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Nos Lecteurs ont la Parole - Louis INGEA

La sortie du néant est déjà un miracle

(à l'approche du carême dans la communauté chrétienne )

Il est réjouissant de constater, ces derniers temps, le nombre d'hommes et de femmes qui se penchent avec quelque intelligence sur leur propre destin. Ce n'est pas que le phénomène soit une nouveauté. La tendance en question ne s'est jamais ralentie depuis que l'homme s'est découvert sapiens. La nouveauté dans nos sociétés est le fait qu'après des siècles de concentration sur le comment des choses, on ait fini par acquérir, contrairement à la maîtrise d'une science, une connaissance plus approfondie de l'âme humaine. Le temps y aura été un facteur décisif. Sans la maturation due au temps, nulle conclusion ne peut faire surface pour expliquer l'interaction des éléments charnels et spirituels qui structurent cet agglomérat unique en son genre impliquant à la fois matière et esprit, et qui est tout simplement l'être humain.
Depuis que l'homme est homme, son comportement est dicté par sa prise de conscience de lui-même. Cette prise de conscience l'amène vers la réflexion, laquelle lui sert de moteur dans tous ses agissements. Il se rend compte alors que l'immédiat en toute chose a la primauté sur l'intellect. Parce que l'immédiat relève de l'impulsivité et que l'impulsivité est la manifestation spontanée de nos origines animales. Or la constitution du genre humain, tout en étant plus complexe que la seule notion d'un esprit pur, crée le problème fondamental. Les besoins de la chair font concurrence à la sérénité objective du spirituel. Et comme ces deux réalités se partagent le temple charnel de notre personne, l'opposition devient inévitable entre les deux tendances de l'individu. D'où l'inconfort de toute vie personnelle. Dans ces conditions, qu'est-ce que le péché sinon l'invasion puis la victoire momentanée de l'élément charnel sur ce parfum spirituel qui habite la race humaine ? Les misères d'un pareil défi auront par conséquent régi notre monde telle une fatalité tyrannique... jusqu'à l'apparition « incarnée », à un moment précis de l'histoire de l'humanité, de l'esprit universel sous la forme de l'être étrange que fut Jésus, fils de Marie.
Que l'on soit croyant en un au-delà ou détracteur de toute notion immatérielle, personne ne peut nier que, depuis le passage de Celui qui s'est présenté comme l'accomplissement de la révélation hébraïque, l'univers ait changé de cap. Le mal ne fut plus considéré comme un déchet mais comme un manquement au bien, une trahison envers l'harmonie de la vie. La lutte entre la conscience de soi et les pulsions de l'instinct entamait dès lors une marche culpabilisante, provoquant dans la vie quotidienne du croyant un déséquilibre douloureux où le mal que l'on commettait et que l'on n'aimait pas damait le pion au bien que l'on préférait et que l'on ne faisait pas. L'épître célèbre de Paul de Tarse, à ce propos, le confirme magistralement. La faiblesse de la matière reste par ailleurs une tare incontournable que nul ne pourra jamais étouffer. Il faut se rendre à l'évidence et constater que le développement du monde matériel, grâce paradoxalement à la puissance de l'esprit, semble avoir pris le dessus sur celui de la spiritualité. On se serait attendu, il est vrai, à un progrès concomitant entre la perfection de la sphère matérielle et celle de la spiritualité. Sauf que tel n'a pas été le cas .
