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Disparus de la guerre civile : S'ils pouvaient témoigner... - Pour préserver l’espoir

« Pour ma famille, je ne suis ni vivant... ni mort »

Pour que la cause des personnes disparues au Liban ne tombe pas dans l'oubli, l'ONG Act for the Disappeared a lancé le projet « Fus'hat amal » *. Dans ce cadre, nous publions une série de témoignages fictifs qu'auraient apportés des Libanais arrachés à leur milieu familial et social.

Nazih Mohammad Agha est porté disparu depuis vingt-deux ans.

Mon nom est Nazih, mais tout le monde m'appelait Riad. J'étais marié et j'avais cinq enfants âgés de 2 à 10 ans. Nous vivions à Saïda où j'exerçais le métier de pêcheur. Tous les matins, je me réveillais à l'aube pour partir en mer, puis revenais vendre la pêche du jour à mes clients qui vivaient dans la ville et ses alentours.

Mon fils aîné, Farouk, avait l'habitude de m'accompagner. Depuis quelque temps, toutefois, je refusais qu'il le fasse parce que la situation sécuritaire s'était beaucoup détériorée. J'en avais fait récemment la malheureuse expérience quand des hommes armés m'avaient arrêté. Je n'avais été relâché que grâce à l'intervention d'un de mes clients, un médecin de la région.

Après cet épisode, j'étais devenu plus méfiant. Je ne pouvais néanmoins pas me permettre de limiter mes déplacements, la vente de mes poissons constituant le seul revenu qui me permettait de faire vivre ma famille.
Un jour, alors que je me rendais à Abra, j'ai été arrêté à un barrage. Des personnes qui habitaient le coin, et qui me connaissaient bien pour être mes clients depuis longtemps, ont contacté ma femme Jamilé pour la prévenir que des miliciens m'avaient arrêté. Elle n'a malheureusement pas pu se rendre le jour même au lieu de mon enlèvement, à cause du couvre-feu imposé par les Israéliens.

Le lendemain matin, arrivée à hauteur du barrage, elle a reconnu ma motocyclette. Les hommes armés ont nié m'avoir vu, alors même qu'ils étaient en train de faire frire du poisson, vraisemblablement celui que je transportais la veille. Ma femme est retournée demander de l'aide au médecin qui était intervenu pour ma libération la première fois. Cette fois-ci, ni lui ni personne d'autre n'ont rien pu faire pour moi.

Vingt-deux ans après ma disparition, des restes humains non identifiés ont été retrouvés dans un puits situé près de Saïda. Huit crânes et d'autres restes humains... Ma femme et mes enfants n'ont pas pu savoir si j'étais parmi ces victimes. L'incertitude concernant mon sort n'a jamais été levée. Aujourd'hui, je ne suis ni mort... ni vivant. Cette ambiguïté peut se lire sur les faire-part de mariage de nos enfants : Farouk, Nisrine, Mohammad, Fadi et Ferdos ont voulu que mon nom y figure à côté de celui de leur mère et que la mention « décédée » ne soit pas ajoutée.
Mon nom est Nazih Mohammad Agha (Riad). Ne laissez pas mon histoire s'interrompre ici.

 

* « Fus'hat amal » est une plateforme numérique qui rassemble les histoires des personnes disparues au Liban. Le projet est financé par le Comité international de la Croix-Rouge, l'Union européenne, le National Endowment for Democracy et la Fondation Robert Bosch.
Des histoires d'autres personnes ayant disparu durant la guerre sont disponibles sur le site Web de Fus'hat amal à l'adresse: www.fushatamal.org
Si vous êtes un proche d'une personne disparue, vous pouvez partager son histoire sur le site du projet ou contacter Act for the Disappeared aux 01/443104, 76/933306.

Mon nom est Nazih, mais tout le monde m'appelait Riad. J'étais marié et j'avais cinq enfants âgés de 2 à 10 ans. Nous vivions à Saïda où j'exerçais le métier de pêcheur. Tous les matins, je me réveillais à l'aube pour partir en mer, puis revenais vendre la pêche du jour à mes clients qui vivaient dans la ville et ses alentours.
Mon fils aîné, Farouk, avait l'habitude...

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