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Liban - Interview

Difficile d’envisager un retour des réfugiés avant une stabilisation en Syrie, affirme Mireille Girard

La représentante du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés au Liban expose les dangers de l'établissement de « zones de sécurité ».

Grâce à la médiation de la Russie et la Turquie, un cessez-le-feu a pu être appliqué en Syrie le 30 décembre dernier. Même s'il peut paraître fragile en ce moment, il reste qu'il peut constituer une base pour des nouvelles négociations de paix, prévues à Astana, la capitale du Kazakhstan, le 23 janvier. Pendant ce temps, le Liban porte toujours le fardeau le plus lourd de la crise de réfugiés, mais au vu des développements récents en Syrie, il est permis de s'interroger sur le sort des réfugiés dans le pays. Mireille Girard, représentante du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) au Liban, répond aux questions de L'Orient-Le Jour à ce sujet.

Selon Mme Girard, c'est surtout un processus politique favorisant un règlement en Syrie qui pourrait impacter le dossier des réfugiés. « Le cessez-le-feu est en lui-même une bonne nouvelle, mais nous connaissons l'histoire des cessez-le-feu en Syrie au cours des dernières années. Voilà pourquoi il est fondamental qu'il y ait un processus politique à la base du cessez-le-feu qui fournisse des garanties que les parties à la table de négociations respecteront. C'est seulement dans ce cas que les réfugiés pourront espérer une paix durable et avoir confiance, à terme, de rentrer chez eux », affirme Mme Girard en soulignant que « la situation en Syrie reste malgré tout dramatique en ce moment ». « Les hostilités n'ont toujours pas cessé, des zones sont assiégées et des zones non accessibles par l'aide humanitaire sont contrôlées par des groupes qui ne font pas partie des négociations, comme l'État islamique ou al-Nosra » (Jabhat Fateh al-Cham), poursuit-elle, avant de préciser que les réfugiés suivront de près ce qui se passera à Astana et Genève. « Si cela donne lieu à un processus qui aboutit à quelque chose de tangible ils commenceront à reprendre confiance », souligne-t-elle.

 

(Lire aussi : Réfugiés syriens : le gouvernement Hariri prépare un nouveau plan d'action)

 

Quel niveau de stabilité en Syrie est-il nécessaire pour que la communauté internationale prenne en considération le retour des réfugiés ? À cette question, Mme Girard répond : « Il faut avant tout s'assurer que les gens puissent rentrer chez eux, dans une situation stable et non pas dans une situation qui peut sembler paisible aujourd'hui mais changer demain, d'où l'importance d'un accord politique. Un nombre de conditions doit être mis en place, notamment que les gens puissent recouvrer les droits qu'ils avaient avant leur départ, qu'ils ne soient pas traités différemment de ceux qui sont restés et qu'ils aient accès aux services de base. »

Si pour le moment, elle semble indirectement écarter la possibilité d'un retour prochain des populations syriennes déplacées, la représentante du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés n'en reste pas moins optimiste : « Par le passé, certaines situations ont évolué très rapidement. Au Kosovo, par exemple, les gens aussi avaient fui mais ils avaient été en mesure de rentrer chez eux trois mois plus tard. C'était impossible à prédire. Il ne faut pas être fataliste », souligne-t-elle, avant d'ajouter : « En Syrie, la situation est très compliquée. De nombreux acteurs sont impliqués et il faudra du temps pour les amener tous à convenir d'une paix durable. On pourrait quand même arriver à un accord plus vite qu'il ne semble possible à l'heure actuelle », insiste-t-elle.

Conscient qu'un règlement peut tarder, et pour essayer d'alléger le poids que présente pour lui le dossier des réfugiés, le Liban plaidait pour l'établissement, en Syrie, de zones de sécurité vers lesquelles ces derniers pouvaient être réorientés, mais la communauté internationale reste hostile à un tel arrangement. Qu'est-ce qui empêche donc l'établissement de ces zones ?
« Malheureusement, les expériences de l'ONU dans l'établissement de zones de sécurité dans le passé n'ont jamais réussi, rappelle Mme Girard. Des massacres ont eu lieu dans ces zones. On se souvient des massacres de Sebrenisca (plus de 8 000 hommes et adolescents ont été tués en juillet 1995 durant la guerre de Bosnie-Herzégovine dans une ville déclarée » zone de sécurité « par l'ONU) et du Rwanda (massacre de Tutsis en juin 1994). C'est pour cela qu'il faut beaucoup de garanties avant que la communauté internationale ait confiance de dire aux réfugiés : "Cet endroit est sûr. Vous pouvez y retourner". »
Et d'enchaîner : « En Syrie, la ligne de front évolue constamment. On a vu des hostilités à Damas. Il y a eu des voitures piégées à Tartous et à Lattaquié, des villes pourtant considérées comme épargnées. Il ne faut pas non plus oublier les nombreux acteurs en Syrie. Il n'est pas réaliste de les amener tous – y compris ceux qui ne font pas partie des négociations – à respecter des zones potentielles de sécurité. »

 

(Pour mémoire : Le Liban secoué par des vagues successives de réfugiés)

 

À la question de savoir quelles mesures la communauté internationale pourrait prendre au cours des prochains mois afin d'aider le Liban à supporter le fardeau des déplacés syriens, la responsable onusienne répond : « En proportion, la crise syrienne a affecté le Liban plus que tout autre pays. La situation devient plus difficile chaque jour pour les personnes. Cela est sûr. En plus de l'assistance humanitaire, la communauté internationale fournit une aide pour la stabilisation à long terme. Il s'agit d'une aide à l'infrastructure, de moyens pour consolider les secteurs de la santé, de l'éducation et de l'eau. Nous travaillons étroitement avec le nouveau gouvernement. En 2017, l'une de nos priorités principales est d'empêcher que les réfugiés syriens et les Libanais les plus vulnérables ne glissent encore davantage dans la pauvreté. »

Existe-t-il, dès lors, une stratégie à long terme pour traiter la crise des réfugies s'il est impossible d'établir des zones de sécurité ? « Il est important que le Liban puisse bénéficier d'une assistance prévisible et fiable aussi longtemps que nécessaire », affirme Mme Girard, en résumant ainsi la stratégie adoptée par l'ONU pour aider le Liban au niveau de la gestion de la crise des réfugiés : « Il existe des secteurs dans lesquels il est possible de réduire les dépenses si une approche à moyen terme est adoptée. Cela consiste essentiellement à réagir aux maladies. Mais parfois, il est possible d'anticiper ces besoins, voire d'empêcher qu'ils émergent. Avec plus de vaccination et de prévention, il y a moins de maladies et les coûts des soins de santé baissent. Des investissements similaires sont applicables pour l'approvisionnement en eau et pour la collecte des ordures. Ce sont des projets dont pourrait bénéficier le Liban après le départ des réfugiés. Pour la communauté internationale, cela serait également une façon de reconnaître les efforts des Libanais. »

 

 

 

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