés. Ces accords et la Constitution ont malheureusement mis en application des mécanismes contradictoires : d'un côté, l'abolition du confessionnalisme politique, et de l'autre, le maintien des postes dans l'administration de l'État d'après une distribution égale entre les communautés. De plus, et jusqu'à ce jour, le Parlement n'a toujours pas réussi à voter une loi sur le statut personnel qui soit commune à tous les Libanais. Aussi, il me semble évident que le Liban a pu survivre à l'actuel déchirement régional grâce à sa Constitution qui protège le rôle des communautés mais aussi limite l'influence politique d'une communauté sur les autres.
Enfin, Taëf distribue les sièges parlementaires selon la formule suivante : à égalité entre chrétiens et musulmans ; proportionnellement entre les communautés de chacune de ces deux catégories, et proportionnellement entre les régions.
Les statistiques officielles montrent que d'une part les électeurs chrétiens représentent 37 % des électeurs inscrits sur les listes électorales. D'autre part, lors des dernières élections législatives, plus de 85 % des électeurs sunnites-druzes votaient pour les candidats du 14 Mars et plus de 85 % des électeurs chiites-alaouites et arméniens votaient pour les candidats du 8 Mars.
En connaissance de cause, le patriarche Sfeir, principal interlocuteur chrétien lors des accords de Taëf, avait déclaré en juin 2005 à la veille des élections législatives : « Taëf nous accorde 64 députés, nous avons le droit d'élire 64 députés. » Une grande partie des électeurs chrétiens, toutes tendances politiques confondues, continue de se demander si l'élection de plus de la moitié des députés chrétiens par un électorat principalement non chrétien reste le seul garant du vivre-ensemble, et quelle place peut avoir un électeur chrétien lorsqu'il fait face à un courant de pensée unique...
Il est important de rappeler que la rue chrétienne ne se limitera jamais à une ou quelques figures politiques. Elle est et restera libre et diversifiée. L'électorat chrétien qui avait accordé à 70 % sa confiance au général Aoun en 2005 lui accordera moins de 50 % en 2009. En répliquant le découpage électoral de 1952 et 1957 qui assurait une meilleure représentation des chrétiens sur les élections de 2009, le CPL n'aurait pas eu de député dans la circonscription du Metn, puisque en 1952 et 1957, le Metn était partagé en deux circonscriptions : Metn et Bourj Hammoud. En comptabilisant uniquement les voix des électeurs chrétiens dans les circonscriptions de Baabda et de Jbeil, les députés du CPL n'auraient sans doute pas tous réussi. Toujours en comptabilisant les voix des électeurs chrétiens dans la circonscription du Akkar, les trois députés chrétiens du Futur ont eu un score inférieur à leurs opposants. Le même cas se reproduit avec les quatre députés FL de Zahlé. Il ne faut pas oublier aussi qu'une grande partie des électeurs chrétiens ne participe pas aux élections dans les circonscriptions qui connaissent une certaine domination politique, comme le Sud, Baalbeck-Hermel, Chouf, Beyrouth II et III, Akkar et d'autres. Du fait de la sous-représentation parlementaire et de l'abstention des électeurs chrétiens au scrutin ; ainsi ils se rassemblent dans un « canton » et l'opération de transfert de la dimension nationale à la dimension confessionnelle s'effectue. Le Liban perd donc son vivre-ensemble.
Aujourd'hui, il nous faut reconstruire le pacte national de là où nous sommes en ce moment en mettant en place un mécanisme qui limite l'action des partis politiques communautaires mais aussi qui préserve le rôle politique des communautés. La loi électorale la plus adaptée au Liban sera celle qui ressemble le plus au Liban et aux Libanais d'aujourd'hui. La proposition ci-dessous est un compromis entre la loi de 1960, le principe du projet orthodoxe, la proposition faite par le courant du Futur le 5 février 2013 et la proposition mixte. Elle prend aussi en compte les principes de l'accord de Taëf relatifs à ce sujet.
Dans les principes de la proposition, le type de scrutin est majoritaire plurinominal à un tour ; le nombre de députés est de 108 et leur distribution selon Taëf ; la circonscription électorale est le caza ou le mohafazat, et le type de circonscriptions électorales est le suivant : chrétiens non arméniens (15) – arméniens (3) – musulmans non alaouites (20) – alaouites (1).