Des esprits éclairés ont pu déceler, après l'ivresse des découvertes depuis l'époque de la Renaissance, le dramatique hiatus qui allait en s'élargissant entre les visées du Ciel et celles de la Terre. D'aucuns, parmi eux, n'ont cessé de saper l'existence du Ciel, se refusant à considérer, tant la suffisance de leur statut de chercheurs et de scientifiques les aveugle, que leurs travaux, somme toute, n'ont trait qu'au « comment » des choses. Le « pourquoi » ne les a jamais inquiétés. Ils s'en dédient parce qu'ils en ont peur ou que leur propre orgueil les en empêche. Voilà peut-être l'une des raisons qui remet en valeur ceux qui, aujourd'hui, se tournent vers l'Esprit universel qui est Dieu. Y revient-on en désespoir de cause parce que rien n'est résolu sur le plan du bonheur terrestre ? Ou bien par saine réaction contre l'absurde et la nécessité d'une résurgence de l'espérance dans l'absolu ? Les choses étant ce qu'elles sont, nous sommes en droit de nous intéresser à la réflexion de ces penseurs chrétiens qui, tel Teilhard de Chardin au siècle dernier, tentent de percer le mystère du mal et de la finalité du monde.
De nos jours, l'intelligence humaine n'est plus comparable à ce qu'elle fut par le passé. La maturation et l'expérience ont eu le temps de modeler nos cerveaux jusqu'à un point jamais atteint auparavant. Or, plus la vie se développe, plus l'état des choses se complique. Plus les difficultés augmentent et plus les menaces d'anéantissement se précisent ... Menaces atomiques, technologiques, écologiques. Dorénavant, il nous faut regarder toute chose en face. À ce niveau, ne peut être en évidence ni s'expliquer que l'idée de la foi. La vraie croyance en un monde parallèle au nôtre, celui de l'Esprit, dont on ressent en permanence la présence autour de nous. On sait que toute réalité n'est pas forcément visible. Mais elle est palpable, sinon dans sa forme, du moins dans ses effets. Le nier serait un non-sens, et je m'étonne, ici, de l'attitude de certains hommes de science, cultivés, intelligents, qui persistent à ignorer l'élément divin alors qu'ils doivent leur gloire professionnelle à la seule réalité de l'Esprit qui les guide. Il nous faut donc jouer franc jeu. Et faire face à ces débordements coriaces sinon dégradants. L'Esprit est là ! Il gère l'univers avec une précision d'horloger. Il est temps d'en réaliser l'importance et de s'y tenir .
La puissance des appétits humains manipulant la matière nous aura amenés jusqu'à l'ère de la technologie, des robots, du clonage et de la déshumanisation, voire de la disparition dans un proche avenir de l'humanité entière. Au point qu'a été écrit sous la plume d'un grand analyste : « Nous ne vivons plus dans une époque mais dans un délai. » Insoutenable situation que tout homme refuse du fond de ses entrailles. Le mot « salut » reprend son sens. Il nous suffit de saisir les moyens d'y parvenir, des moyens humains, donc pauvres et simples, plus proches des évidences que des calculs. Ceux qui en porteraient la généreuse mission seraient, à mon sens, les croyants chrétiens... à la condition d'avoir assimilé l'enseignement du Christ sans les fioritures subies par la doctrine de l'Église au fil des temps. Le christianisme donc tout nu ! Tel qu'il est sorti de la bouche du Rédempteur lui-même. L'Évangile dans son élan premier et son message transparent ! Ainsi, le mal, qui n'est plus qu'absence de bien, et le péché, inscrit dans la texture de notre chair, ne cesseront pas d'accompagner toute vie humaine. « Le mal n'est pas un problème à résoudre, mais un mystère à endurer. » Il ne s'agit plus de l'éradiquer ni de poursuivre vainement un combat sans issue. Il nous faut aller droit à travers l'obstacle de nos faiblesses. Il nous faut garder intacte notre foi en la bonté suprême de l'Esprit. Comprendre que nous n'avons pas apparu par hasard sur terre pour disparaître sans laisser de traces.
Car notre sortie du néant gomme tout retour en arrière. Le grand, le seul miracle, c'est bien celui-là...

Louis INGEA

(à l'approche du carême dans la communauté chrétienne )
Il est réjouissant de constater, ces derniers temps, le nombre d'hommes et de femmes qui se penchent avec quelque intelligence sur leur propre destin. Ce n'est pas que le phénomène soit une nouveauté. La tendance en question ne s'est jamais ralentie depuis que l'homme s'est découvert sapiens. La nouveauté dans nos sociétés est...

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