Rechercher
Rechercher

Micro-Liban, macro-campagnes

Le Liban a longtemps été une sorte de station douloureuse pour ses amis étrangers venant assurer de leur amitié, de leur solidarité, de leur sympathie (sinon de leur compassion) ce minuscule pays qu'on eût dit poursuivi par la guigne. Guerre civile, invasions militaires et puis invasions de réfugiés, assassinats de leaders politiques, attentats terroristes et autres calamités ont été ainsi la triste occasion de ces réconfortants témoignages.


Grâce au Ciel, ce n'est plus désormais pour nous donner une tape affectueuse sur le dos que les puissants – ou bien les aspirants au pouvoir – nous honorent de leur visite. La route de Jérusalem passe par Beyrouth (et même par Jounieh !), plastronnaient naguère les chefs de la résistance palestinienne : de nos jours, on dirait plutôt que Beyrouth vaut bien un petit détour sur la voie menant au palais de l'Élysée. C'est ce que vient de montrer Emmanuel Macron, qui semble devoir être suivi à la trace par d'autres candidats à la présidentielle française, et non des moindres.


Ce n'est évidemment pas pour obtenir la caution des responsables libanais que le leader d'En Marche a fait le déplacement. Ce n'est pas seulement pour mobiliser l'électorat franco-libanais ou, comme l'affirment d'aucuns, pour lever des fonds destinés à financer sa campagne. C'est surtout, s'accorde-t-on à croire, pour se façonner, se modeler, se bétonner une stature internationale qui viendrait mettre une touche finale à son image de surdoué à qui tout réussit. À quoi les mauvaises langues ajoutent que Macron, qui a été reçu par le chef de l'État Michel Aoun, le Premier ministre Saad Hariri et le patriarche maronite Béchara Raï, a bénéficié, pour cette tournée habituellement réservée aux dirigeants déjà installés, de l'aide discrète du président Hollande.


Quoi qu'il en soit, pourquoi pas Beyrouth pour ces grandes manœuvres électorales se déroulant hors de l'Hexagone ? À cette catégorie particulière de touristes, et mieux encore que Amman, deuxième et dernière étape du voyage de Macron, notre capitale offre un véritable concentré des grandes questions tourmentant cette partie du monde. À Beyrouth, ces distingués hôtes peuvent aborder librement, et d'assez près, la crise de Syrie, le dossier des réfugiés et des migrants, ou celui des chrétiens d'Orient. Mieux encore, l'escale libanaise leur fait faire l'économie d'un embarrassant séjour en Arabie où les exécutions au sabre ont lieu sur la place publique, ou bien d'un shake-hand avec le sulfureux Bachar et le peu démocratique Sissi.


Pour remarquée qu'elle fût des Libanais, la visite d'Emmanuel Macron n'aura pas relégué au second plan ce qu'on appelle déjà, en France, le Penelopegate. Si rompue aux scandales politico-financiers est l'opinion locale qu'elle pourrait ne voir qu'une simple et maladroite indélicatesse dans le salaire consistant perçu, au titre d'assistante parlementaire de son époux, par Mme François Fillon, qui a bénéficié à elle seule en effet de la quasi-intégralité de l'enveloppe allouée à chacun des membres de l'Assemblée française. Au Liban, cette commodité parfaitement légale n'existe pas ; mais on a trouvé mieux, parce qu'on voit plus grand, plus consistant, plus juteux. Parce que, à moins de jouer de malheur, l'impunité des prévaricateurs est garantie. Parce que, même à l'heure des urnes, les électeurs ne font même pas mine de les sanctionner...

Issa GORAIEB
igor@lorientlejour.com

 

Lire aussi

Emmanuel Macron à « L’OLJ » : Les intérêts des chrétiens d’Orient ne sont pas liés à Assad

Le poids du PenelopeGate sur les solides épaules de François Fillon...

Le Liban a longtemps été une sorte de station douloureuse pour ses amis étrangers venant assurer de leur amitié, de leur solidarité, de leur sympathie (sinon de leur compassion) ce minuscule pays qu'on eût dit poursuivi par la guigne. Guerre civile, invasions militaires et puis invasions de réfugiés, assassinats de leaders politiques, attentats terroristes et autres calamités ont été...