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Sur le web salafiste, un ours qui prie et des jouets sans yeux

Des sites de rencontres au dentifrice "halal", en passant par la location de logements en ligne, rien n'échappe au "renforcement de l''islamic way of life'", observe un sociologue.

Sur des sites musulmans rigoristes, des jouets pour enfants récitent le Coran. AFP/Archives / JOSEPH EID

Repli communautariste, démonstration de foi ou dernière niche consumériste? Sur des sites musulmans rigoristes, les jouets pour enfants récitent le Coran, d'autres n'ont pas d'yeux, épousant une vision de l'islam qui interdit leur dessin.

"Mon nounours Hamza", truffe en forme de coeur, ventre proéminent, désigné "peluche préférée des enfants musulmans" par ses fabricants, discourt quand on lui presse les oreilles. "Je fais la prière cinq fois par jour. Allah aime ceux qui font la prière", dit d'une voix aiguë l'ours blanc disponible en deux versions, avec ou sans mirettes.

Les parents intéressés par Hamza adoreront le "mobile coranique". Dans leurs lits à barreaux, leurs nouveaux-nés pourront contempler ces "petites figurines" en plastique, colorées mais "sans visage", vante un vendeur sur YouTube.

De tels jouets se sont vendus par milliers, affirme Ahmed, fondateur du premier site francophone de vente pour ce type de produits, mooslim-univers.com, qu'il a revendu depuis. "On était toujours en rupture" de stock, poursuit cet homme de 29 ans, qui préfère ne pas communiquer son nom.

L'artisanat suit la tendance. Le blog oumsoumeyya.com - pour Oum Soumeyya, "la mère de Soumeyya" en arabe - liste les confectionneuses de "poupées sans visage". "Si cette pratique se répand, nous ne serons plus vus comme des gens anormaux", écrit-elle. Interrogée par l'AFP, cette femme de 29 ans, mère au foyer malgré un diplôme universitaire, faute selon elle d'avoir trouvé un employeur s'accommodant de son voile, justifie l'absence d'yeux comme "le symbole de l'absence d'âme, donc d'absence de vie".

"Comme un musulman croit qu'Allah est le seul et unique créateur, ajouter des yeux à un jouet serait en quelque sorte une 'revendication' d'être créateur, alors que seul Allah peut créer", ajoute la blogueuse avide de "science religieuse", qui préfère aussi rester anonyme.

 

(Lire aussi : France : Le frère du jihadiste Merah entame une marche contre l'intégrisme)

 

Marché du halal
"Foutaises", rétorque Tareq Oubrou, recteur de la grande mosquée de Bordeaux (sud-ouest), figure libérale de l'Union des organisations islamiques de France (UOIF). Si une interdiction de sculpter des visages existait bien dans l'islam il y a plusieurs siècles, du temps des "statues idolâtres", aucune "mise en garde" n'existe pour les jouets car "l'enfant ne va pas transformer une poupée en idole", insiste-t-il. Et de vilipender "les marchands du temple", qui "cultivent l'ignorance des gens pour leur vendre n'importe quoi".
L'entrepreneur Ahmed n'est pas d'accord. "On ne cherche pas à corrompre un marché. Comme on vise un public, on prend ses codes", répond-il.

Mais les jouets ne sont qu'un segment mineur d'un marché "islamique" dont le seul volet alimentaire est évalué en France à 5,5 milliards d'euros. Car la tendance à la "halalisation" est générale. Des sites de rencontres au dentifrice "halal" (c'est-à-dire permis, licite), en passant par la location de logements en ligne, rien n'échappe au "renforcement de l''islamic way of life'", évident sur la toile, observe le sociologue Mohamed Ali Adraoui.

Les jouets coraniques procèdent d'une telle logique. "Il y a une volonté que l'enfant baigne 24 heures sur 24 dans un substrat religieux", analyse le sociologue Samir Amghar, pour qui ce comportement est apparu dans les années 1990 avec "l'émergence d'une génération conservatrice, islamisée ou ré-islamisée". Avec en fer de lance les salafistes, qui revendiquent un retour à un islam des origines, rigoriste, se distinguent souvent par des signes extérieurs (longue barbe, tunique s'arrêtant au-dessus des chevilles), mais restent très minoritaires parmi les quelques cinq millions de musulmans vivant en France.

Sur le web salafiste, des mères appellent aussi leurs "soeurs" à sortir leur progéniture de l'école publique, pour éviter qu'elle soit "éduquée par des mécréants". "Ils sont dans l'identitaire, dans la contre-culture", dénonce l'imam Tareq Oubrou, qui craint des "dégâts" pour les enfants ainsi éduqués qui, faute d'être "comme les autres", finissent "dégoûtés de l'islam". Et d'ironiser: ils passent alors "d'une poupée sans yeux à une Barbie en minijupe".

 

 

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commentaires (1)

où je travaille dans les toilettes pour hommes , il y a des bouteilles d'eau vides, nous avons un nouveau distributeur de sandwichs, il y a maintenant aussi du hallal

Talaat Dominique

17 h 12, le 19 février 2017

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Commentaires (1)

  • où je travaille dans les toilettes pour hommes , il y a des bouteilles d'eau vides, nous avons un nouveau distributeur de sandwichs, il y a maintenant aussi du hallal

    Talaat Dominique

    17 h 12, le 19 février 2017

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