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Économie - Liban - Affaires

Le secteur privé rassuré par la détente entre le Liban et le Golfe

À long terme, le tourisme ne devrait pas être le seul bénéficiaire de la normalisation annoncée entre le pays du Cèdre et les États du CCG.

Le nombre d’arrivées de touristes en provenance du Golfe pourrait repartir à la hausse en 2017. Jamal Saïdi/Reuters

La perspective de normalisation des relations diplomatiques entre le Liban et les pays du Golfe, dessinée avec les voyages officiels menés la semaine dernière par le président de la République, Michel Aoun, à Riyad puis à Doha, est accueillie avec un certain optimisme par les milieux d'affaires libanais. « La visite du président pose les bases d'une amélioration des relations économiques entre le Liban et ses partenaires du Golfe », résume le président de l'Association des industriels du Liban (AIL), Fady Gemayel.

Trois décisions ont attiré l'attention des milieux d'affaires et des observateurs, en commençant par la volonté du roi Salmane d'encourager ses compatriotes, « qui ont une affection particulière pour le Liban, à y retourner ». Une annonce qui laisse espérer la fin d'une crise qu'ils appelaient de leurs vœux depuis près d'un an. En février 2016, les États du Conseil de coopération du Golfe (CCG) – Arabie saoudite, Émirats arabes unis, Qatar, Koweït et Bahreïn – avaient appelé leurs ressortissants à ne pas se rendre au Liban ou à quitter le pays, une décision cristallisant des tensions diplomatiques de plus en plus vives sur les questions politico-sécuritaires au niveau régional.

Parmi les autres décisions-clés figure la création par le Liban et l'Arabie saoudite d'une commission libano-saoudienne compétente pour traiter des questions économiques. Le Qatar s'est lui dit prêt à encourager ses investisseurs à financer des projets de développement au Liban.

 

(Lire aussi : Entre Aoun et Riyad, de la courtoisie mutuelle, en attendant des actes concrets)

 

Hausse de la consommation
Si elle se confirme et s'étend aux autres pays du CCG, la détente ainsi amorcée devrait d'abord bénéficier au tourisme libanais. « Les Saoudiens ont refait leur apparition dès décembre dans les réservations pour des vols vers le Liban », affirme le président de l'Association des agences de voyages et de tourisme au Liban, Jean Abboud, sans pouvoir communiquer de chiffres sur cette période. « Le retour des touristes du Golfe, qui restent plus longtemps que les autres et dépensent plus, est essentiel pour relancer le secteur », se réjouit le président du syndicat des hôteliers du Liban, Pierre Achkar.

En attendant la publication en février des chiffres des arrivées de touristes pour l'ensemble de l'année 2016 par le ministère du Tourisme, la tendance sur les trois premiers trimestres montre que si les touristes arabes pèsent encore 30 % des 1,3 million d'arrivées recensées sur la période, leur croissance en rythme annuel (7 %) demeure inférieure à la hausse globale (10,23 %). Surtout, cette hausse des touristes arabes est restée essentiellement portée par les Irakiens (+25,9 %, à 181 729 arrivées) et les Égyptiens (plus de 10,2 %, à 63 633) ; tandis que les arrivées des touristes saoudiens (-27,7 %, à 27 840), koweïtiens (-29,5 %, à 18 687) ou émiratis (-74,2 %, à 1 717) ont poursuivi leur chute.

Les visiteurs en provenance des Émirats ou d'Arabie saoudite restent pourtant les plus dépensiers, avec respectivement 14 et 13 % du total des dépenses détaxées enregistrées en 2016, selon Global Blue, la société en charge de la restitution de la TVA sur leurs achats. De quoi espérer une répercussion du retour des touristes du Golfe sur la consommation. « La conjonction entre le regain de stabilité au niveau local et le retour progressif des touristes du Golfe va contribuer à doper la consommation privée en 2017, qui devrait augmenter de 7 %, selon nos prévisions », expose Marwan Barakat, chef du département de recherche économique de Bank Audi.

 

(Lire aussi : Aoun en Arabie, une visite et plusieurs messages, le décryptage de Scarlett HADDAD)

 

Apport survalorisé ?
À moyen terme, la détente entre le Liban et les pays du CCG pourrait également doper les investissements étrangers, même si cet impact reste encore incertain. Selon M. Barakat, le montant des investissements privés au Liban se situait aux alentours de 12,2 milliards en 2016, et devrait croître de 15 % cette année. « Mais il est très difficile d'isoler la contribution exacte des pays du Golfe », indique-t-il. « En 2010, 80 % des investissements directs étrangers émanaient des pays du Golfe et ils ont beaucoup diminué depuis », avance le président de la Chambre de commerce de Beyrouth et du Mont-Liban (CCIAB), Mohammad Choucair. « On survalorise beaucoup l'apport des capitaux en provenance de ces pays », relativise de son côté l'ancien ministre des Finances Georges M. Corm, relevant que « le gros des investissements s'est fait dans l'immobilier de luxe – à faible valeur ajoutée –, et non dans les secteurs productifs comme l'industrie ou l'agroalimentaire ».

Les professionnels de l'immobilier saluent donc naturellement une normalisation des relations à long terme. « Depuis plusieurs années, les ressortissants du Golfe – Saoudiens et Koweïtiens surtout – revendaient leurs biens à 20 voire 30 % du prix du marché, avant de quitter le territoire », constate Guillaume Boudisseau, consultant immobilier à Ramco Real Estate. « Nous espérons que la nouvelle donne va freiner cette tendance », ajoute-t-il.

« Si les touristes peuvent revenir pour des raisons sentimentales, ce n'est toutefois pas le cas pour les investisseurs », nuance M. Choucair, qui préconise un allégement de la fiscalité pour les attirer.
L'impact le moins immédiat devrait être celui sur le commerce extérieur, marqué par un déficit de la balance commerciale du Liban avec les pays du Golfe (de plus de 300 millions de dollars en 2015), notamment depuis l'accord de libre-échange signé par le gouvernement de Rafic Hariri en 2004. « Le climat positif actuel va nous permettre d'aborder certaines questions relatives à la coopération économique avec les pays concernés », espère néanmoins M. Gemayel, avant d'insister sur la nécessité de réorienter davantage les investissements du Golfe vers l'industrie.

Pour certains observateurs, la crise passée souligne aussi en creux la nécessité pour le pays de diversifier davantage ses sources de financement. Notamment en limitant « sa dépendance vis-à-vis de tel ou tel groupe de pays, aussi bien en ce qui concerne le tourisme que les investissements extérieurs ou les remises des expatriés, comme cela était le cas avant 1975 », souligne par exemple M. Corm.

 

 

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commentaires (1)

Pourquoi pas dans la mesure où ils n'interfèrent plus dans nos affaires sociales .

FRIK-A-FRAK

19 h 11, le 18 janvier 2017

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Commentaires (1)

  • Pourquoi pas dans la mesure où ils n'interfèrent plus dans nos affaires sociales .

    FRIK-A-FRAK

    19 h 11, le 18 janvier 2017

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