Proposition de découpage électoral
39 circonscriptions, 108 députés.
54 députés chrétiens : 29 maronites ; 10 grecs-orthodoxes ; 7 grecs-catholiques ; 4 arméniens-orthodoxes ; 1 syriaque (catholique ou orthodoxe) ; 1 arménien-catholique ;
1 protestant ; 1 minorités chrétiennes.
54 députés musulmans : 23 sunnites ; 23 chiites ; 7 druzes ; 1 alaouite.
Mohafazat de Beyrouth : 3 circonscriptions
Mohafazat de Beyrouth – arménien : 2 arméniens-orthodoxes ; 1 arménien-catholique.
Mohafazat de Beyrouth – chrétien : 2 grecs-orthodoxes ; 1 maronite ; 1 grec-catholique ; 1 protestant ; 1 syriaque (catholique ou orthodoxe) ; 1 minorités chrétiennes.
Mohafazat de Beyrouth – musulman : 5 sunnites ; 1 chiite.
Mohafazat du Mont-Liban : 11 circonscriptions
Mohafazat du Mont-Liban – arménien : 1 arménien-orthodoxe.
Caza de Jbeil et Kesrouan – musulman : 1 chiite.
Caza de Jbeil – chrétien : 2 maronites.
Caza du Kesrouan – chrétien : 4 maronites.
Caza du Metn – chétien : 3 maronites ; 1 grec-orthodoxe ; 1 grec-catholique.
Caza de Baabda – chrétien : 3 maronites.
Caza de Baabda et Metn – musulman : 1 chiite ; 1 druze.
Caza de Aley – chrétien : 1 maronite ; 1 grec-orthodoxe.
Caza de Aley – musulman : 2 druzes.
Caza du Chouf – chrétien : 2 maronites ; 1 grec-catholique.
Caza du Chouf – musulman : 2 druzes ; 1 sunnite.
Mohafazat du Akkar : 2 circonscriptions
Mohafazat du Akkar – musulmans : 4 sunnites.
Mohafazat du Akkar – chrétien : 1 grec-orthodoxe ; 1 maronite.
Mohafazat du Liban-Nord : 6 circonscriptions
Circonscription Akkar – alaouite (alaouites des mohafazats du Akkar et du Nord) : 1 alaouite.
Caza de Batroun et Koura – chrétien : 2 maronites ; 2 grecs-orthodoxes.
Caza de Becharré – chrétiens : 2 maronites.
Caza de Zghorta ; Minieh-Dennieh et Tripoli – chrétien : 3 maronites ; 1 grec-orthodoxe.
Caza de Tripoli ; Koura et Batroun – musulman : 5 sunnites.
Caza de Minieh-Dennieh et Zghorta – musulman : 2 sunnites.
Mohafazat de Baalbeck-Hermel : 3 circonscriptions
Mohafazat Baalbeck et Hermel – chrétien : 1 maronite ; 1 grec-catholique.
Caza de Baalbeck – musulman : 4 chiites ;1 sunnite.
Caza de Hermel – musulman : 1 chiite.
Mohafazat de la Békaa : 5 circonscriptions
Mohafazat de la Békaa – arménien : 1 arménien-orthodoxe.
Mohafazat de la Békaa – chrétien : 2 grecs-catholiques ; 1 maronite ; 1 grec-orthodoxe.
Caza de Zahlé – musulman : 1 sunnite ; 1 chiite.
Caza de la Békaa-Ouest – musulman : 1 sunnite ; 1 chiite.
Caza de Rachaya – musulman : 1 druze ; 1 sunnite.
Mohafazat de Nabatiyeh : 5 circonscriptions
Mohafazat Nabatiyeh – chrétien : 1 maronite ; 1 grec-catholique.
Caza de Nabatiyeh – musulman : 3 chiites.
Caza de Bint Jbeil – musulman : 3 chiites.
Caza de Marjeyoun – musulman : 2 chiites.
Caza de Hasbaya – musulman : 1 sunnite ;1 druze.
Mohafazat du Liban-Sud : 4 circonscriptions
Mohafazat du Sud-Liban – chrétien : 2 maronites ; 1 grec-catholique.
Caza de Saïda – musulman : 1 sunnite.
Caza de Zahrani et Jezzine – musulman : 2 chiites.
Caza de Tyr – musulman : 3 chiites.

Khalil HACHEM

Du fait que la Chambre des députés est la porte qui mène à l'ensemble des institutions de l'appareil de l'État, la loi électorale qui en découle en est la clé. Cependant, les discussions autour de la loi électorale resteront stériles tant que les différentes forces politiques ne se sont pas engagées à traduire la coexistence islamo-chrétienne comme proposée dans les accords de...

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